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14 / 01 / 2013 | 8 vues
Rodolphe Helderlé / Journaliste
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Sécurisation de l’emploi : un accord qui fait du neuf avec du vieux

Rien de bien nouveau dans l’accord interprofessionnel du 11 janvier qui officialise la généralisation de pratiques déjà anciennes, affirme le poids de l’accord d’entreprise, valide des acquis de la vieille négociation sur la modernisation du dialogue social (encore en cours) et de vieilles propositions comme les droits rechargeable à l’assurance-chômage ou encore le CDI intérimaire, un temps portés par Xavier Bertrand lorsqu’il était ministre du Travail.

Extension de l’existant

  • La complémentaire santé pour tous au travers des branches
Seuls 63 accords de branche concernent la complémentaire de santé, contre 252 la prévoyance. Le potentiel existe donc plus que jamais. Pour preuve, le nombre d’accords de santé a doublé en deux ans dans les branches alors que les marges de progression en prévoyance plafonnent. Le gâteau des branches aiguise tout autant les appétits de ceux qui considèrent en être exclus. C’est le sens de la création en mai 2011 de l’APAC (Association pour la promotion de l’assurance collective) à l’initiative du courtier April, qui a annoncé en juillet dernier sa volonté de saisir l’autorité de la concurrence au regard de la quasi situation de monopole (90 %) des institutions de prévoyances et de l’écosystème mutualiste partenaire dans les accords de branche en prévoyance et santé. C’est dans ce contexte que l’accord du 11 janvier 2013 va dans le sens de plus de flexibilité dans la désignation des prestataires.

Quelles nouvelles règles du jeu sur le marché de la santé des branches ? > Notre décryptage, sur abonnement.
  • La portabilité des droits à complémentaire santé et à la formation

La portabilité des droits à complémentaire santé et à la formation est renforcée par l’accord du 11 janvier. En santé, la portabilité (qui passe de 9 à 12 mois) a connu un démarrage compliqué en juillet 2009. Notamment dans les PME où encore beaucoup d’employeurs et d’assureurs traînent les pieds, quand ils « n’oublient » pas carrément de la proposer au salarié licencié. En matière de DIF (rebaptisé « compte personnel de formation »), la portabilité qui existe aussi depuis 2009 n’était pas intéressante car valorisée 9,15 euros de l’heure par les OPCA. Le volet sécurisation de l’accord interprofessionnel abandonne cette conversion au forfait monétaire pour transférer effectivement le crédit d'heures accumulé sur la base de 20h/an (plafonné à 120h). Le champ de la portabilité est potentiellement très large. « En cas de problème au niveau de son carnet de commandes, un employeur devrait pouvoir transférer le contrat en alternance dans une autre entreprise », estimait ainsi Jean-François Pillard, délégué général de l’UIMM, à l’occasion d’un débat organisé le 1er mars 2011 dernier par l’AJIS (l’association des journalistes de l'information sociale).

La portabilité, un concept « flexisécurité » à l’épreuve du réel > Notre dossier, sur abonnement.

Affirmation de l’accord d’entreprise stratégique


L’accord du 11 janvier officialise et sécurise l’accord de compétitivité, qualifié d’accord de maintien d’emploi, en le limitant à 2 ans. Celui en cours de négociation chez Renault depuis novembre tablait sur une durée de 3 à 4 ans.

En matière de flexibilité, les directions avait déjà signé des accords de méthodes permettant par exemple d’afficher les postes ouverts à un reclassement interne dans le cadre d’un PSE avant le livre I, comme cela a par exemple été le cas chez Carglass en 2012. Le texte prévoit par ailleurs qu’un accord d’entreprise puisse contraindre à la mobilité interne, tant fonctionnelle que géographique, mais n’officialise pas ces accords qui mettent en œuvre des restructurations ciblées d’une année au maximum, sur des périmètres de métier par exemple ou un site, avec de la mobilité externe et aussi des reclassements en interne, toujours sous la forme du volontariat. Voilà donc des accords toujours susceptibles d’être requalifiés en PSE à tout moment.

