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02 / 05 / 2019 | 343 vues
Frédéric Souillot / Abonné
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Élections professionnelles : la parité hommes-femmes en passe de devenir une « usine à gaz »

Deux arrêts rendus par la Chambre sociale le 17 avril 2019 (n° 17-26724 et n° 18-60173) ont apporté des précisions sur le dispositif de représentation équilibrée hommes-femmes.
 

Malheureusement, comme dans un arrêt précédent (Cass. soc., 9 mai 2018, n° 17-14088, PBRI), les informations fournies par ces deux arrêts ne sont pas toujours aisés à appréhender.
 

L’annulation de la liste est-elle envisageable dans le cadre d’un contentieux préélectoral ?

En l’espèce, un contentieux préélectoral avait été intenté afin d’obtenir l’annulation d’une liste. La Cour de cassation estime qu’une telle demande ne pouvait aboutir sous prétexte que l’annulation des listes n’est pas prévue par la loi. Le tribunal d’instance a déduit à bon droit que seules les sanctions prévues à l’article L. 2324-23 du code du travail [devenu L.2314-32] étaient applicables. La sanction ne peut consister qu’en l’annulation d’élus mal positionnés ou en surnombre et non en l’annulation de la liste dans sa totalité.

Le fait que le non-respect des règles de représentation équilibrée ne peut faire l’objet que d’un contentieux post-électoral (et non préélectoral) semble implicitement découler de ce constat.
 

Lorsqu’au moins deux postes sont à pourvoir, les listes doivent-elle respecter une obligation de mixité ?

L’obligation de mixité s’impose lorsque deux postes (ou plus) sont à pourvoir, peu important la proportion d'hommes et de femmes dans le collège.


Cette obligation de mixité consiste à présenter des listes comportant nécessairement deux candidats de sexes différents dont l’un au titre du sexe sous-représenté dans le collège considéré.

Les listes incomplètes sont-elles admises ?

Une organisation syndicale est en droit de présenter une liste comportant moins de candidats que de sièges à pourvoir. Mais le principe de représentation équilibrée doit-il s’appliquer au regard du nombre de personnes inscrites sur la liste ou doit-il, au contraire, s’appliquer sur la base d’une liste complète ?
 

La Haute Cour n’est pas très claire (et les faits de l’espèce encore moins). Une liste incomplète est possible dès lors que la liste respecte les prescriptions de l’article L. 2324-22-1 [devenu L 2314-30] du code du travail à proportion de la part d'hommes et de femmes dans le collège électoral considéré. Des précisions ultérieures sur ce point semblent s’imposer. En tout état de cause, la liste incomplète présentée doit comprendre un candidat de chaque sexe (un homme et une femme) et le nombre d'hommes et de femmes présentés ne doit pas excéder la proportion d’hommes et de femmes dans le collège considéré.

Comment déterminer les élus, dont l’élection doit être annulée, en présence d’une liste avec un sexe surreprésenté ?
 

En cas de sexe surreprésenté, la règle est la suivante (art. L 2314-32) :

Le juge annule l’élection des derniers élus du sexe surreprésenté en suivant l’ordre inverse de la liste des candidats.

En l’espèce, une liste avait été présentée avec une femme en surnombre. Cette femme en surnombre était en cinquième position sur la liste. Seule la femme figurant en première position a été élue.

Cette élection devait-elle être annulée ? Oui, nous répond la Cour de cassation dans la mesure où il s’agissait de la seule élue du sexe surreprésenté.

Exemple : un collège pour lequel il y a 6 membres à élire, 60 % de femmes et 40 % d’hommes, soit une répartition proportionnée de 4 femmes et 2 hommes.
 

Une liste est présentée comme suit : 

Homme 1,
Femme 1,
Homme 2,
Femme 2,
Homme 3,
Femme 3.

Il y a donc une surreprésentation des hommes.

Hypothèse 1 : la liste obtient trois élus, c’est l’élection de l’homme 2 qui doit être annulée.
Hypothèse 2 : la liste obtient un élu, l’homme 1. Cette élection doit être est annulée.

Mais alors comment appréhender cette règle en présence d’une liste raturée ?

L’annulation du candidat du sexe surreprésenté nécessite de préalablement prendre en compte les ratures dont le nombre est égal ou supérieur à 10 % des suffrages exprimés (Cass. soc., 17 avril 2019, n° 18-60173).

En l’espèce, il y avait dans un collège 92 % d’hommes et 8 % de femmes et 7 sièges étaient à pourvoir, soit une obligation de présenter 6 hommes et 1 femme (cf. obligation de mixité).

Une liste avait été présentée avec 7 candidatures masculines.

Homme 1,
Homme 2,
Homme 3,
Homme 4,
Homme 5,
Homme 6,
Homme 7.

Il y a donc une surreprésentation des hommes. La liste obtient 2 élus. Le candidat présenté en première position sur la liste a réuni plus de 10 % de ratures sur son nom, ce qui n’était pas le cas du second.

Ainsi, l’homme 2 est élu en première position et l'homme 1 en seconde position.

Selon la Cour de cassation, c’est l’élection de l’homme 1 qui doit être annulée.

Cette dernière rappelle que le non-respect des règles sur la proportionnalité entraîne l’annulation de l’élection des derniers élus du sexe surreprésenté en suivant l’ordre inverse de la liste des candidats.
 

Pour appliquer cette règle, le juge tient compte de l’ordre des élus tel qu’il résulte, le cas échéant, de l’application des règles relatives à la prise en compte des ratures dont le nombre est égal ou supérieur à 10 % des suffrages exprimés.
 

Toutes ces subtilités rendent le dispositif de la représentation équilibrée de plus en plus difficile à appréhender.

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