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31 / 03 / 2023 | 924 vues
Jean-Claude Delgenes / Membre
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Qualité de Vie au Travail (QVT) : qui sont les responsables d’un tel retard ?

C’est entendu depuis un an la QVT n’existe plus ! Elle a été remplacée avantageusement dans le Code du travail le 31 mars 2022, par la qualité de vie et des conditions de travail (QVCT). Les élites françaises excellent pour établir des normes, bâtir des concepts juridiques pour mieux s’en affranchir dans la réalité. Le terme QVT issu de l’accord national interprofessionnel (ANI) du 19 juin 2013 cherchait déjà à relativiser l’importance prise dans les débats professionnels par l’appellation risques psychosociaux (RPS) jugée trop anxiogène. 


Faire l'autruche

 

Celle-ci était apparue dans la circulaire du 18 avril 2002 diffusée par le Ministère du travail en application du décret du 5 novembre 2001, instaurant le Document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP). Après la catastrophe AZF à Toulouse, le 21 septembre 2001 ce dernier décret était venu utilement compléter une loi de décembre 1991…dix ans après sa promulgation…en vertu de la traduction en droit français de directives européennes sur la sécurité et la santé. 

 

Par la mise en œuvre de la qualité de vie travail les partenaires sociaux ont cherché en 2013 à positionner le débat de manière plus positive y compris pour embarquer le management dans cette approche préventive de la santé et de la sécurité. La QVT avait donc pour objectif de mieux concilier l’amélioration des conditions de travail pour les salariés et la performance globale des entreprises. Cette approche a permis surtout de poser les bases d’un questionnement sur les rapports entre vie privée et vie professionnelle d’une part et de pousser les feux en faveur d’une meilleure égalité Femmes Hommes même si on est encore très loin du compte sur ces sujets. Après dix ans de QVT il a bien fallu admettre que peu d’améliorations avaient suivi cette nouvelle norme. 
 

Voilà pourquoi sous la pression syndicale un nouvel ANI, le 9 décembre 2020 est venu mettre les points sur les « i » en remettant les conditions de travail en avant dans cette nouvelle appellation. 
 

S’il est vrai que certaines entreprises avaient considéré à tort que l’effort QVT consistait simplement à installer un babyfoot ou à organiser des stages de pleine conscience pour les salariés, il n’en reste pas moins qu’une réflexion doit se conduire pour situer les entraves à la montée en puissance d’une véritable qualité de vie au travail au cours de ces dix dernières années. 

Cacher la misère et rechercher les responsables

Pourquoi ces droits formels ne sont-ils pas devenus des droits réels ?  A ne pas y réfléchir dans quelques temps devra-t’on encore changer de sigle pour cacher la misère des résultats !


Les entreprises sont donc incitées par la réglementation en vigueur et les contrôles des pouvoirs publics à combler leur retard en matière de prévention des risques psychosociaux et d’amélioration des conditions de travail. Comme s’il y avait une barrière de feu entre la réalité des situations de travail et les exigences en prévention, les dirigeants du top management des entreprises occultent encore trop souvent de leur cockpit de gouvernance ce sujet pourtant essentiel en productivité et rentabilité. Il en va de même pour les responsables des administrations qui se trouvent elles aussi à la croisée des chemins. 
 

La forte médiatisation des suicides survenus dans les grandes entreprises en France a pourtant permis que s’ouvre enfin un débat sur la prévention au début des années 2010. Cette prise de conscience des liens entre les modes d’organisation du travail et les risques psychosociaux a été renforcée avec le jugement en appel du procès pour harcèlement moral des dirigeants de France Télécom. Cette phase de politisation -au sens de prise en compte du sujet par le champ politique- présente des avantages considérables. Des lignes de force et points de référence sont désormais établis pour conduire l’évaluation des risques en vue d’une QVCT au sein des collectifs de travail. 

 

Selon le Code du Travail les employeurs, ou les cadres dirigeants ont une obligation de garantir la santé et la sécurité des travailleurs sous leur responsabilité. En bref en cas d’accidents du travail ou de maladies professionnelles leurs responsabilités civile et pénale peuvent être mises en cause. Ce qui peut à la fois coûter fort cher à l’entreprise et ruiner la carrière de certains cadres -au sens propre et figuré- qui n’en ont guère conscience avant de se trouver confrontés à l’épreuve.

