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25 / 09 / 2014 | 13 vues
José Alberto De Los Rios / Membre
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Enquête sur la charge de travail des cadres dans l'énergie : des résultats qui font froid dans le dos

En mai dernier, notre fédération  réalisait une enquête auprès des cadres des IEG portant sur le temps de travail et la reconnaissance. Au vu de ce que nous remontait le terrain, nous ne nous attendions pas à des résultats très encourageants, certes, mais de là à déplorer cette triste réalité révélée par notre sondage, il y a un fossé...

Avant de vous présenter nos propositions, revenons sur le résultat de cette enquête et le sens à en tirer.

Résultats de l'enquête : plus de 3 000 répondants et quelque 1 200 verbatim nous sont parvenus. Les résultats font froid dans le dos.

Devant la qualité et la quantité d’informations que cette enquête nous a fournies, nous avons décidé d’analyser les résultats en deux temps. Ainsi, vous trouverez d'abord une analyse concernant le temps de travail et plus précisément la charge de travail, puis nous reviendrons dans second article sur les aspects liés à la reconnaissance.

Les résultats sont sans appel : 69 % des cadres estiment que la charge de travail est élevée voir très élevée et ce point se situe à 79 % si les répondants ont des responsabilités d’encadrants…

Il ne s’agit donc pas d’un constat que l’on pourrait qualifier de marginal, pouvant être traité sur un bout de table ou autour d’un café… C’est actuellement le problème majeur des entreprises des IEG et tout le monde s’y retrouve car d’une entreprise à l’autre, les écarts de répondants varient seulement de 1 %.
Autre fait surprenant : deux tiers des répondants estiment que cette charge a augmenté durant les trois dernières années…

Les autres chiffres sont également éloquents : 62 % des salariés estiment que la charge de travail est insoutenable à cause des problèmes globaux d’organisation, que ce soit dû à des dossiers de réorganisation ou au nombre de réunions, de conférences téléphoniques…
Au regard de ces résultats, nous pouvons en déduire que 91 % des cadres dépassent leur temps habituel de travail. Nous ne sommes donc pas devant un phénomène anecdotique ou ponctuel.

Nous pouvons bel et bien affirmer que le travail est clairement entré dans la sphère de la vie privée des salariés et cela de manière simplement inadmissible. Le phénomène ne s’arrête pas là. Pour noircir le décor, les cadres nous informent que sur les 12 derniers mois, 75 % d’entre eux n’ont pas pu récupérer leurs dépassements horaires. Enfin, nous avons consacré une partie de notre enquête aux thèmes du surengagement au travail (échelle de Wilmar Schaufeli) et de l’épuisement professionnel (échelle de l'épuisement de PINES).

Nous portons l’alerte sur les risques d'épuisement, très élevés dans nos entreprises. D’après l’étude, nous arrivons au constant dramatique que 20 % des cadres des IEG se trouvent aujourd’hui dans cette situation.

Avec ces résultats en main, les directions doivent réagir et vite avant que la situation ne devienne irrémédiable : elles doivent considérer la charge de travail des cadres comme un dossier prioritaire.

Que disent les cadres ?

Les cadres s’alarment aujourd’hui et veulent qu’on les écoute sur les sujets suivants :

  • la réduction de la charge de travail (et cela devient urgent) ;
  • le souhait de profiter un peu de leur vie privée ;
  • l’élimination du télétravail sauvage et sans aucun cadrage ; nous sommes dans un contexte où le travail des cadres le soir semble normal mais il n’est reconnu presque nulle part (textes, rémunération…) ;
  • la prise de conscience par la direction de cette réalité ; il est évident que dans le contexte actuel, les cadres ont un taux horaire qui devient ridicule ;
  • la mesure des journées de travail, souvent très chargées et ressemblant à un fourre-tout ; ils sont conscients que le travail ainsi réalisé n’est pas valorisé à sa juste mesure ;
  • la mauvaise organisation du travail dont ils pensent être les victimes car c’est à eux de payer le prix du manque de pilotage, d’autant plus qu’ils jugent leur hiérarchie inexpérimentée, carriériste et non consciente des réalités ;
  • mettre la vraie gestion de compétences et des parcours professionnels au cœur de la gestion de carrières au détriment de l’actuel et vieux présentéisme qui n’est par ailleurs qu’un résidu de la gestion de carrières à la française.


Dans ce contexte, ils estiment qu’il existe une précarisation de leur travail, parfois même teintée d’un comportement irrespectueux de leur direction ; car la situation se prolonge et ils ne voient pas de signe d’écoute, ni de prise en compte de leur situation.

Souvent, ils se sentent isolés et seuls pour trouver des solutions.

La déshumanisation des liens professionnels s’installe, le pilotage prend des airs de court terme et une perte du sens du travail se développe, conduisant inexorablement au désengagement des cadres.

Cette situation a cependant un avantage : le gain en lucidité d’un certain nombre de cadres qui commencent à se poser une question fondamentale : est-ce que la réalisation personnelle (en tant qu’individu) doit indiscutablement passer par un épanouissement professionnel à outrance, alors que tant d’autres formes d’épanouissement peuvent réaliser ou accomplir également l’individu ?

Nous sommes à ce stade devant un équilibre très fragile où souvent ce mouvement de désengagement est largement compensé par la passion du métier ou des entreprises qu’ont les cadres.

Comment en sommes-nous arrivés là ?

Les raisons de ce triste constat sont nombreuses et nous pouvons vous les synthétiser en identifiant un certain nombre de domaines.

