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28 / 03 / 2018 | 11 vues
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Quel renouveau pour le syndicalisme contemporain ?

Depuis les années 1980, dans la quasi-totalité des pays occidentaux, on assiste à un affaiblissement du syndicalisme, marqué notamment par le déclin du taux de syndicalisation (Pernot, 2014). Cet affaiblissement est allé de pair avec des transformations profondes du marché du travail ayant abouti à la forte augmentation de la sous-traitance, à la fragmentation des relations d’emploi, ainsi qu’à l’émiettement et à la précarisation du salariat.

Ce processus a été amplifié par les mesures d’austérité qui, depuis la crise financière de 2008, ont été justifiées comme son seul remède possible. Bien qu’avec des spécificités d’un pays à l’autre, les syndicats sont alors confrontés à des réformes structurelles qui approfondissent la remise en cause des régulations du travail et de l’emploi, ce qui constitue pour eux un défi de taille.

Dans les années 1990, des chercheurs ont vu dans cette période historique les éléments d’une crise irréversible du syndicalisme, supposé incapable de survivre au capitalisme industriel (Labbé, 1992). Pourtant, le syndicalisme continue d’exister et d’agir, y compris dans les secteurs d’activité où son implantation demeure difficile à organiser (Benquet, 2011 ; Béroud, 2013 ; Béroud, Bouffartigue, 2009 ; Hocquelet, 2016 et Nizzoli, 2015). Des études récentes ont contribué au dépassement d’une analyse en termes de crise et de déclin du syndicalisme, en se focalisant sur les éléments qui permettent à des catégories de travailleurs considérés jusqu’ici comme faiblement disposés à la lutte (comme les immigrés ou les jeunes précaires) de se mobiliser pour améliorer leur conditions d’emploi et de travail.

Le numéro 97 de la Chronique internationale de l’IRES paru en 2005 (IRES, 2005) questionnait déjà les enjeux de la représentation syndicale dans des contextes marqués par la montée des emplois précaires, en se posant la question suivante : « Comment les syndicalismes composent-ils avec l’érosion des normes sociétales qui font de l’emploi standard un élément porteur de la structure sociale ? » (Hege, 2005:3).

Où en sommes-nous plus de dix ans après ?

Retrouvez le n° 160 numéro spécial - Renouveau syndical : enjeux, stratégies et pratiques de Chronique internationale de l’IRES.

En élargissant notre questionnement au-delà de la seule relation entre organisations syndicales et travailleurs précaires, nous interrogeons les expériences concrètes de renouveau du syndicalisme, en examinant les questions suivantes : quelles stratégies sont envisagées par les organisations syndicales pour faire face aux obstacles qui leur sont posés par les transformations du marché du travail et par leur perte d’influence ? Quels moyens déploient-elles pour intégrer des travailleurs tels que ceux qui opèrent dans les secteurs externalisés, les « faux indépendants » ou encore les jeunes, les femmes et les travailleurs immigrés ? De quelle manière le système de relations professionnelles, propre à chaque pays, affecte-t-il ces stratégies ?

Les relations que les organisations syndicales entretiennent avec les acteurs appartenant à la sphère non syndicale peuvent être extrêmement variées.

En 2017, la parution d’un numéro de la revue Transfer (ETUI, 2017) sur les stratégies de renouveau syndical témoigne du fort intérêt que suscite encore aujourd’hui une telle thématique dans le débat sur le syndicalisme. En présentant des études de cas en Allemagne, en Pologne, en France et en Espagne, les auteurs de ce numéro proposent des exemples de renouveau syndical en mettant en lumière les défis associés à la syndicalisation des travailleurs migrants et des travailleurs précaires, ainsi que les différentes relations existant entre la négociation collective, le taux de syndicalisation et le rôle des organisations syndicales dans les instances de réglementation.

Toujours avec une visée comparative, nous souhaitons, à travers ce numéro de Chronique internationale de l’IRES, nourrir le débat sur cette question. Néanmoins, nous avons jugé pertinent de ne pas nous cantonner à la seule sphère syndicale, en élargissant le champ de notre réflexion aux acteurs non syndicaux. En effet, des solidarités entre travailleurs peuvent se créer par le biais de collectifs ou de réseaux de travailleurs auto-organisés, parfois éloignés de la sphère syndicale traditionnelle. Des dynamiques proches de celles des mouvements sociaux prennent alors forme dans des configurations où l’ancrage local des luttes dépasse le seul lieu de travail. Les relations que les organisations syndicales entretiennent avec les acteurs appartenant à la sphère non syndicale peuvent être extrêmement variées. Si certaines situations sont marquées par des formes de tension et d’opposition, on assiste dans d’autres contextes à des collaborations plus solides avec des organisations syndicales qui agissent comme un véritable point d’appui.

L’originalité de ce numéro tient également à la variété des pays retenus pour la comparaison. Sont examinés neuf pays européens (Allemagne, Belgique, Autriche, Suède, Espagne, Italie et Royaume-Uni) et deux pays du continent américain (Brésil et États-Unis). Pour chacun d’entre eux, on retrace en premier lieu les évolutions récentes du rôle attribué aux organisations syndicales dans le système de relations professionnelles. Les réformes législatives en matière de travail sont aussi analysées pour comprendre les effets qu’elles engendrent sur le marché du travail (IRES, 2016) et sur les pratiques syndicales. Les expériences et les stratégies de renouveau au plan national et local sont ensuite abordées, ainsi que les mobilisations qui prennent forme en dehors de la sphère syndicale traditionnelle.

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