 

  • Il y a quelques années, un accident mortel est survenu dans une entreprise de mécanique. Le décès de l’opérateur résultait comme souvent d’une combinaison de facteurs. Le salarié a été écrasé par la chute d’une plaque de fonte transportée sur un charriot et maintenue en sustentation par des ailettes accrochées à une barre fixée au plafond. Le charriot coulissait sur deux rails. La trajectoire des rails n’était pas droite et avait été modifiée. Assumer les courbes imposées par cette trajectoire sinueuse avait conduit à modifier l’emplacement des roues du charriot. Celles-ci avaient été rapprochées ce qui limitait son assise au sol voire mettait l’ensemble en déséquilibre dans les courbes. Une ailette s’étant décrochée dans une courbe, l’opérateur a vu la plaque de fonte, fondre sur lui. Ce facteur de risque avait été signalé. Les travaux de mise en conformité - remplacer un pilier de l’atelier pour éviter de le contourner avec une trajectoire sinueuse - sans cesse reportés. Le chef de service, un cadre au management « vertical » était à la fois mis en cause pour son autoritarisme et le peu d’attention apporté aux réclamations des travailleurs pour l’amélioration de la sécurité. Au cours du premier entretien avec l’expert Technologia, il aborde la question de sa responsabilité et de sa défense « Je suis rassuré, la boite m’a dévolu un avocat ! Je suis un cadre exemplaire. Dans cette affaire malheureuse, ma responsabilité n’est pas en cause » Le temps passe, un mois après « Il signale qu’il s’est résolu à prendre son propre avocat car les actions et la logique de son entreprise l’étonnent ! Il y a une mécompréhension entre nous ! » Il quittera la société quelques temps après. Sa responsabilité ayant été évoquée dans l’accident. « Je suis devenu tricard ! Pourtant ce n’est pas moi qui avais pris la responsabilité du report des investissements de mise à niveau de la sécurité ». Comme souvent dans les accidents du travail la recherche de responsabilités y compris secondaires se met en œuvre. Il s’agit par la même de limiter les conséquences financières qui résultent de la juste réparation d’un préjudice qui a été perpétré. Ce débat vient aussi communément cannibaliser la prévention : puisqu’il y a un responsable qui a commis une faute, les grands principes de prévention ne sont pas questionnés à l’aune et à la hauteur du drame.

Questionner la prévention

C’est un fait pour une QVCT aboutie, l’employeur doit garantir la santé et la sécurité des salariés. Pour tenir cette contrainte il a l’obligation de mobiliser des moyens renforcés en vue d’une prévention des risques efficiente. Il doit en particulier s’efforcer de mettre en œuvre une prévention primaire qui s’attaque à la source du risque.  Pour bien comprendre les diverses palettes de la prévention, imaginons un atelier dans lequel se trouve une machine qui dysfonctionne et qui blesse sans gravité les opérateurs. En cas d’accident le management doit bien évidemment porter secours au blessé et l’envoyer à l’infirmerie. Cette prise en charge en aval du processus de production est nommée prévention tertiaire. C’est d’ailleurs un terme quasiment impropre car à ce stade, la survenance du préjudice montre que la prévention n’a pas fonctionné. Les interventions tertiaires s’intéressent donc aux dommages. Elles sont nécessaires, mais ne relèvent pas véritablement de l’esprit de la prévention.Le management peut aussi former les opérateurs pour que ces derniers ne se blessent pas avec la machine. Ce type d’approche est considérée comme de la prévention secondaire. Les interventions secondaires consistent à sensibiliser, informer, former les salariés, les managers, les directions afin d’identifier les risques psychosociaux, leurs mécanismes, leurs causes, et surtout les moyens que l’individu peut mobiliser pour y faire face, c’est-à-dire pour limiter les effets des facteurs de risque. C’est ainsi que certains cabinets ou indépendants préconisent aux salariés au cours de séances d’animation de respirer par le ventre afin de maitriser leur poussée de stress, ou encore à pratiquer la cohérence cardiaque. Se développe dans les entreprises des stages de yoga ou de méditation pour aider à surmonter le stress, des stages afin de « positiver » les situations pourtant délétères, en s’exerçant à voir les bons côtés de leur situation plutôt que les mauvais. Sachant que le mental et le médical sont très liés, la « positivation » pouvant contribuer à réduire les risques psychosociaux et leurs effets.
 

