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23 / 02 / 2018 | 308 vues
Olivier Hoeffel / Membre
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Faut-il être au fond du trou psychiquement pour espérer voir sa souffrance au travail reconnue ?

Entre janvier 2017 et janvier 2018, les indemnités journalières versées par le régime général de l'Assurance-maladie ont augmenté de 8 %.

L'une des causes qui revient dans les analyses est la dégradation des conditions de travail.

L'arrêt de travail étant le seul recours pour un individu en souffrance au travail tant que les affections psychiques dont il peut être atteint ne sont pas suffisamment graves (gravissimes ?) pour être reconnues en tant que maladie professionnelle ou tant qu'il n'a pas fait une décompensation (voire pire) sur son lieu de travail qui serait reconnue en accident du travail.

En résumé, il faut donc être au fond du trou psychiquement pour espérer voir sa souffrance au travail reconnue. Tant que ce n'est pas le cas, les médecins de ville font ce qu'ils peuvent, à leur mesure et souvent avec un sentiment d'impuissance, pour préserver la santé par des arrêts de travail et soigner les symptômes des individus dont la santé psychique, physique et sociale se dégrade progressivement jusqu'à une décompensation, un épuisement professionnel, une dépression sévère, une démission, une rupture conventionnelle, un licenciement ou, dans le pire des cas, un suicide. Encore faut-il que l'individu en souffrance au travail accepte de voir son médecin de ville pour un diagnostic et pour un exposé de sa souffrance, peut-être poussé par son entourage qui s'inquiète.

Est-il acceptable et concevable que la société et le monde du travail soient aussi peu attentifs à la santé psychique des individus et si peu réactifs en cas d'atteinte à cette santé ? Est-il juste et intelligent de vouloir faire peser la responsabilité de la hausse des indemnités journalières aux médecins de ville qui seraient trop complaisants ? Pour Jean-Paul Hamon, président de la Fédération des médecins de France, interrogé hier à propos de l'augmentation de ce chiffre, le principal suspect sont les conditions de travail dégradées.

Un certain nombre d'acteurs (professionnels de la santé au travail, politiques et citoyens) œuvre pour une meilleure reconnaissance des affections psychiques au travail, notamment l'épuisement professionnel. Il s'agit aussi d'aller plus loin pour une double logique : une vraie prévention des risques psychosociaux dans les entreprises et une vraie prise en charge des gens en souffrance au travail le plus tôt possible, selon les deux principes tellement évidents et tellement peu appliqués : « mieux vaut prévenir que guérir » et « il faut prendre le mal à la racine ».

Dans une approche holistique et systémique, je suis convaincu de la nécessité de combiner et coordonner 4 mouvements.

  1. Un mouvement pour une bien meilleure reconnaissance et une prise en charge des affections psychiques en décloisonnant autant que possible, tout en conservant l'indispensable secret médical. Une bien meilleure prévention des risques psychiques qui soit au moins au même niveau que pour la prévention des risques physiques.
  2. Déployer significativement plus la qualité de vie au travail (QVT) dans toutes les organisations, quels que soient leur statut et leur métier, y compris pour les travailleurs indépendants. La QVT étant entendue au sens de la définition de la santé par l'OMS : « un état de complet bien-être physique, psychique et social » et non comme un levier supplémentaire pour obtenir encore plus de performances ou comme moyen d'assurer la fidélité de salariés dans les organisations qui ont les moyens et/ou qui sont sur des secteurs en tension en matière de recrutement (QVT = services de proximité). L'amélioration de la QVT relevant elle-même d'un double mouvement (du haut vers le bas et du bas vers le haut). Sur laqvt.fr, nous promouvons particulièrement le développement du mouvement partant de la responsabilité individuelle vers la responsabilité sociétale.
  3. La sensibilisation des individus au rôle crucial qu’ils jouent en matière de conditions de travail à travers leurs actes de consommation. Il s'agit que le travailleur/consommateur puisse intégrer dans ses choix de consommation les conditions de travail des individus concernés par les produits et services qu'il achète. Les associations de consommateur peuvent s'emparer de manière plus importante de cette dimension visant une triple protection : celle du consommateur, du travailleur et de la planète.
  4. L’intégration dans le code civil des dimensions sociale et environnementale dans la définition des missions d’une entreprise (projet de loi plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprises (PACTE) qui doit être publié au printemps 2018). Créer une nouvelle forme juridique accessible aux futurs créateurs d'entreprise serait un petit pas. Intégrer ces deux dimensions dans l'article 1833 du code civil permettrait de peser réellement sur la santé des individus dans toutes les organisations sous forme de société.

double mouvement de la QVT

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