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18 / 05 / 2018 | 27 vues
PASCAL DELMAS / Membre
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Un accord de performances collectives peut-il être un élément de refondation du dialogue social ?

L’une des ordonnances Macron [1] a parachevé la mise en place d’un principe de modification du contrat de travail par accord collectif concernant plus particulièrement l’aménagement de la rémunération, la durée du travail et les conditions de mobilité interne et ce, par l’instauration d’un accord de performances collectives en vigueur depuis le 1er janvier 2018.

Notre propos est d’examiner si, par-delà les effets attendus de prime abord, ce dispositif ne peut pas servir à réellement « refonder » le dialogue social et donc correspondre à son objet…

Un accord de performances collectives, but et fondement initial

Il diffère des dispositions antérieures en cherchant à la fois à la multiplication des cas où comme le veut (ou le voulait) l'un des principes du droit du travail, tout contrat de travail prévaut sur l’application d’un accord collectif, lorsque ses clauses sont plus favorables que le texte conventionnel en question mais en l’élargissant.

Ces dispositions antérieures prévoyaient :
  • un accord de maintien dans l’emploi : conclu pour une durée de 5 années maximum, ce dernier permettait à tout employeur de s’engager à maintenir l’emploi d’un salarié, en contrepartie d’un aménagement de son temps de travail et/ou de sa rémunération mais ce, dans le cadre exclusif de graves difficultés économiques conjoncturelles ;
  • un accord de préservation ou de développement de l’emploi (APDE) : conclu pour une durée déterminée fixée par défaut à 5 années, cet accord permettait à tout employeur de prévoir des modifications substantielles du contrat de travail (rémunération / durée du travail) sous conditions et ce, dans le but de préserver ou développer l’emploi dans l’entreprise mais sans que cette dernière ne soit nécessairement confrontée à de graves difficultés économiques. Sa mise en œuvre était néanmoins sous-tendue à l’élaboration d’un diagnostic chiffré et partagé avec les organisations syndicales parties à la négociation ;
  • un accord de réduction de la durée du travail : conclu dans le but d’organiser l’attribution de journées ou de demi-journées de repos aux salariés dont la durée de travail est supérieure à 35 heures par semaine, ledit accord est un levier d’aménagement de la durée du travail qui, bien que pouvant avoir pour effet la diminution du nombre d’heures stipulé dans le contrat, s’applique de plein droit aux salariés concernés ;
  • un accord de mobilité interne : conclu isolément ou s’inscrivant dans le cadre d’un accord de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC), un tel accord permettait de prévoir les conditions d’une mobilité professionnelle ou géographique interne à l’entreprise et ce, dans le cadre de mesures d’organisation collectives courantes. Les clauses dudit accord, soumises à conditions (de secteur notamment), s’imposaient au(x) salarié(s) concerné(s).
L’APC est un accord majoritaire signé par des syndicats représentant au moins 50 % des voix qui se sont portées sur les syndicats représentatifs au premier tour.

À défaut de syndicats, Il peut aussi être signé par accord avec le CSE, par des salariés mandatés ou, dans les entreprises d’au plus 20 salariés, par ratification aux deux tiers des salariés.

Les finalités de l’accord sont très larges. Il faut cependant, dans le préambule (ce qui tend à renforcer toute l’importance de bien rédiger les préambules des accords collectifs par ailleurs), justifier « (de) nécessités liés au fonctionnement de (l’) entreprise » qui entraînent la négociation d’un tel accord.

La nouveauté apportée par les ordonnances Macron est que l‘existence d’un motif économique n’est plus une condition nécessaire pour pouvoir signer ce type d’accord. Il suffit que l’accord développe ou préserve l’emploi ou qu’il soit nécessaire au fonctionnement de l’entreprise (faire face à un nouveau marché, gagner en agilité, en gain de productivité, réaliser des économies…).

Quel contenu ?

Le nouvel article L.2254-2 du Code du travail fusionne certes les divers accords primant sur les contrats de travail (accords RTT, accords de mobilité interne, accords de maintien dans l’emploi et accords de préservation et de développement de l’emploi) en un régime unique.

Mais l’accord de performances collectives (APC) n’est pas réductible (le code du travail indique qu’il « peut » et donne une liste de possibilités pouvant, selon nous, être étendues) à la révision :
  • de l’aménagement de la durée du travail, ses modalités d'organisation et de répartition ;
    • revoir ou mettre en place le système de forfait–jours par exemple (s’il est prévu par un accord collectif de branche) afin de l’adapter au contexte de l’entreprise. Avec la modification apportée par les ordonnances Macron et la capacité de dialoguer et de conclure des instruments juridiques (accords) plus proches de la réalité du terrain (le principe de la primauté de l’accord d’entreprise sur l’accord de branche s’applique). Il faut cependant rappeler que les ordonnances du 22 septembre 2017 n’ont pas modifié les règles légales d’ordre public relatives aux salariés éligibles au forfait jours. Ces règles ne permettent pas d’y déroger par accord d’entreprise et il faudra notamment que les salariés intégrés au forfait soient autonomes au sens de l’article L. 3121-58 du code du travail.
  • de l’aménagement de la rémunération dans le respect des salaires minimaux hiérarchiques ;
  • de l’aménagement des conditions de la mobilité professionnelle ou géographique interne à l'entreprise.
Bien entendu, ce dispositif peut être vu comme un instrument de détricotage des protections collectives (comme, en leur temps, les « accords de GPEC » masquaient, mal, des dispositifs de PSE).

On peut en avoir une autre lecture et militer afin que l’APC puisse s’inscrire dans un débat plus large sur l’accompagnement social de la stratégie pluriannuelle de l’entreprise afin de procéder (par voie d’accord à durée déterminée) en mettant en place un dispositif de type « poupées gigognes » ayant comme objectif d’adapter l’entreprise et ses salariés à l’évolution du marché, de sauvegarder voire d’améliorer la compétitivité de l’entreprise dans son secteur d’activité gage de la préservation des emplois.

Un APC novateur pourrait prévoir comment peut se réaliser l’ajustement permanent des compétences par rapport aux besoins des clients de l’entreprise. Ainsi, un APC pourrait s’articuler autour notamment :
  • d’une mise en place d’une politique de gestion préventive et prévisionnelle de l’emploi ;
  • de la préservation des emplois et de la conservation de son savoir-faire tout en tenant compte de la pyramide des âges de l’entreprise, de l’amélioration de ses performances, de la qualité des prestations délivrées à ses clients, de l’augmentation des compétences de l’ensemble de son personnel et du développement des facultés d’adaptation au marché de l’emploi ;
  • d’un « système » de prévention des risques professionnels adapté ;
  • d’une « méthode » relative à un dispositif d’accompagnement dans le cadre d’éventuelles difficultés structurelles (par un traitement négocié en amont des éventuels restructurations et licenciements économiques).
Nous examinerons les premiers accords sous la formule nouvelle afin de voir comment les partenaires sociaux s’en emparent réellement [2] et redéfinissent comment se compose et sont définies « les performances collectives ».


[1] L 2254-2 et D 6323-3-2 du code du travai.l

[2] Interrogés sur le fait de savoir si leur entreprise a déjà eu recours à l’une des mesures des ordonnances ou entend le faire dans les prochains mois, les responsables de RH sont peu nombreux à répondre positivement. Dans le détail, ils n’envisagent pas de les utiliser à court terme : à 86 % pour les accords de performances collectives (Liaisons Sociales Quotidien: n° 17568 du 14 mai 2018).
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