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01 / 04 / 2021 | 362 vues
Aurélie Moreau / Abonné
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Télétravailleurs : pour le maintien des titres restaurants

La justice est de nouveau saisie d’une décision de suppression des titres-restaurant en télétravail pour cause de covid-19 et opte pour le maintien des titres pour ces télétravailleurs.

 

Maintien des titres-restaurant au nom de l'égalité des droits


À l'instar des salariés continuant de travailler sur site pendant l'épidémie, les télétravailleurs doivent continuer de bénéficier des titres-restaurant qui préexistaient pour l’ensemble des salariés, affirme le Tribunal judiciaire de Paris ce 31 mars 2021. Il rejette l’argumentaire de la société et lui objecte qu’elle « ne justifie pas de ce que les télétravailleurs se trouvent dans une situation distincte en raison notamment des conditions d'exercice de leurs fonctions de sorte que le refus de leur attribuer des titres-restaurant ne repose sur aucune raison objective en rapport avec l'objet des titres-restaurant. Il est intéressant de relever que les juges ajoutent deux autres éléments récents en faveur de leur démonstration. D'une part, l'accord national interprofessionnel (ANI) du 26 novembre 2020 qui « ne comporte aucune mention expresse quant à la restauration des salariés en télétravail » et « ne saurait permettre de conclure que l'employeur ne dispose d'aucune obligation d'attribuer des tickets-restaurant aux salariés en télétravail ». D'autre part, les questions-réponses du Ministère du Travail sur le télétravail du 20 mars 2020, dans lesquelles « il a été indiqué que « dès lors que les salariés exerçant leur activité dans les locaux de l’entreprise bénéficient des titres-restaurant, les télétravailleurs doivent aussi en recevoir si leurs conditions de travail sont équivalentes » ».

 

Condamnation à attribuer des titres-restaurants depuis le 17 mars 2020
 

La société est donc condamnée à attribuer des titres-restaurant pour chaque jour travaillé au cours duquel le repas est compris dans leur horaire de travail journalier aux salariés télétravaillant, depuis le 17 mars 2020, sous astreinte de 1 000 euros par infraction et par jour de retard. La régularisation s’opèrera en numéraire, sur la base de la part patronale par ticket-restaurant.

 

La fin de la justification de la décision de suppression au regard d'une absence de surcoût du repas pris à la maison ?

 

Dans un jugement du 10 mars 2021, le Tribunal judiciaire de Nanterre avait écarté le bénéfice des titres-restaurant pour les salariés placés en télétravail à la suite de l'épidémie de covid-19. Les juges avaient ainsi validé la possibilité d'attribuer des tickets-restaurant aux seuls salariés affectés sur un site non doté d’un restaurant d’entreprise et continuant de travailler sur site au détriment des salariés placés en télétravail. Un appel a été interjeté devant la Cour d’appel de Versailles qui réexaminera la question. Vivement la position de la Cour de cassation, si et quand elle sera saisie de cette question : elle se prononcera(it) alors sur le point de savoir si le surcoût lié à la restauration hors du domicile constitue un critère objectif pouvant justifier une différence de traitement entre les télétravailleurs à domicile et les salariés travaillant sur site qui n’ont pas accès à un restaurant d’entreprise, ce dont nous pouvons douter dès maintenant. Dans cette attente, à vos réclamations de CSE, saisine Inspection du travail et négociation, sous menace de recours judiciaire. 

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nse que cette discussion et ces passes d'armes sur le sujet des tickets restaurants pour les télétravailleurs attestent de l'immense fossé qui s'est créé entre notre droit social (une accumulation d'obligations, de charges et de responsabilités sociales pour l'employeur) et les capacités actuelles de nos entreprises à faire face à la concurrence mondiale, à rester compétitives ou simplement à survivre dans un paysage économique chaviré par la crise financière de 2008 (le début de nos ennuis) et cette triple crise de 2020-2021 (sanitaire, économique et bientôt sociale).

Sur le sujet lui-même du remboursement d'un repas pour ceux qui déjeunent chez eux il faut dire et écrire que manger chez soi ou manger dans un restaurant (ou même un café ou une boulangerie) n'a pas du tout le même coût. Pour un travailleur sachant gérer son budget et capable de faire des courses (évidemment s'il se fait livrer un repas d'un restaurant le coût n'est pas le même) le prix de revient d'un repas pour une personne n'est pas supérieur à la part minimale d'un salarié pour un ticket restaurant (5,55 € me semble-t-il).

Pour 5 € il est parfaitement possible de déjeuner chez soi et le règlement de 5 € supplémentaires ne serait en rien justifié par un coût plus élevé pour le salarié.

Mais je voudrais situer mon intervention à un autre niveau, au niveau économique et viabilité des entreprises (je suis un petit patron !) :

Les entreprises françaises (pas toutes mais très nombreuses) sont entrées dans cette crise 2020 dans un très mauvais état financier (de là l'énorme succès du chômage partiel), elles étaient rares à gagner de l'argent (elles en perdent très souvent), notre outil de travail (machines, process, compétences, marchés...) a terriblement vieilli. Nous avons des coûts salariés (avec les charges) proches des Allemands pour des produits (et services) de qualité inférieure (même s'il y a des exceptions dans le luxe notamment).

Les entreprises françaises sont handicapées par une fiscalité qui fait porter les principaux efforts financiers et sociaux du pays sur les entreprises, ellent paient des impôts de production parfaitement injustifiés, des taxes locales très lourdes, un IS très élevé, des charges parmi les plus lourdes du monde. Par ailleurs les travailleurs français ne se forment pas assez, sont parmi les moins compétents des pays de l'OCDE (étude PIAAC de 2012 qui sera actualisée en 2022). Tout cela fait que les petites économies que vont pouvoir faire certaines entreprises sur les tickets restaurants (ou les loyers de bureau) ces économies ne seront qu'un (très) modeste rattrapage face à leurs difficultés économiques. 

A vouloir augmenter sans cesse les droits des travailleurs nous courrons le risque de perdre notre secteur privé des entreprises. Un pays qui n'aurait plus de producteurs mais uniquement des consommateurs, des retraités et des fonctionnaires n'est pas viable.