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08 / 02 / 2021 | 467 vues
Jacky Lesueur / Abonné
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Hébergement des syndicats : un usage de plus en plus remis en question par certaines municipalités

Si la  gratuité de l'hébergement des unions départementales et locales des organisations syndicales par les collectivités ne repose sur aucun texte légal, elle est néanmoins historiquement ancrée dans les usages qui prennent leur source à la fin du XIXe siècle, les municipalités acceptant de mettre un local alors appelé « bourse du travail » à la disposition du mouvement ouvrier pour aider les syndicats à s'organiser.
 

Cette faculté, qui s'est installée au fil des ans sur l'ensemble du territoire et devait permettre de favoriser l'accès des salariés à la défense de leurs droits, n'avait jamais véritablement été remis en cause jusqu'alors. Or, depuis peu, certaines municipalités, sous des prétextes divers, ont décidé de remettre cette disposition en cause.


Pour consolider cet « usage », un rapport de l’IGAS de 2013 avait certes préconisé la mise en place d’un dispositif législatif obligeant les collectivités locales à gratuitement mettre des locaux à disposition mais il est resté sans suite.


La seule avancée  a été introduite  par l’article 27 de la loi sur le travail d’août 2016 (*) qui permet d’accorder une indemnisation aux organisations syndicales qui perdent soudainement le bénéfice de locaux mis à leur disposition depuis au moins cinq ans, sans solution de relogement et sans effet rétroactif. 
Pour le reste, la mise à disposition de locaux demeure une possibilité soumise au bon vouloir des communes, agglomérations, départements et régions, pas une obligation.
 

Au regard des cas qui se font jour depuis cinq ou six ans désormais, on peut s'interroger sur la façon dont les choses peuvent évoluer. En effet, dès 2016, j'avais eu l'occasion de dénoncer les menaces d'expulsion des locaux occupés par les organisations syndicales à Évreux (Eure) depuis 1928, la municipalité souhaitant réaliser une opération immobilière sur le terrain du site. La question du relogement n'a pu être réglée qu'à la suite d'une large mobilisation et des interventions à tous niveaux  pendant des mois.
 

Les cas de ce genre semblent se développer et la journaliste Clarisse Josselin a récemment fait le point pour L'inFOmilitante sur les dossiers qui continuent de susciter de vives réactions.
 

  • Ainsi, début 2017, en Essonne, le conseil départemental a vainement tenté d’expulser les sept organisations syndicales de la Maison des syndicats d’Évry, suite à leur combat contre cette décision. Pour autant, l'occupation des locaux reste précaire car la convention signée avec les syndicats a été dénoncée par le conseil départemental en 2018.

     
  • Un ultime rebondissement a eu lieu le 21 janvier dernier. La commission de sécurité, qui inspecte les établissements recevant du public tous les cinq ans, a émis un avis défavorable à l’occupation de la Maison des syndicats. Aucun responsable unique de sécurité n’a été désigné en était le motif. Les organisations syndicales ont refusé cette charge qui demande des moyens et entraîne des responsabilités pouvant aller jusqu’au pénal. Pour l’UD FO 91, ce rôle relève du département.


Le problème n’est pas nouveau. Il avait déjà été soulevé lors de la précédente visite de la commission de sécurité, il y a cinq ans et il figure dans le cadre d’une action en cours auprès du tribunal administratif.
 

Maintenant, le préfet est saisi mais le bâtiment risque d'être fermé dans les six mois, indique le secrétaire de l'union départementale en soulignant (ce qui est pour le moins cocasse) que l’Inspection du travail renvoie les salariés vers les permanences juridiques syndicales pour se renseigner, reconnaissant de fait que les organisations syndicales sont d’utilité publique.

 

Suite à un arrêté de fermeture, l’union départementale FO du Morbihan a dû évacuer la Maison des syndicats de Lorient en urgence début décembre, sans solution de relogement immédiat. La municipalité essaye de profiter de la situation pour remettre en cause la convention permettant aux organisations syndicales d’être hébergées gratuitement par la ville. On a pu emporter les documents les plus urgents mais l’essentiel est toujours sur place. Tous les jours, nous nous apercevons qu’il nous manque quelque chose, explique le secrétaire général de l’union départementale FO du Morbihan.
 

