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09 / 07 / 2015 | 23 vues
Audrey Minart / Membre
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Comment agir sur la santé au travail ? - Entretien avec Yves Clot, Éric Beynel et Arnaud Mias

À l’occasion du colloque du DIM Gestes qui s’est déroulé les 11 et 12 juin 2015, le psychologue du travail (clinique de l’activité, CNAM) Yves Clot et le professeur de sociologie Arnaud Mias (Université Paris-Dauphine), tous deux membres du bureau du DIM Gestes, et le porte-parole de l’Union syndicale Solidaires Éric Beynel ont échangé sur la manière d’agir sur la santé au travail dans le cadre d'un échange audio animé par Miroir Social.

Arnaud Mias est tout d’abord revenu sur l’organisation du colloque, qui avait l’ambition de réunir autant universitaires qu’acteurs de terrain. Une association qui a pu selon lui « déstabiliser un certain nombre d’universitaires ». « Certaines disciplines sont plus à l’aise avec l’intervention en binôme, comme la psychologie et l’ergonomie, très présentes lors de ce colloque ». En effet, les économistes et juristes étaient seulement présents comme discutants dans ce colloque, ce qui contraste avec l’ambition pluridisciplinaire du DIM Gestes. Celui-ci ne s’efforce pas moins de rendre son bureau représentatif de toutes les disciplines (psychologie, gestion, ergonomie, sociologie, économie, statistiques et droit, la composition du bureau ici).

Quoi qu’il en soit, le but de ce colloque, qui comptait 20 communications (4 dans chacun des 5 ateliers prévus) n’était pas de verser dans la logique d’un « congrès RH », à valoriser les « bonnes pratiques ». Selon Arnaud Mias, l'objectif était en effet « de se donner le temps de rentrer dans chaque cas présenté », de révéler dilemmes et obstacles et d’en discuter avec la salle. « Les interventions à plusieurs voix permettent de proposer plusieurs points de vue sur une même réalité. Ce qui fait l’originalité et la richesse de ce colloque ».

Yves Clot est ensuite revenu sur les interventions de l’équipe du CNAM au sein de Renault à Flins, et à l’AFPA entre autres. Il a notamment rappelé que l’objectif visé par l’équipe était la « transformation réelle de la situation de travail des opérateurs » (meilleur confort dans le travail, diminution des TMS…). L’élection de référents, dont il a beaucoup été question, n’est donc qu’un outil permettant d’atteindre cet objectif.

À la question relative aux conditions dans lesquelles de telles interventions pouvaient être menées dans des établissements plus petits, Yves Clot a répondu que son équipe travaillait aussi dans de plus petites structures, dont un EHPAD. « Notre objectif est de provoquer de la coopération conflictuelle, c’est-à-dire d’éviter d’avoir à choisir, en mettant le travail au centre, entre une coopération sans conflit et conflit sans coopération ». Cette coopération conflictuelle autour des divers critères de qualité dutravail, synonyme de santé psychique, a notamment pour but d’éviter la prévalence de ceux de la direction seule. À noter que les salariés eux-mêmes sont conviés à discuter entre eux des critères de qualité du travail car tous ne partagent pas nécessairement les mêmes. « La vitalité psychique est très liée au plaisir de « discuter boulot » », a continué Yves Clot. « De tout mettre sur la table et de ne pas tricher avec le réel ». Tout l’intérêt des interventions de l’équipe du CNAM. « L’idée n’est pas de recueillir le point de vue des salariés et de se faire leurs porte-paroles auprès des directions, de s’installer comme médiateurs sociaux… Ça, c’est du colmatage de conflit ». Alors que le conflit, selon lui, permet aux salariés de conquérir un certain « pouvoir d’agir », source de santé au travail. Même petite, l’équipe du CNAM parvient à faire descendre l’organisation sur les problèmes pour les résoudre plutôt que chercher à faire remonter les problèmes au risque qu’ils se perdent en route. La limite, c’est que bien trop peu d’organisations se lancent dans ce genre de transformations.

Par la suite, Éric Beynel a évoqué l’intérêt de la démocratie au travail et que les questions de travail soient débattues au plus près des travailleurs. Il a également souligné que certaines équipes syndicales faisaient parfois réaliser des expertises sans forcément avoir réfléchi en amont aux stratégies syndicales à adopter ensuite. « Parfois, on fait des expertises parce que l’on ne sait pas quoi faire ». Certaines d’entre elles n’en ont pas moins permis ensuite de produire une action, un conflit, avec des résultats plutôt positifs selon lui, sans non plus qu’il s’agisse d’une « coopération conflictuelle ». Il a cité l’exemple de la Poste à Yvetot, où l’expertise a servi à discuter la réorganisation en cours, afin qu’elle soit plus proche des aspirations des travailleurs. Il a enfin souligné l’importance de l’appropriation de ces initiatives, à la fois par les équipes syndicales, mais aussi par les travailleurs eux-mêmes.

La fin de l’échange a porté sur l’avenir du DIM Gestes, né en 2012, et l’éventuelle reconduction de ce programme qui a permis la constitution d’un réseau de chercheurs sur les questions de travail. Tout dépendra de la décision de la future majorité au conseil régional, après les élections de décembre 2015.

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