Ces recettes discrètes que les DRH voudraient officialiser pour réduire les délais et les coûts des restructurations ciblées > Notre décryptage, sur abonnement.
Un PSE que l’accord interprofessionnel sécurise en permettant à un accord majoritaire de se livrer à des aménagements du processus d’information consultation des instances représentatives du personnel et en limitant le délai de contestation à 3 mois. Faute d’accord, le texte prévoit une procédure d’homologation des modalités du PSE par la DIRRECTE.

Modernisation du dialogue social


Une partie de la négociation sur la modernisation du dialogue social portait sur l’identification des informations économiques (et plus seulement sociales) que les partenaires sociaux seraient susceptibles de partager à l’aune de la construction de la valeur ajoutée. L’accord du 11 janvier valide la structure de cette future « base de données économiques, sociales et sociétales ».

Clap de fin pour le bilan social, cap sur une base de données économiques, sociales et sociétales > Notre décryptage, sur abonnement.
L’accord balise également davantage les recours à expertises externes des CE et des CHSCT, dans le cadre des procédures de licenciements économiques. Un délai d’intervention est fixé avec un compteur qui tourne dès la date de désignation de l’expert du comité d’entreprise, puisqu’ils auront immédiatement accès à toutes les informations nécessaires à leur mission. Un délai qui intègre le temps dédié aux expertises CHSCT où aujourd’hui aucune contrainte de temps n’est imposée dès lors que le risque est considéré comme grave et que « le délai de 45 jours sur les projets importants n’est quasiment jamais respecté », considère Philippe de la Brosse, avocat associé du cabinet Aguera Associés. Une approche globale du calendrier sous l’égide du comité d’entreprise qui remet en cause l’autonomie du CHSCT et sa propre capacité de blocage par rapport au CE.

Le patronat tient à border d’avantage le droit d’expertise des représentants des salariés > Notre décryptage, sur abonnement.
C’est d’ailleurs dans cette logique « anti-guerilla » que le texte intègre la notion d’expertise unique dès lors qu’une réorganisation concernerait plusieurs établissements et donc plusieurs CHSCT. En l’état actuel du droit, chaque instance dispose d’un droit à expertise source potentielle de multiplication de rapports sur un même sujet de fonds, dans une même entreprise. Une dispersion que la caisse nationale des URSSAF s’est employée à limiter, avec un certains succès, dans le cadre de son plan de régionalisation.

Les URSSAF poussent à l’expertise unique lancée par plusieurs CHSCT > Notre décryptage, sur abonnement
C’est avant tout dans le cadre du CE que l’accord du 11 janvier autorise l’employeur à privilégier la compétence professionnelle pour fixer l’ordre des licenciements. Quatre critères légaux sont aujourd’hui définis pour déterminer l’ordre : la charge de famille, l’ancienneté, la situation sociale (ex. : handicap) et enfin les qualités professionnelles. Chronologiquement, les critères sont présentés au comité d’entreprise au moment de la consultation du livre II, qui fait suite au livre I dans lequel l’employeur expose les causes économiques d’une restructuration. Mais qui dit grille dit aussi rapport de force et l’employeur devra obtenir un avis (même consultatif) du comité d’entreprise sur les modalités d’application de son projet, dont les critères constituent un maillon. « En début de négociation, la prépondérance va aux qualités professionnelles neuf fois sur dix. Nous butons souvent sur le choix d’une référence non équivoque qui mette tous les partenaires d'accord », souligne Frédéric Gérard, directeur de mission au cabinet d’expertise Syncea.

Critères d’ordre et de sélection à géométrie variable dans les plans sociaux > Notre dossier, sur abonnement.

