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12 / 12 / 2022 | 351 vues
Nicolas Faintrenie / Membre
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Formation professionnelle: la réforme de 2018 dépose le bilan !

La dépense globale en faveur de la formation professionnelle pour 2021 (hors Fonction publique) a représenté 28,25 milliards d’euros, en progression de 36,22 % sur un an. Cette forte progression est principalement due à l’apprentissage, creusant le déficit de l’opérateur étatique de régulation : France compétences.

 

Dans un volume en augmentation, la part pour les salariés diminue

 

La part dévolue aux salariés est passée sous le quart en 2020, alors qu’elle était d’environ un tiers en 2015-2016, et de plus de la moitié il y a 10 ans. La décroissance de la part des salariés bénéficiaires des fonds de la formation professionnelle constitue une tendance que rien ne semble arrêter. Au-delà de la structure de la dépense, il convient de souligner que la dépense globale a augmenté en volume. Cela a notamment bénéficié aux salariés… mais en raison de dépenses d’interventions de l’Etat1 , de sorte que la gestion paritaire a baissé.

Ecean

La gestion paritaire désorientée

La formation professionnelle a connu près d’un demi-siècle d’un fonctionnement assis sur le modèle de la contribution sociale. Dans ce modèle, les entreprises étaient redevables d’une contribution financière. En contrepartie, elles étaient éligibles à des services, entièrement tournés vers la formation professionnelle et majoritairement en faveur des salariés.


La gestion paritaire, un modèle reconnu au niveau mondial, remis en cause par l’Etat.


Ce système a produit des résultats qui ont fait de la France un modèle reconnu au niveau mondial. Ce modèle paritaire de la formation a été remis en cause par l’Etat, lequel a remis en question la nature de la « contribution sociale », et exercé des pressions afin que les fonds collectés puissent être utilisés pour les demandeurs d’emploi.

L’Etat a ainsi opéré plusieurs ponctions sur les fonds de la formation gérés paritairement. En 2018, à l’occasion de la loi dite « pour la liberté de choisir son avenir professionnel », l’Etat :

  • a transformé la contribution sociale en imposition de toute nature. Les entreprises sont toujours redevables d’une somme, mais ne peuvent prétendre à des services associés ;
  • a dépossédé les opérateurs de la collecte au profit de l’URSSAF. Cette mesure sera effective en 2023 ;
  • a confié la répartition à un opérateur étatique de régulation : France compétences. Cette innovation aboutit à faire du système français de gouvernance de la formation professionnelle un modèle déficitaire, ce qu’il n’a jamais été lorsque le système était paritaire ;
  • a repris les moyens créés par les interlocuteurs sociaux, qu’il s’agisse d’opérateurs (Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels), de dispositifs (Compte Personnel de Formation), ou de systèmes d’information (idem), … ;
  • a imposé un commissaire du gouvernement dans chaque opérateur de compétences restant, ainsi qu’un contrôleur général économique et financier.


Cette rupture a produit les effets exposés plus avant. Elle a également profondément transformé la gestion paritaire.
 

Ainsi, la gestion paritaire pour la dépense en faveur des actifs occupés du privé représente désormais moins de 50 % de l’ensemble des dépenses au bénéfice de ce public. En 2016, cette part des actifs du privé était de 68 %, et elle atteignait 84 % en 2011.


Cette part prépondérante s’expliquait par la légitimité de la gestion paritaire pour gérer les fonds devant être mobilisés en faveur de la formation professionnelle des salariés. Désormais, la Caisse des dépôts et consignations (en charge du compte personnel de formation), l’Etat (en raison de dépenses d’intervention ponctuelles) et les ménages représentent plus de 50 % de la dépense en faveur de la formation des salariés.


La loi dite « pour la liberté de choisir son avenir professionnel » votée le 5 septembre 2018, vient de fêter ses 4 ans. Cette loi marquait une rupture avec près de 50 ans de gestion paritaire de la formation professionnelle. Les premiers effets de cette réforme, assise sur l’impôt et le principe d’une gestion étatique, sont palpables : les salariés en sont les premiers sacrifiés.
 

Certes, la gestion paritaire augmente en volume (+ 20 % entre 2020 et 2021) mais elle est réorientée vers l’alternance et tout particulièrement vers l’apprentissage.