Le 4 décembre, les  organisations syndicales ont précipitamment dû évacuer la Maison des syndicats de Lorient. Selon les experts, le bâtiment (construit au début des années 1970) est victime du syndrome du pont de Gènes et peut s’effondrer à tout moment. Les équipes des unions syndicales départementales ont eu 48 heures pour récupérer des documents et du petit matériel. Elles avaient l’interdiction de prendre des choses lourdes, pour ne pas risquer d’aggraver la situation. Depuis, l’accès aux locaux leur est interdit. Les serrures ont été changées et le bâtiment est entouré de barrières. Les bureaux resteront inaccessibles au moins jusqu’à mi-février, le temps de construire un solide étayage. Impossible encore de savoir si le bâtiment pourra être réhabilité ou non.


La municipalité a proposé un relogement provisoire aux organisations syndicales, dans des locaux plus petits (une réduction de l'ordre de 60 % des surfaces de bureaux sans salle de réunion). Mais avant l’emménagement, la ville exige la négociation d’une nouvelle convention de mise à disposition des locaux, la précédente datant de 1972. C’est là que le bât blesse : la ville a proposé une convention qui n’est pas acceptable en l’état et qu'aucune organisation syndicale n’a voulu signer. Elle porte sur une solution provisoire d'un an. Ensuite, les syndicats risquent de se retrouver à la rue ou de ne plus être logés gratuitement et de devoir payer les fluides ou un loyer. Pour la ville, l'occasion de remettre l’ancienne convention en cause est trop belle ; elle voit le côté économique des choses. C’est désormais la quatrième version du texte qui est en discussion. La prochaine réunion entre les parties est prévue fin janvier.
 

Dans la Nièvre, cela fait deux ans que les syndicats vivent dans l’incertitude quant à leurs locaux. La Bourse du travail a fait l’objet d’une promesse de vente entre la ville et un mystérieux promoteur, pour un ambitieux projet d’hôtel-restaurant panoramique. Les organisations syndicales hébergées sur place vont devoir déménager mais aucune date ni lieu ne leur ont encore été communiqués. Courriers au maire, conférence de presse etc. : tout a été fait pour obtenir des informations fiables mais le dossier semble classé « secret défense » par le maire, indique le secrétaire de l'UD FO.
 

Une première réunion a finalement eu lieu en mairie en septembre 2020. Alors que les organisations syndicales souhaitent rester à Nevers, la ville les a alors informées qu’elle ne disposait pas de locaux permettant de les reloger toutes ensemble. Les syndicats ont récemment appris dans la presse qu'ils pourraient être relogés ailleurs dans l’agglomération (à Varenne-Vauzelles) mais il n’y a toujours aucune annonce officielle. Reste aussi à voir dans quelles conditions le relogement se ferait. Outre la question des locaux, se pose aussi celle des finances. Actuellement, FO et d’autres organisations sont hébergées par la ville à titre gracieux, dans le cadre d’une convention. Dans la presse, le maire a indiqué désormais vouloir une contribution partagée avec le département, ce que ce dernier refuse.
 

En rappelant que la ville n’a certes aucune obligation légale de loger les organisations syndicales gratuitement, le secrétaire de l'union départementale 58 souligne que cet usage est ou a également été remis en cause dans les unions départementales voisines (Côte-d’Or, Yonne, Indre etc.).

 

(*) Extraits:

Article 27 I. – La section 4 du chapitre unique du titre Ier du livre III de la première partie du code général des collectivités territoriales est complétée par un article L. 1311-18 ainsi rédigé : « Art. L. 1311-18. – Les collectivités territoriales ou leurs groupements peuvent mettre des locaux à la disposition des organisations syndicales, lorsque ces dernières en font la demande. Le maire, le président du conseil départemental, le président du conseil régional, le président d’un établissement public local ou regroupant des collectivités territoriales ou le président d’un syndicat mixte détermine les conditions dans lesquelles ces locaux peuvent être utilisés, compte tenu des nécessités de l’administration des propriétés de la collectivité ou de l’établissement, du fonctionnement des services et du maintien de l’ordre public. Le conseil municipal, le conseil départemental, le conseil régional ou le conseil d’administration de l’établissement ou du syndicat mixte fixe, en tant que de besoin, la contribution due à raison de cette utilisation. La mise à disposition mentionnée au premier alinéa peut faire l’objet d’une convention entre la collectivité ou l’établissement et l’organisation syndicale. Lorsque des locaux ont été mis à la disposition d’une organisation syndicale pendant une durée d’au moins cinq ans, la décision de la collectivité ou de l’établissement de lui en retirer le bénéfice sans lui proposer un autre local lui permettant de continuer à assurer ses missions lui ouvre le droit à une indemnité spécifique, sauf stipulation contraire de la convention prévue à l’avant-dernier alinéa ».

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