Les textes et les accords

• L’esprit des accords de 1999 supposait une grande avancée sociale. Les 35 heures s’étaient imposées à UE organisation de travail qui n’avait pas été revisitée. Résultat : depuis 15 ans, la montée en charge du travail et la pression hiérarchique ont conduit les cadres par leur position (difficulté à dire « non » aux demandes de leurs hiérarchies) au report des RTT, à la casse des cycles horaires et à la possibilité d’avoir des RTT dites « au pot », qui à ce moment-là arrangeaient l’ensemble des parties prenantes, permettant ainsi de ne pas borner le temps de travail comme l’esprit des accords de 1999 le préconisait.

• L’émergence de situations de travail difficiles avait conduit nos entreprises (sous la contrainte et pression du législateur) à proposer un certain nombre d’accords (accord Darcos sur les risques psychosociaux, par exemple). Néanmoins, nous constatons que ces accords comportent un certain nombre d’expressions « à l’infinitif » comme « faire », « réaffirmer », « développer » ou « rechercher ».

Ils n’ont pas forcément été accompagnés de plans d’action déclinables. Les résultats de notre enquête sont donc en fort décalage avec l’esprit qui régnait dans ces accords.

• Ces textes font une fixation sur la problématique des risques psychosociaux sans vraiment parler ou aborder la problématique de la charge de travail et cela peut aujourd’hui sembler aberrant.

• Les groupes multidisciplinaires (GMD) issus des accords ont souvent fonctionné a posteriori, ce qui est contraire au principe de prévention obligatoire de la part des employeurs, lesquels ont une obligation de résultat.

• Également les études concernant la prévention ou les enquêtes souhaitant avoir une expression sur la QVT des salariés sont souvent faites a posteriori. Dans ce cadre, la direction court toujours derrière la réalité.

L’organisation interne

• Les différents modes de pilotage des unités se sont succédés et cumulés dans le temps, sans avoir vraiment fait une évaluation du dispositif. Ainsi, le pilotage des processus, la démarche qualité, quelques tentatives de démarche par la qualité et la gestion des projets se superposent souvent dans les unités sans que celles-ci disposent d’une lecture claire sur leur mode de pilotage. Le travail se superpose, tout le monde veut donner une importance extrême à son rôle dans l’entreprise, souvent au détriment de l’équilibre de vie des personnes concernées.

• Les importantes réorganisations des entreprises ont souvent créé des liens internes gérés sous la forme client-fournisseur ce qui a fait que l’attention a été tournée plus vers les indicateurs de pilotage (le client) que sur les salariés exerçant ces activités.

• Les modes de fonctionnement, le pilotage et les relations internes ayant évolué depuis les accords de 1999, peu de tentatives sérieuses ont été présentées pour améliorer les conditions d’exercice des métiers notamment par la régulation des nouvelles technologies de l’information et la communication (ou NTIC, PC portables et smartphones notamment) et la mise en place du télétravail.

La direction

• Malheureusement, au plus haut niveau des entreprises les directions n’ont pas pris conscience de la situation car les dirigeants restent eux-mêmes silencieux sur leur charge de travail. Par ailleurs, cela prouve aussi la marginalisation de la fonction RH des managers et la place de l’humain au sein des entreprises.

• La charge de travail est absente du discours et du dialogue managérial. Les managers ne suivent aucune formation RH élargie aux responsabilités du CHSCT. De ce fait, leur rôle dans l’entreprise n’est pas acquis.

• La charge de travail, les conditions de travail difficiles, mais aussi le manque de confiance dans l’avenir professionnel se cristallisent souvent dans un manque de soutien de leur hiérarchie dans les situations professionnelles difficiles.

Nos propositions

  • Ouvrir des négociations sur les charges de travail avec notamment la volonté (où cela n’a pas été fait) d’aboutir sur un accord  sur le télétravail, sur les NTIC, et sur les conditions de travail des seniors (dispositif de fin de carrière).
  • Créer ou identifier des instances dans chacune des entreprises (sous forme d’une commission nationale de veille) qui prennent en compte les conséquences des projets sur les métiers.
  • Obliger les unités (directions/divisions) à avoir un document sur le mode de gouvernance et de pilotage de l’unité. Ce document, à mettre à jour annuellement, devra recueillir les processus clefs, les paramètres de performance, les entités de décision et de régulation de façon à identifier la charge de travail et à bien isoler l’activité arrivée en cours d’année.
  • Recueillir dans les différentes enquêtes l’expression des salariés sur la charge de travail.
  • Créer une charte du manager au plus haut niveau des entreprises qui recueille les valeurs managériales à partager, telles que l’écoute, la considération, l’accessibilité, et l’équité ainsi que toute autre valeur visant à mettre le facteur humain au centre des préoccupations.
  • Intégrer dans les EAP un point sur la perception de la charge de travail à destination du N+2.

Le travail se superpose, tout le monde veut donner une importance extrême à son rôle dans l’entreprise souvent au détriment de l’équilibre de vie des personnes concernées.

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Le surstress au travail et ses conséquences parfois dramatiques ne sont pas une fatalité. Si nous en sommes arrivés à autant de souffrance, autant de drames dans le travail, c’est à une volonté politique appuyée sur une petite demi-douzaine de façons de faire organisationnelles que nous le devons : la Religion de la mobilité, la Fabrique à stress, la Réingénierie, l’Empowerment et la Rémunération variable. Des techniques que notre étude, ENCADRER UNE ÉQUIPE, s’applique à débusquer pour mieux les combattre : livre 160p. édité à la Chronique Sociale, dont la deuxième partie fournit le kit complet d’animation d'une Formation à l. En vente dans toutes les librairies et sur le site meslivres2. com à cette adresse http://astouric.icioula.org/