 

La gestion paritaire de la formation par l’alternance peut constituer un objet intéressant de gestion, mais il convient de souligner que les opérateurs de compétences ne disposent pas des principaux leviers : la part financière affectée à l’apprentissage, les règles de la gestion financière, le coût des formations, les règles juridiques de l’apprentissage, les modalités d’enregistrement des contrats d’apprentissage, …


Quand bien même les interlocuteurs disposeraient de leviers plus intéressants pour avoir une influence sur l’apprentissage en France, leur légitimité première demeure la formation professionnelle des salariés, et la solvabilisation de garanties en matière de promotion sociale et professionnelle par l’accès à la formation, comme en matière de reconversion professionnelle par la formation.

 

Quelle réaction ?

 

Les effets de la loi de 2018 sont à présent sensibles et voués à se renforcer. Dorénavant, la part dévolue à la formation des salariés est minoritaire. La gestion paritaire est détournée de son objet et sert majoritairement la politique publique en matière d’insertion des jeunes sur le marché du travail, par la voie de l’alternance.


Une noble cause qui produit des effets, mais qui ne saurait rendre obsolète l’accès des salariés à la formation professionnelle. Le 15 octobre 2021, des organisations syndicales et patronales (FO non-signataire) ont paraphé un accord-cadre national interprofessionnel relatif à la formation professionnelle.

 

Après le désaveu de l’accord national interprofessionnel du 28 février 20182 que le gouvernement avait balayé d’un revers de main, cet accord ouvrait une nouvelle séquence, ponctuée d’une série de travaux paritaires, dans la perspective d’une adaptation de la loi du 5 septembre 2018 à « de nouveaux enjeux ».


L’ambition première des signataires était la signature d’un accord national interprofessionnel, qui ne semble plus d’actualité. Les mois à venir  offriront -t-ils une réponse à la hauteur de la gravité de la situation ?

 

 

1. Les dépenses d’intervention de l’Etat sont des sommes mises à disposition par l’Etat en cours d’année, afin de faire face à des imprévus.

2. Accord national interprofessionnel du 28 février 2018, pour l’accompagnement des évolutions professionnelles, l’investissement dans les compétences et le développement de l’alternance. FO signataire.

 

Note de lecture :

en 2021, la dépense des opérateurs de compétences en direction des salariés a représenté 2,77 milliards d’euros. Cette somme représente 42 % des dépenses pour ce public, tous opérateurs confondus (6,57 milliards de fonds) et moins de 10 % de la dépense globale française pour la formation professionnelle continue et l’apprentissage (28,25 milliards d’euros). Source : Jaune budgétaire (données 2021). FPC (formation professionnelle continue).OPCO (opérateurs de compétences)

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Le gouvernement a déposé un amendement au projet de loi de finances (PLF2023) le 10 décembre 2022 précisant la manière dont il entendait réguler l’usage du CPF par les salariés.

Il souhaite ainsi introduire un ticket modérateur à la charge des salariés. Autrement dit, à moins que le parcours CPF ne soit codécidé, notamment entre l’employeur et le salarié, le titulaire du compte devra financer une partie de la formation.

 

Pour Michel Beaugas, secrétaire confédéral FO, , cet amendement nie le droit à la formation professionnelle des salariés faisant du CPF un réel outil de consommation totalement déconnecté du cadre de la branche professionnelle, renforçant les inégalités entre les salariés.

 

Plus encore, il fait peser un risque réel et sérieux de captation du CPF par les entreprises. De fait, la responsabilité de ces dernières en matière de formation professionnelle sera de moins en moins contraignante.

 

Enfin, il affirme la volonté du gouvernement de réguler la formation par le financement, non par la qualité du dispositif niant ainsi l’objectif de garantir la promotion sociale et professionnelle des salariés.

 

Ce constat est d’autant plus problématique qu’il n’est nullement question d’augmenter la contribution des entreprises. Le CPF serait ainsi totalement détourné de son objet et vidé de sa substance.

 

FO demeure fermement opposée à tout logique de modération financière du CPF.

 

Elle rappelle que seule la généralisation du recours aux conseillers en évolution professionnelle permettrait de réguler efficacement (c’est à dire par la qualité des actions de formation suivies) le CPF, et plus largement le dispositif de formation professionnelle.

 

Plus encore, Fla confédération  regrette que les logiques d’économies adoptées par le gouvernement détériorent le droit à la formation professionnelle des salariés, alors même que les ttransitions à venir nécessitent un dispositif qualifiant, solide et accessible.