Une nouveauté en forme de taxe

L’une des principales nouveautés tient finalement dans une taxe. Celle qui va porter sur les contrats courts et qui devrait inviter les entreprises à se montrer plus transparentes sur cet indicateur de leur responsabilité sociale.

La durée du CDD : l’indicateur RSE bien caché > Notre décryptage, sur abonnement.

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Réuni le lundi 14 janvier, le Bureau confédéral de FO a décidé, à l’unanimité, de ne pas signer l’accord national interprofessionnel conclu le 11 janvier. Accord dit «pour un nouveau modèle économique et social au service de la compétitivité des entreprises et de la sécurisation de l'emploi et des parcours professionnels des salariés». Une décision logique au vu du contenu de l'accord, que Jean-Claude Mailly avait laissé pressentir durant la dernière semaine de négociation. À plusieurs reprises, le Secrétaire général de FO avait en effet indiqué que l'éventuelle signature de FO passait notamment par un retrait des dispositifs patronaux en termes de flexibilité. Or, ceux-ci figurent bel et bien dans le projet de texte final approuvé par la CFDT, la CGC et la CFTC: nouvelles procédures de plan social, mobilité interne forcée, création de deux CDI au rabais..., la liste est d'ailleurs longue pour qui voudrait dresser le catalogue des revendications patronales satisfaites par cet accord. L'une des plus lourdes de conséquences pour les salariés est la possibilité offerte aux patrons d'instaurer, dans le cadre d'un accord signé avec des organisations syndicales représentant une majorité de salariés, «en cas de graves difficultés conjoncturelles», et pendant deux ans, une baisse de salaire et/ou une augmentation du temps de travail. Et malheur au salarié qui serait tenté de refuser son sort, car il sera automatiquement licencié pour motif économique. TOUR DE PASSE-PASSE PATRONAL En revanche, pour ce qui est des avancées en faveur des salariés, l'accord instaure divers dispositifs d'une fragilité telle que leur –éventuelle– naissance ne risque pas de bouleverser le monde du travail: ainsi, la mise en place de droits rechargeables à l'assurance-chômage sera discutée dans une négociation ultérieure. Les contours du dispositif seront fixés par un groupe de travail, mais il est déjà acquis qu'il «ne pourra pas aggraver le déséquilibre financier du régime». En clair, il ne devra pas coûter un euro de plus. Quant à la généralisation de la couverture complémentaire santé, elle ne se fera obligatoirement que début 2016. Mais c'est peut-être sur l'épineux sujet de la surtaxation des contrats précaires que le patronat a montré l'étendue de son savoir-faire. Cette mesure a été présentée comme une concession patronale arrachée par les syndicats dans les dernières heures de la négociation. Sauf que la plupart des CDD (saisonniers, intérim) sont miraculeusement exclus du dispositif. Du reste, selon un premier chiffrage, la surtaxation des contrats précaires ne coûtera que 100 millions d'euros au patronat, tandis qu'il récupère, en échange, 150 millions d'euros de nouveaux allégements de cotisations d'assurance-chômage. Soit 50 millions de gagnés dans l'opération, qui s'apparente à un véritable tour de passe-passe patronal. C'est donc à la suite d'une analyse détaillée de l'accord que FO a estimé que «la flexibilisation, c'est maintenant; la sécurisation de l'emploi pour demain, peut-être». En ce sens, il s'inscrit dans la droite ligne des politiques pour l'emploi mises en œuvre depuis une trentaine d'années et qui ont pour point commun d'alléger le prix du travail tout en accroissant la flexibilité: désindexation des salaires (1983), suppression de l'autorisation administrative de licenciement (1986), allégements sociaux sur le temps partiel (1992) ou sur les bas salaires (1995) et mise en place des 35 heures (2000) se sont succédé sans que les centaines de milliers d'emplois promis à chaque fois ne se concrétisent. S'il demeure en l'état, cet accord viendra s'ajouter à la (longue) liste noire des dispositifs néfastes pour l'emploi.