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03 / 11 / 2023 | 179 vues
Clément Poullet / Abonné
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Réforme des lycées professionnels :Non au démantèlement de la voie professionnelle sous statut scolaire

Le démantèlement de la voie professionnelle sous statut scolaire des lycées professionnels et « de ce qui fait leur force : « une formation aux métiers couplée au développement d’une citoyenneté́ ancrée dans le XXIe siècle » , se poursuit.

 

En effet, malgré une large intersyndicale opposée aux propositions faites dans les audiences avec la ministre, la remise en cause du fondement même du lycée professionnel, en déstructurant l’ensemble du cycle de bac professionnel, en particulier l’année de terminale se poursuit sur la base d’un constat erroné.

 

Notre organisation syndicale  dénonce des objectifs utilitaristes et des conséquences pour tous les diplômes de Baccalauréat professionnel et sur les personnels : fermetures de postes, de filières, reconversions forcées, formations livrées aux intérêts privés. Mais également des conséquences sur les jeunes qui ne seront plus libres de construire leur projet professionnel.

 

Elle  reste  attachée à l’existence de diplômes nationaux reconnus dans les conventions collectives et à la voie professionnelle sous statut scolaire, publique et laïque, garante d’une formation émancipatrice de la jeunesse.

 

Comme elle l’a fait il y a un an lors de la grève historique des professeurs de lycées professionnels, FO, à tous les niveaux,  apporte tout son soutien au premier syndicat de l’enseignement professionnel  dans le combat qu’il s’apprête à mener contre cette « réforme de la voie professionnelle sous statut scolaire ».

 

Qu'en est-il exactement ?...

 

Depuis la nomination de Carole Grandjean en juillet 2022, nous n’avons cessé de lutter contre sa vision étriquée voire calomnieuse de la voie professionnelle sous statut scolaire.


Aujourd’hui, les propositions portées par le SNETAA-FO ( Syndicat national de l'enseignement technique action autonome) n’ont clairement pas été entendues, aucun diagnostic partagé n’a été élaboré, comme préalable indispensable pour envisager une réforme réussie de l’enseignement professionnel, une réforme qui redonne du sens à notre métier, mais également à la formation professionnelle dans nos Lycées Professionnels.

 

Pire, le ministère s’est enfermé dans ses propres constats (association du décrochage avec le LP, augmentation des PFMP (Passeport Mobilité Formation Professionnelle) non négociable…) qui aboutissent à la destruction de ce qui fait la force de l’enseignement professionnel : une formation aux métiers couplée au développement d’une citoyenneté ancrée dans le XXIe siècle en s’appuyant sur un besoin de plus et de mieux d’école pour les jeunes qui nous sont confiés.

 

Plus grave encore, les dernières annonces faites lors des audiences bilatérales avec les OS la semaine dernière sont de nature à remettre en cause le fondement même du LP, en déstructurant l’ensemble du cycle de bac pro, en particulier l’année de terminale. La vision proposée par notre ministre est dénoncée par l’ensemble des spécialistes de l’enseignement professionnel, notamment par tous les PLP.

 

Dès lors, une seule réponse est possible : c’est la résistance contre l’attaque systémique de la voie professionnelle sous statut scolaire qu’il faut dès à présent mettre en place.

 

En effet, ce qui nous attend n’est ni plus ni moins qu’une fracturation totale du fonctionnement de nos lycées professionnels, un délitement programmé de l’enseignement professionnel. Dans un temps très court puisque les décisions seront présentées pour avis en CSE le 14 décembre, et leur mise en œuvre sera effective dès demain, dès la rentrée 2024.

 

À quoi faut-il s'attendre ? 

 

À une réforme d’une ampleur comme « jamais ». Jamais tant sur les objectifs (nébuleux) que sur les conséquences pour tous les diplômes de baccalauréat professionnel et sur les personnels. Nous serons tous touchés durement si nous ne nous levons pas pour empêcher que cette réforme soit présentée lors du Conseil Supérieur de l’Éducation (CSE) de décembre ! 

 

Beaucoup de collègues pensent toujours soit échapper à une réforme soit, parfois, en faire son beurre. Cette fois, personne n’y échappera ! Personne n’en fera son beurre ! Présentée comme une transformation de l’année de terminale bac pro, il ne s’agit qu’un étage d’une fusée de la réforme.

 

Alors, pour que les responsables locaux puissent d’abord porter l’information puis organiser la riposte, nous allons détailler « étage par étage » cette fusée.  La « fusée », c’est l’idéologie de la réforme.