La réalité est bien plus complexe. Et il faut s’interroger sur ce qui est nécessaire, en termes de temps de formation ou de durée de formation pour obtenir des effets durables. Modifier les comportements et les attitudes sur des points qui relèvent de la structure de la personnalité ne se fait pas en quelques séances de formation. Apprendre aux salariés à mieux faire face au stress, et former les managers à la gestion du stress ne sont pas suffisants pour répondre à la question des troubles psychiques qui touchent à l’organisation du travail. Ce ne sont la que prescription subjective qui n’entrainent pas de réels changements.
 

Un management éclairé peut aussi décider de la réparation de la machine ou de son remplacement appliquant ainsi une prévention dite primaire. La réglementation et les interventions des contrôleurs en particulier les inspecteurs du travail, mais aussi les inspecteurs des Carsat privilégient cette dernière acception seule à même de garantir des progrès dans l’amélioration des conditions de travail et l’éradication des risques. 
Pour finir il convient en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle d’enrichir ces trois niveaux de prévention d’une boucle rétroactive : la postvention. Cette dernière consiste à tirer tous les enseignements de l’évènement survenu pour compléter le dispositif de prévention initial car de fait cet événement a mis en évidence une faille dans les procédures antérieures.
 

Depuis deux décennies une confusion s’est instaurée dans les pratiques déployées dans les entreprises en matière de prévention des risques psychosociaux. 
 

Ces cafouillages, les responsables des ressources humaines et les salariés en sont aussi les victimes. Ils résultent d’une offre peu ambitieuse de certains cabinets afin de répondre à une demande de fond qui émerge pourtant de l’entreprise mais qui apparait difficilement solvable. L’offre de conseil se cantonne à une superficialité habillée de concepts théoriques fumeux afin de capter des contrats en évitant de lancer des questionnements essentiels dont la réponse passe par la mise en discussion réelle des situations de travail à l’aide d’un véritable diagnostic partagé. En bref certains cabinets de conseil ne cherchent pas à délivrer leur prospect et clients, de tous les conformismes toujours trop confortables en matière de prévention, ils les exonèrent d’un véritable aggiornamento qui souvent leur serait profitable. Ils les conseillent pour mettre en place des procédures peu efficientes pour traiter les facteurs de risques. Facteurs de risques qui découlent parfois d’un management vertical et peu à l’écoute des travailleurs. Par avidité et facilité ils entravent parfois avec la complicité de leur donneur d’ordre l’émergence de bonnes pratiques collectives en faveur d’une réelle qualité de vie au travail.  

De fait les responsables de ressources humaines devenus « corporate » coincés désormais entre les exigences de rentabilité financière imposées par leur direction générale et les contraintes émergentes du terrain se résignent à cet accompagnement « faire valoir de leur action » en prévention. Il s’agit dans ces démarches de bien montrer que l’entreprise se préoccupe de la prévention des risques psychosociaux et de la QVCT et qu’elle agit en conséquence. Aucun bilan de long terme en général n’est réalisé pour mesurer les avancées pour situer les insuffisances. On gère à la petite semaine. Une urgence apparait. Le management se mobilise ainsi que les acteurs de l’entreprise portés par la bonne volonté : service santé au travail, délégation du personnel, les acteurs se lancent dans des actions puis une autre urgence apparait et chasse la première… Les bonnes résolutions s’évanouissent comme l’eau dans le sable… peu de capitalisation sur l’expérience en la matière. Quand une dynamique fonctionne elle est souvent remise en cause par le départ en retraite d’un délégué du personnel, ou encore la mobilité d’un cadre qui était dans l’exigence et l’écoute…

 

Dans les faits peu de mise en débat des situations de travail. Encore moins d’expression des salariés. Celle-ci d’ailleurs est souvent rejetée par le top management comme étant un ferment de remise en cause du rapport de subordination… Le dialogue social est en berne. Le réel ne questionne plus la gestion. Qui plus est, depuis cinq ans, l’attrition des délégations du personnel aux CSE, coupées du terrain, submergées de travail, érodées par la polyvalence en raison d’une simplification du dialogue social mal adaptée, ne favorise pas l’émergence d’un consensus propice à une projection collective. Ce retrait favorise l’accaparement du dialogue par de nouveaux acteurs qui cherchent à l’image des gilets jaunes à combler un vide.   

