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03 / 03 / 2021 | 3002 vues
Bruno Deprez / Membre
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Fonds de solidarité : l'envers du décors pour les agents des finances publiques

Depuis la mise en place du fonds de solidarité (FDS) en mars 2020, 6,9 millions d’aides ont été versées à 1,9 millions d’entreprises pour un total de 14, 5 milliards d’euros par les services de la Direction générale des finances publiques (DGFIP). Sur l’ensemble de la période, les bénéficiaires de cette aide ont donc perçu en moyenne 8 000 euros en 3 à 4 versements.

 

Les agents des finances publiques sont très fortement mobilisés pour répondre à cette mission inédite dans un contexte sanitaire très tendu. En sus de leurs missions habituelles et sans aucun renfort jusqu'à présent, ils assurent la gestion, le contrôle et le versement du FDS qui est payé en moyenne en 2 à 3 jours ouvrés à son bénéficiaire.

 

En raison de l’augmentation de la fraude observée, de l’élargissement du dispositif et du relèvement des sommes versées (jusqu’à 10 000 euros ou 20 % du chiffre d’affaires plafonné à 200 000 euros par mois), les contrôles a priori réalisés par la DGFIP ont été renforcés et ont permis, à ce stade, de détecter près de 300 000 dossiers potentiellement frauduleux.

 

Des dizaines de millions d’euros sont en jeu et, dans ces conditions, il est difficile de maintenir les délais de paiement de cette aide censée être d’urgence.

 

Des services asphyxiés 

 

D’autant que les agents de la DGFIP continuent, en même temps, d’exercer leurs missions traditionnelles avec le même niveau d’exigence, dans un contexte récurrent de réduction des effectifs. C’est l’occasion ici de rappeler le triste record détenu par la DGFIP qui, depuis sa création, est la première contributrice à la « maîtrise des effectifs de l’État » et a perdu le quart de ses effectifs en dix ans.

 

En parallèle et à un rythme endiablé, la DGFIP maintient le démantèlement de son réseau à travers un projet de nouveau réseau de proximité (NRP).

 

L’objectif de cette réforme est de supprimer plus de 1 200 implantations (y compris celles en charge du FDS) et de les remplacer par l’apparition bimensuelle et au mieux quelques heures d’un agent des finances publiques au sein de guichets multi-services. Sans rire, la DGFIP appelle cela « réinventer le service public » et réussit l’exploit de quitter les zones rurales tout en prétendant le contraire.

 

En attendant, les agents (dont beaucoup sont contraints de changer d’affectation ou de domicile dans la période) se démènent pour concilier les priorités contradictoires de versement d’une aide censée être d’urgence et de contrôles renforcés.

 

Les équipes des trois centres de contact (plates-formes téléphoniques de la DGFIP) de Lille, Nancy et Rouen mobilisés pour renseigner les entreprises sur le dispositif du FDS rencontrent un afflux d’appels parfois très conflictuels relatifs aux motifs de refus des aides principalement. Des conversations téléphoniques sont enregistrées à l’insu du personnel et les réponses largement diffusées sur les réseaux sociaux, la presse s’en faisant parfois l’écho.

 

De même, les services des impôts des entreprises et de direction sont submergés de demandes d'« e-contact », l’application qui permet à l’administration fiscale de répondre aux courriels des usagers et dont on ne compte plus les « bugs » tant elle est largement sous-dimensionnée. Ces « e-contacts » ont déjà donné lieu à la diffusion de copies de réponses sur les mêmes réseaux sociaux, avec les prénoms et noms des agents ayant pris le dossier en charge.

 

Une réponse qui ne manque pas d'air 

 

Face à l’incompréhension et à la colère des auto-entrepreneurs et au-delà des effets de manches du ministre, la réponse n’est clairement pas à la hauteur. La DGFIP va essayer de se faire aider pour passer un pic d’activité qu’elle estime à tort ponctuel et recrute 250 contractuels répartis en fonction du stock de dossiers de FDS : un recrutement pour 1 200 demandes devant faire l’objet d’un contrôle approfondi. Le FDS tel qu’il a été mis en place est révélateur de l’importance du positionnement des contrôles de la dépense publique en général.

 

Le contrôle doit permettre de repérer les erreurs avant que l’argent n’ait quitté la caisse publique. Ce dont on peut être certain, c’est que moins il y aura de contrôles, plus il y aura de fraude.
 

Par ailleurs, plus ces contrôles seront positionnés tardivement, plus il deviendra difficile d’obtenir le reversement de la part des bénéficiaires dont le risque de disparition ou d’insolvabilité augmente avec le temps. Ce sont donc les contribuables qui risquent de payer l’addition.

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