 

Quelle est-elle ?

 

Résumons-la : « Le lycée professionnel fabrique du décrochage scolaire, des mauvais employés, de mauvais citoyens et aboutit à des diplômes sans issue et ce, sans résoudre aucun des problèmes liés aux bases que tout citoyen devrait avoir. Les lycées professionnels et leurs personnels, en premier, les PLP maintiennent ces jeunes dans un cul-de-sac sans avenir. Il faut donc détruire l’enseignement professionnel tel qu’il est – y compris avec ses succès – et le donner à ceux qui savent faire : l’extérieur de l’École et surtout l’entreprise. » 

 

C’est ainsi qu’on peut résumer la réforme présentée par « étage » sans caricature.

 

Le premier étage a été :
 

  • accabler par les chiffres le bilan des lycées professionnels et des PLP. La ministre déléguée n’a cessé, pendant toute une année, de répéter à qui voulait l’entendre, « les taux de décrochage scolaire », les faibles taux d’emploi des diplômes de l’enseignement professionnel, les « 40 % des bacheliers pro qui quittent dès la première année les cursus BTS », etc. Bref « le chien a la rage, débarrassons-nous-en ! »
  • recruter des personnels extérieurs qui diront « quoi faire, qui faire, quoi transformer ? » : c’est le recrutement des personnels chargés du « bureau des entreprises ». 
  • gratification des jeunes en PFMP. Si on peut voir la mesure comme un effort pour reconnaître les jeunes et ce qu’ils apportent (autant à l’entreprise qu’à la Nation), nous ne pouvons qu’y souscrire. Mais… le diable est dans les détails : la gratification (disons-le, la rémunération par l’État sans contrepartie aucune des entreprises qui, d’ailleurs, n’avaient rien demandé…) est perçue par les parents pour les élèves mineurs.

 

Accepterait-on que le salaire d’un apprenti, âgé de 16 à 18 ans, soit directement versé aux parents ? Jamais. La gratification n’est donc qu’une bourse détournée quand nos élèves sont issus pour la plupart des classes populaires les plus pauvres. Soit ! Mais alors pourquoi ne pas avoir augmenté les bourses des élèves en lycée pro tout simplement ? Parce qu’il faut les encourager à faire plus de PFMP, moins d’École et abonder les métiers dont les entreprises disent que ce sont des métiers en tension… Et, surtout, tenter de s’acheter des jeunes qui n’aillent pas dans la rue protester contre une réforme…  Très mauvais calcul !


Les jeunes s’intéressent à leur avenir et s’ils subissent la misère dans leur famille, « la gratification » ne les tient à rien car… ils n’en voient pas la couleur ! Gratification = augmenter l’estime de soi. C‘est vrai ! 
 

Quand c’est une séquence pédagogique, par exemple en PSE sur « le budget du ménage », « l’ouverture d’un compte bancaire » et quand l’élève touche directement cette reconnaissance financière. Là, il n’en est rien… Mais les politiques du gouvernement pensent que les jeunes vont être bien plus motivés pour être plus longtemps en PFMP. 
 

  • Détruire toute la pédagogie spécifique du lycée professionnel : travail sur projet, double enseignant en cours, etc. La réforme prévoit la suppression pure et simple de la co-intervention sur les trois niveaux de bac pro : seconde, première et terminale. 
     

Dès la rentrée prochaine la co-intervention sera supprimée et remplacée par « du cours disciplinaire » (ce n’est pas parce qu’on saute comme un cabri avec « disciplinaire » qu’on finit par en faire… et dans quel objectif ?) en groupe (A et B). Pour faire simple, c’est la même chose que la co-intervention mais… tout seul avec une demi-classe.
 

Objectif ? Résultat ?
 

C’est vouloir flatter des enseignants qui ont été seuls à imaginer comment enseigner en doublon, sans formation, et leur dire : « Vous en voulez du disciplinaire ? Eh bien on vous en donne ! » C’est vraiment prendre les profs pour des bêtas… Dans leur tableau, ils disent que ça fait plus d’heures de français et plus d’heures de maths, quand… ça ne fait que 0 +0 = ?


Aucune heure en plus dans la DHG ( la Dotation Horaire Globale ()  !!! Mais mieux : « chaque groupe (A et B) aura à travailler la même compétence mais différemment. Les groupes A et B évolueront en nombre d’élèves et les élèves eux-mêmes en fonction de la compétence travaillée ».


