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13 / 01 / 2015 | 2 vues
Didier Cozin / Membre
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Réforme de la formation : l'enlisement n'est plus très loin

Une réforme de la formation qui ressemble à toutes les autres

Pour expliquer l’insuccès du DIF, on peut donner de nombreuses explications dont beaucoup ont d'ailleurs été battues en brèche par l’instructif rapport de la DARES sur le DIF (rapport rendu public le 8 janvier dernier).

Au-delà de toutes les critiques plus ou moins pertinentes qu’on a pu adresser au DIF, il en est une qui n’est pas propre au DIF (ou à la formation professionnelle), cet aspect touche au social en France ; elle s’appelle procrastination, atermoiements et enlisement.

Nous sommes désolés de le dire ici, aussi tôt dans l’année (alors que pour certains observateurs la réforme ne fait que démarrer) mais l’enlisement dans la procédure et les hésitations ne sont pas de bon augure pour l'avenir de cette réforme, votée il y a moins d'un an.

Le même phénomène est à l’œuvre qu’avec le DIF, juste après le vote de la loi du 4 mai 2004

Même si le DIF était d’application immédiate (mais sans heures disponibles la première année), l’enlisement s’était très vite installé en formation. Au bout de 3 années (à mi-parcours), il était déjà presque impossible de rattraper les retards accumulés, le temps perdu. On ne pouvait plus mettre en œuvre et organiser qualitativement les millions d’heures cumulées par les salariés avec un risque qui augmentait d’année en année.

  • Tout cela se termina donc assez logiquement par l’abandon du DIF en 2013, par un nouvel accord social qui a mis fin à 10 années de non-développement.

Il faut bien comprendre que dès lors qu'une loi de la République n’est pas appliquée rapidement ou quand on laisse trop de délais pour son application (avec la réforme de 2014, les entreprises ont en principe jusqu’à 2020 pour prouver qu’elles forment tous leurs salariés), les petits calculs du monde du travail sont toujours les mêmes.

On laisse passer la caravane et quand la situation devient inextricable (ce qui s’est produit avec le DIF à partir de 2010), on lance une nouvelle idée, un nouveau dispositif autant destiné à faire retomber la pression (1 milliard d’heures de DIF cumulées en 10, pratiquement sans mise en œuvre dans les entreprises) qu’à épater la galerie (on va faire encore mieux qu’avec le précédent dispositif, cette fois-ci ce sera 24 heures par an et des compteurs allant jusqu’à 150 heures).

Sur la formation, l’enlisement est déjà installé

Cet enlisement a été provoqué :

  • par les pouvoirs publics qui auront fait de 2013, 2014 et maintenant de  2015 des années « de transition » (de « réflexion ou de discussions », comme on veut le faire croire) donc avec une formation régressant car patientant pour la prétendue grande réforme qui permettrait pour une fois (on peut toujours rêver) de tout remettre en ordre dans ce secteur ;
  • par les partenaires sociaux : alors que 1 000 salariés perdent leur emploi chaque jour depuis 2012, ceux-ci se réunissent pour discuter à petite vitesse, au mieux tous les 15 jours et sans être capables de sortir de leurs intérêts catégoriels ;
  • par les entreprises qui sont prêtes à toutes les promesses sociales lors des grandes messes partenariales mais qui deviennent amnésiques dès que l’encre des accords interprofessionnels a séché.

L’enlisement est-il définitif pour la réforme de 2014 ?

Le pire n’est jamais sûr et il reste peut être quelques semaines aux pouvoirs publics pour (enfin) dynamiser la réforme (que nous étions peu à combattre quand il en était encore temps) et lui éviter d’être ce troisième et inutile coup d’épée dans l’eau d’un pays qui ne parvient pas à restaurer sa compétitivité (perdue) comme l’employabilité (bien faible) de nombre de ses travailleurs.

Pour éviter l’enlisement il faudrait du courage politique (expliquer que sans d’énormes efforts d’adaptation, notre pays ne rattrapera sans doute plus son retard), ne pas avoir peur de heurter ses propres troupes (oui, on peut se former durant les RTT), publier dès le mois de janvier 2015 tous les décrets d’application et surtout, ne pas faire de 2015 une année de « transition » (comprenez d’immobilisme et de non-développement).

La réforme de la formation a autant d’atouts (le socle des compétences, la sanction financière de l’employeur en cas de non-formation, les entretiens professionnels obligatoires) que de mauvaises intuitions (comme cet improbable CPF qui louche du côté du DIF sans parvenir à rejoindre le CIF).

La réforme, ce seront peut être les Français qui la réussiront (ou pas) mais si elle ne démarre pas effectivement et concrètement par des formations dans les prochaines semaines, elle terminera sa carrière comme les deux précédentes (2004 et 2009).

Notre pays ne peut pourtant plus s’offrir de nouveaux échecs en la matière.

L’actuel Président de la République a fait son slogan de campagne sur « le changement, c’est maintenant » ; on attend le changement dans la formation dès le premier trimestre 2015, pas plus tard sinon la réforme s'enlisera.

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