Labels de climat social : gare au retour de bâton

Dans quelques entreprises, il se trouve même des directions assez motivées pour mettre en place des « labels de climat social », ces entreprises où il ferait bon vivre… habillent ainsi leur communication externe en direction des talents que l’on veut y attirer mais aussi en communication interne en direction de leurs salariés et représentants du personnel « Vous voyez le résultat n’est pas si mauvais de quoi vous plaignez vous ? ». Le scepticisme des salariés accompagne ce type d’action qui fort heureusement ne s’étalent pas en durée car personne ne reste longtemps sensible à ces attrape-nigauds. Les responsables des ressources humaines devraient sur ce versant prendre garde au retour de bâton en forme de boomerang…tant les manipulations sont grossières et déforment le réel. 

 

Bien entendu ces échappatoires ne favorisent pas le traitement des questions sensibles qui demeurent et sont susceptibles de resurgir à tout moment. 
Le bilan parait délicat à établir tant la profusion de réalisations a eu lieu. Plusieurs organismes de conseils privés ont en effet proposé sur le long terme ces mauvaises réponses à de bonnes questions et ont altéré ainsi la perception des dirigeants, des représentants du personnel et des services de santé au travail sur l’ordre des priorités à engager en matière de prévention. 
 

Les réponses apportées par ces cabinets, à des besoins réels posent de nombreuses questions sur leur éthique, leur efficacité et leurs coûts.  Surtout ces solutions ne sont pas jugées suffisantes et respectueuses de la réglementation en cas de survenance de sinistre. Ces réponses sont généralement mises à l’index par les Inspections du travail. Les juges les sanctionnent en cas de réalisation d’un accident du travail conformément aux dispositions de l’article L.411-1 du Code de la sécurité sociale : « Est considéré comme accident de travail quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d’entreprise »


En cas d’accident du travail ou de survenance de maladie professionnelle l’employeur doit démontrer qu’il a bien satisfait à l’obligation de moyens renforcés en matière de santé et de sécurité au travail. Pour échapper à une condamnation, l’employeur devra prouver qu’il a mis en place une démarche réelle de prévention des risques - donc primaire- en respect avec la législation article L 4121-1 et L 4121-2 du Code du travail. 


Les fausses bonnes réponses de cabinet conseil souvent rachetés par des fonds financiers sont assez classiques et on retrouve peu ou prou toujours les mêmes démarches plus ou moins sérieuses et efficientes. La grande majorité d’entre elles contournent la difficulté, celle qui consiste à mettre le donneur d’ordre en face de ses risques et de ses responsabilités afin de consentir des évolutions essentielles en sécurité, en santé mais aussi en profitabilité car la prévention réelle est un investissement lucratif.  Ces démarches sont prioritairement axées sur des facteurs individuels et non collectifs. 


Elles consistent principalement en de la formation des managers et des collaborateurs. Ainsi on retrouve les mêmes typologies de formation managériale « gestion du stress » ou encore « gestion du stress et du changement » pour les collaborateurs avec pour objectif le développement des compétences individuelles à mieux gérer le stress.  La formation « manager » devant « permettre de développer les compétences du cadre ou du dirigeant afin qu’il appréhende mieux l’activité et sache gérer ses situations de stress, celles de ses collaborateurs et la dimension émotionnelle du changement ». Quant à elle la formation « collaborateurs » doit « permettre de comprendre les mécanismes du stress et des émotions et de développer les compétences individuelles à mieux appréhender et gérer les situations de stress ».


Le plus souvent ces propositions sont portées par des conseils en changement comportemental. Le contenu des formations communément montre que les managers auraient la charge, à l’issue de la formation « d’agir sur les stresseurs des collaborateurs ». La formation effectuée consiste donc à apprendre à se protéger ou à protéger ses équipes pour les managers des situations stressantes.  Les formations correspondent à une mesure de protection des salariés -prévention secondaire mais une formation ne peut jamais être une fin en soi. Aussi cette démarche de protection secondaire que l’on retrouve le plus souvent ne peut être considérée comme une démarche de prévention suffisante. Une démarche adaptée de prévention consiste à éviter de connaître des situations de stress ou à tout le moins à en limiter la fréquence. Une bonne réponse à la problématique des RPS doit au contraire donner toute sa place à la prévention primaire qui consiste à éviter les risques liés au stress chronique en l’occurrence.