Bref… comprenons : groupe A et groupe B comme on a toujours su le faire. Le reste n’est que cosmétique à l’écrit pour produire un écran de fumée et étourdir les professeurs.  

 

Commencer à réduire la classe terminale en augmentant d’abord de 6 semaines de PFMP Quelle nouvelle architecture des terminales bac pro ? - du cours du 1er septembre au 31 mars sans aucune PFMP ;
 

  • fin mars/début avril : épreuves terminales français, histoire géographie, langues ;
  • tous les élèves partent en PFMP en même temps (tous établissements, toutes filières sur toute la France) pendant 6 semaines 
  • les élèves reviennent 2 semaines au lycée pro pour passer leur CCF (pas de cours, uniquement des épreuves de bac, encore avancées) ;
  • puis repartent tous les élèves, de nouveau 6 semaines, pour ceux qui souhaiteraient s’orienter directement vers l’emploi après le bac pro (en somme, normalement peu d’élèves puisque 87,5 % des bacheliers professionnels ont participé à Parcoursup l’an passé)… 
  • les élèves qui ne prolongeraient pas leurs stages « rémunérés à la semaine » de 6 semaines supplémentaires, auront cours 30 heures/semaine avec les profs d’enseignements généraux pour faire des cours de… psycho-socio, méthodologie… 30 heures/ semaine ! 

 

 Voilà ainsi l’architecture présentée pour entrer en vigueur dès la rentrée prochaine (septembre 2024). 

 

Vous n’avez pas aimé le bac pro en 3 ans ? Vous allez détester le bac pro en 2 ans !

 

Mais ce n’est qu’un étage de la fusée ! en même temps se préparent les nouvelles cartes de formation, en parallèle de cette architecture du bac pro, avec l’objectif énoncé par le président macron : réduire les formations « non-insérantes » de 15 % des 2024.

 

Ce sont les préfets et les sous-préfets qui coordonnent toutes les discussions pour adapter « au plus près du terrain » les formations qui vont fermer dès la prochaine rentrée. Sont visées essentiellement les filières tertiaires et particulièrement « commerce-vente ». Ces discussions se font en catimini sans que les instances rectorales, les CREFOP n’en soient pour l’heure informés et qu’il y ait le moindre débat.

 

C’est la première fois dans l’histoire que les préfets et les sous-préfets ont cette mission quand l’École a toujours été sous la responsabilité directe du seul haut fonctionnaire indépendant du préfet : le recteur ! C’est encore signifier que l’École est la cause de son déclassement et des problèmes qu’on nous enjoint de résoudre…  Cf doc «évolution carte des formations»

 

Entre la seconde « filiarisée » et « généralisée » et l’année de terminale finissant dès mars, cela fait un baccalauréat professionnel plus qu’au rabais ! 

 

Vous pensez que ce n’est pas possible ? Ça le sera si nous n’empêchons pas déjà cette réforme d’arriver au Conseil supérieur de l’Éducation de décembre 2023. Le SNETAA a décidé de se donner les moyens pour mener le combat y compris par « l’intersyndicale voie professionnelle »  Nous appelons d’ores et déjà toutes les forces vives des LP à se réunir en heures mensuelles d’informations syndicales (HMIS) dès la reprise des cours

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Malgré une large intersyndicale opposée aux propositions faites dans les audiences avec la ministre, la remise en cause du fondement même du lycée professionnel, en déstructurant l’ensemble du cycle de bac professionnel, en particulier l’année de terminale, se poursuit.

 

Avec cette réforme, la carte de formation des lycées professionnels serait mise sous tutelle du patronat local, avec une concertation menée sous la direction du préfet ou du sous-préfet, en présence de chefs entreprises, dès janvier 2024. Des filières voire des lycées entiers sont menacés de fermeture.

 

Dans un communiqué de ce jour, la Confédération FO dénonce des objectifs utilitaristes et des conséquences pour tous les diplômes de Baccalauréat professionnel et sur les personnels : fermetures de postes, de filières, reconversions forcées, formations livrées aux intérêts privés. Mais également des conséquences sur les jeunes qui ne seront plus libres de construire leur projet professionnel.

 

Elle rappelle son attachement à l’existence de diplômes nationaux reconnus dans les conventions collectives et à la voie professionnelle sous statut scolaire, publique et laïque.

 

La Confédération apporte tout son soutien au SNETAA-FO et à sa fédération dans la grève du 12 décembre pour le retrait de cette réforme.