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18 / 04 / 2013 | 14 vues
Roman Bernier / Membre
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En Norvège, les « contrats d'esclave » précipitent Ryanair dans la tourmente

Deux anciennes hôtesses de l’air habitant la Norvège ont porté plainte, avec le soutien des syndicats, contre Ryanair. Elles ont assigné la compagnie en justice pour licenciement injuste et violation du droit du travail. L’emballement politico-médiatique qui en a suivi a forcé M. O’Leary à intervenir sur la chaîne télé nationale pour tenter d’arrêter l’hémorragie. Trop tard. Les « slave contracts » de Ryanair lui colleront désormais à la peau, quoi qu’il arrive.

Un emballement politico-médiatique sans précédent

Pendant qu’en France, on parle surtout des nouvelles frasques de M. O’Leary (y aura-t-il ou non des toilettes dans les avions ? La France est-elle communiste ?), à l’étranger, les sujets de conversation sont malheureusement autrement plus sérieux.

Récemment, deux anciennes membres du personnel naviguant commercial de la compagnie à bas coût ont été remerciées assez abruptement pour des motifs plus ou moins troublants (comme celui d’avoir fait entrer trop tôt des passagers dans l’avion…). Ne souhaitant pas en rester là, elles se sont adressées à l’organisation syndicale norvégienne Parat qui s’est emparée de l’affaire et mercredi dernier, leur histoire faisait la une mercredi du Dagens Næringsliv, un quotidien national.

Dans la foulée, la compagnie aérienne historique SAS accusait le gouvernement de s’être montré trop permissif avec une compagnie soupçonnée d’évasion fiscale, de travail dissimulé et de dumping social. En effet, depuis longtemps, le transporteur historique avait multiplié les recours pour que le gouvernement s’empare du sujet.

Du côté des syndicats, Vegard Einan (président adjoint de Parat) préfère au terme de dumping social celui plus provocateur de « contrat esclavagiste ». Au plus haut niveau de l’État, le Premier Ministre norvégien s’est dit surpris de ses pratiques qu’il ignorait et a appelé à un boycott national de la compagnie à bas coût. 

M. O’Leary, dirigeant de Ryanair, a eu beau répondre à ses accusations en précisant que sa compagnie ne forçait personne à travailler pour elle, toute la Norvège semble faire front contre la « low-cost ». Le ministre des finances exige désormais que Ryanair paye ses taxes, un groupe de pilotes clame haut et fort que ces pratiques n’ont rien de nouveau et une association médicale critique les risques psycho-sociaux de la politique managériale de la compagnie.

Autant dire que la réputation de Ryanair est désormais tout à fait ternie en Norvège.

Et la Norvège découvrit Ryanair…

Un tel emballement pourrait surprendre dans la mesure où ces accusations ne sont pas nouvelles en Europe. De nombreux articles ont déjà abordé les conditions résolument précaires de travail imposées par Ryanair, qui ont parfois gravement porté atteinte au droit du travail de plusieurs pays européens (non-paiement des heures supplémentaires, absence de cotisations sociales, paiement de l’uniforme…). En France, la compagnie irlandaise est d’ailleurs poursuivie pour travail dissimulé à Marseille. Le jugement, attendu fin mai, devrait a priori faire jurisprudence.

Le fait que la Norvège n'est pas membre de l'Union européenne explique principalement les raisons d’un tel déchaînement. Jusqu'à présent, le pays faisait peu cas des scandales sociaux qui avaient touché la Belgique, l’Espagne ou la France avant lui. En outre, comme la Norvège ne tire pas les avantages de la régulation européenne sur les droits sociaux du personnel navigant (entrée en vigueur l’année dernière), ses employés restaient vulnérables au dumping que l’Union européenne a décidé de combattre depuis peu. Cette vulnérabilité et les pratiques presque illégales ont contribué à produire un véritable électrochoc dans le pays.

Toutefois, sans aller jusqu’à dire que le gouvernement approuvait ces contrats, il est plutôt probable qu’à Oslo on ait fermé les yeux sur ces cas peu médiatisés et méconnus du grand public. Comme partout ailleurs, cette mollesse politique a toujours servi les compagnies peu scrupuleuses du secteur du transport aérien.

Ce n’est plus le cas pour l'État scandinave désormais et la pression s’intensifie déjà sur Ryanair. Un projet de loi devrait bientôt voir le jour afin d’obliger les compagnies aériennes dont le PNC ou les pilotes travailleraient sur place à cotiser pour la sécurité sociale et à payer des impôts.

En attendant son application, en Norvège, le réveil est un peu brutal.

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