Prévention primaire pour cesser de « faire semblant »

Seule la mise en place de mesures de prévention primaire est de nature à répondre aux exigences d’application des principes généraux de prévention tels qu’ils sont posés par le Code du travail. 


« L’employeur met en œuvre les mesures prévues à l’article L.4121-1sur le fondement des principes généraux de prévention suivants : »
1°. Eviter les risques ;
2°. Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;
3°. Combattre les risques à la source ;
4°. Adapter le travail à l’homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé (..) ».
5°. Tenir compte de l’état d’évolution de la technique
6°. Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n’est pas dangereux ou ce qui est moins dangereux
7°. Planifier la prévention en y intégrant dans un ensemble cohérent, la technique, l’organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales, et l’influence des milieux ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexue…ainsi que ceux liés aux agissements sexistes.
8°. Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle
9°. Donner les instructions appropriées aux travailleurs 


La mise en œuvre d’une mesure de prévention en matière de risque psychosociaux doit interroger les process de travail mis en œuvre au sein de l’entreprise. Elle passe par le nécessaire recueil d’indicateurs pertinents en la matière et être collective. Entre autres, une bonne mesure pourrait consister après un pic d’activité à gérer des phases de repos, de récupération physiologique suffisante, et, à éviter de maintenir dans une urgence récurrente des salariés. Le manager cherchant à éviter par une programmation adaptée de mettre en tension trop forte ses équipes. La gestion anticipatrice de la charge de travail relève d’une gestion saine. 


La démarche doit avoir comme point de départ l’identification des signes de mal être au sein de l’entreprise ou de l’organisme. En cela il convient de construire des indicateurs collectifs tels qu’ils sont préconisés par l’INRS. L’employeur en relation avec les représentants du personnel et les services de santé au travail peut décider de retenir les indicateurs qui lui semblent les plus pertinents dans son métier ou ses fonctions afin d’assurer un suivi de l’activité et d’anticiper sur la sinistralité. Le choix et le suivi de ces indicateurs s’opérera impérativement en transparence et sur une durée assez longue pour étudier leur évolution. Analyser les améliorations ou les dégradations se révèle précieux. L’entreprise pourra le cas échéant se faire assister par un tiers préventeur, indépendant, doté d’une éthique et d’une déontologie ancrées dans de bonnes pratiques et capable de mener un diagnostic précis et réellement partagé en impliquant l’ensemble des parties du lancement de la démarche à la livraison des livrables aux personnes concernées : Dirigeants, représentants du personnel, médecine du travail, assistante sociale, infirmière, préventeurs internes.

Macabre sinistralité 

Pour finir cette danse joyeuse de certains DRH avec leur conseil ne serait pas très grave si elle ne se déroulait sur un champ macabre. La France en effet demeure à un niveau très élevé de sinistralité depuis plus de dix ans. Les carences en prévention, les artifices et renoncements plus ou moins explicites en sécurité, le management vertical sans ménagement, exposent non seulement la santé des salariés mais aussi leur vie. Le pays des droits de l’homme  déclare 650 000 accidents du travail chaque année et affiche une mortalité professionnelle largement supérieure à la moyenne européenne. Un chiffre simplement démontre ce retard, en 2018 la France a connu 615 victimes en raison d’accidents du travail quand l’Allemagne avec un pôle industriel beaucoup plus conséquent n’en a recensé que 397. Comparaison n’est pas raison, et il faudrait d’ailleurs tenir en compte dans cette comptabilité pour être exhaustif la fonction publique et les indépendants, mais si on ajoute à ce décompte morbide les décès résultant des accidents de trajet et des maladies professionnelles c’est chaque année une petite ville de près de 1300 personnes qui disparait. 


L’envol des pathologies psychiques liées au travail est l’autre versant qui plaide pour un changement profond dans les méthodes de prévention car il y a urgence à cesser de « faire semblant » Pour la première fois en 2022 ces pathologies ont débouché sur un nombre de maladies professionnelles supérieur à celui provoqué par les troubles musculo squelettiques (TMS). L’alerte est grave et nous ne pouvons pas attendre dix ans pour qu’une dynamique nouvelle ou les êtres humains au travail seront mieux entendus, mieux considérés, et respectés constitue la clef de voute de cette QVCT. 

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