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20 / 11 / 2014 | 410 vues
Audrey Minart / Membre
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Quels indicateurs pour mesurer la qualité de l'emploi ?

Mathilde Guergoat-Larivière est l'une des lauréates 2012 du DIM Gestes. Elle a bénéficié d’une allocation post-doctorale pour un projet de recherche en économie, mené au Centre d’Études de l’Emploi (CEE) dont le sujet est : « Qualité de l’emploi et du travail : évolutions, disparités entre groupes sociaux et politiques publiques ».  

La première réflexion de la jeune sociologue, qui date de sa thèse, a été de chercher à définir une mesure satisfaisante de la qualité de l’emploi. Une interrogation qui l’a notamment amenée à critiquer les indicateurs proposés par l’Union européenne en 2001 et à proposer une analyse empirique de la qualité de l’emploi en Europe en distinguant différents modèles (ou « régimes ») de qualité de l’emploi rassemblant chacun des groupes de pays partageant des caractéristiques proches. 

La qualité de l’emploi étant un concept multidimensionnel, Mathilde Guergoat-Larivière s’est reposée sur quatre grandes dimensions : sécurité socio-économique (salaires, nature des contrats de travail), éducation et formation (initiale et continue), conditions de travail (absente auparavant de la définition de l’UE), et égalité hommes-femmes/conciliation vie privée-vie professionnelle.

La qualité de l'emploi : un concept multidimensionnel 

« Sur cette base, on constatait une plutôt bonne qualité de l’emploi dans les pays du nord, une position intermédiaire dans les pays continentaux, dont la France fait partie, et plus défavorable dans les pays du sud, notamment du point de vue de l’éducation/formation. Et contrairement à ce qu’il se passe habituellement, il ne se dégageait pas de modèle de pays « libéraux », la situation au Royaume-Uni étant proche de celle des pays nordiques, et celle de l’Irlande plutôt des pays continentaux ». Une analyse qu’elle a poursuivie par la suite, non sans critiquer les indicateurs synthétiques servant à mesurer la qualité de l’emploi. « Une fois que l’on a accepté l'idée que ce concept est multidimensionnel, on ne va pas tout résumer en un seul indicateur ».

Quoi qu’il en soit, il apparaît selon ces données que la baisse de la qualité de l’emploi n’a pas été la même selon les dimensions prises en compte par l’enquête de la Fondation de Dublin. Pour les deux premières, conditions de travail et sécurité de l’emploi, temps de travail et conciliation vie professionnelle-vie familiale, une amélioration serait perceptible. Ce qui n’est pas le cas des autres sous-indices : une nette dégradation a été observée pendant la crise pour les sous-indices salaires et emploi atypique involontaire et une légère baisse au niveau des compétences et carrière et de la représentation collective.

Cependant, difficile d’expliquer ces évolutions, avec des données qui ne sont réactualisées que tous les cinq ans. « C’est parfois frustrant. Il est très complexe de déterminer si ces évolutions sont liées aux politiques publiques… D’où l’importance de croiser plusieurs approches. Justement, les chercheurs se sont également appuyés sur des indicateurs dynamiques calculés sur une base de données individuelles (le panel européen EU-SILC), qui permet d’étudier les transitions en termes de qualité de l’emploi entre 2007 et 2009. Le but : observer la relation entre les caractéristiques des individus et des pays et la probabilité de connaître une dégradation de la qualité de l’emploi ou d’aller vers le non-emploi.

Constat : certains groupes sont plus affectés que d’autres par la dégradation de la qualité de l’emploi, particulièrement les jeunes, les seniors et les personnes ayant un faible niveau de qualification. Si les femmes semblent moins affectées par ce risque, elles connaîtraient une probabilité plus élevée de transition vers le non-emploi.

Emploi et non-emploi des femmes

« Ce qui m’intéresserait, d’ailleurs, c’est de pouvoir étudier des trajectoires longues, afin de rendre compte des effets à long terme de l’inactivité, voire du temps partiel, sur les carrières » - Mathilde Guergoat-Larivière.« L’existence de structures de garde, collectives ou privées comme dans le cas des assistantes maternelles, semblent aller de pair avec une probabilité d’emploi plus forte dans les pays développés. Cependant, dans les pays où les modes de garde sont plus informels, la relation est négative. Cela est dû, il me semble, à un effet de substitution : les enfants étant généralement gardés par des femmes, qui n’occupent donc pas d’autres emplois. Il y a sans doute aussi un effet générationnel ».

Un thème qu’elle compte bien décliner sous d’autres angles à l’avenir « Ce qui m’intéresserait, d’ailleurs, c’est de pouvoir étudier des trajectoires longues, afin de rendre compte des effets à long terme de l’inactivité, voire du temps partiel, sur les carrières ».

Bibliographie indicative

Mathilde Guergoat-Larivière et Olivier Marchand, « Définition et mesure de la qualité de l’emploi : une illustration au prisme des comparaisons européennes », Économie et Statistique, n° 454, mars 2013.

Christine Erhel, Mathilde Guergoat-Larivière, Janine Leschke, Andrew Watt, Tendances de la qualité de l’emploi pendant la crise : une approche européenne comparative, CEE, 2013.

Christine Ehrel, Mathilde Guergoat-Larivière, « La mobilité de la main d’œuvre. Le rôle des caractéristiques individuelles et de l’hétérogénéité entre pays », Revue Économique 2013/2 (vol. 64).

Rapport « L’accès à l’emploi des femmes. Une question de politiques… », piloté par Séverine Lemière.

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