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19 / 09 / 2017 | 15 vues
Denis Courtieu / Membre
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Ordonnances XXL : « la philosophie générale vise à marginaliser les syndicats mais aussi à fragmenter le droit du travail »

Urbi et orbi, les ordonnances sont publiées. Riblet-Durin & Associés a demandé à Maître Olivier Boulanger de CBO, défenseur reconnu et bien connu des IRP,  ce qu’il en pense vraiment. Garantie sans filtre !

Ces ordonnances sont la cinquième réforme en quatre ans (1) mais cette fois, avec des ruptures claires en matière notamment de négociation collective (2). Les DS ne sont-ils pas déjà sur la voie d’une marginalisation certaine au nom de l’efficacité, alors que des sujets sensibles comme les primes vont pouvoir être négociés dans les entreprises, quelle que soit leur taille ?

L’actuel gouvernement poursuit la politique engagée sous François Hollande. La philosophie générale de cette politique vise à marginaliser les syndicats mais aussi à fragmenter le droit du travail. En effet, les dispositions invitent à convenir d’accords d’entreprise et d’établissements qui auront la primauté sur les accords de branche. La conclusion de ces accords en dehors des syndicats est facilitée.

Globalement la politique poursuivie n’a pas pour effet de mettre en place des relations du travail équilibrées mais renforce, au contraire, le pouvoir des directions particulièrement pour les grandes entreprises. L’effet sur l’emploi sera marginal car le gouvernement ne se préoccupe simultanément pas des marchés et ne met pas en place une politique favorisant la qualité, la durabilité et l’innocuité des produits. Il n’a pas non plus de préoccupation pour les intérêts économiques du pays contrairement au reste du monde, beaucoup plus protectionniste. Cette politique favorise la domination financière sur le monde de l’entreprise.

Je ne peux qu’encourager les élus et les syndicats à s’entourer de conseil en amont et à ne pas hésiter à mettre en œuvre des actions judiciaires en aval. La justice, bien qu’affaiblie, est l'un des moyens qui permet de rétablir des relations humaines dans un monde dominé par l’économie.

La fusion des IRP était un souhait fort des DRH. C’est désormais acté au nom de la rationalisation. Il est impensable que le nouveau comité social et économique (CSE) dispose de moins de moyens que les entités fusionnées. En attendant les détails par décrets, le risque n’est-il pas de voir les entités fusionnées perdre de leur efficacité par dilution : un même membre du CSE devra être expert CHSCT et s’occuper des actions sociales et culturelles et des questions de DP ?

Malheureusement, peu de directions ont compris l’importance et l’utilité des comités d’entreprise et des CHSCT. Ces instances participent à l’esprit d’entreprise et améliorent la compétitivité de celles-ci. Au-delà des discours lénifiants, l’approche française et actuellement du pouvoir politique élu ne sont pas de percevoir une entreprise comme un espace partagé et pérenne entre les actionnaires, les salariés et les directions.

Leur vision de l’entreprise se limite à la recherche d’une rentabilité financière rapide, peu important les conséquences sociales, environnementales et économiques. La fusion des IRP a pour effet de réduire le rôle des élus et ne va pas dans le sens d’une entreprise partagée. Les IRP manquaient de moyens, cela ne va pas s’améliorer.

Pour l’univers TPE/PME, cette réforme ne les aidera pas. Les relations avec le CSE vont être encore plus complexes.

Les ordonnances retouchent à nouveau la procédure des prud’hommes en raccourcissant le délai d’action à un an et en édictant un formulaire pour éviter des nullités de licenciement pour vices de forme. Clairement, la volonté est de désencombrer les CPH, ce qui est louable mais la procédure s’est finalement complexifiée en appel (3).

Sous le gouvernement précédent, le délai a été ramené de cinq ans à deux ans, sous l’actuel, il est ramené de deux ans à un an.

Le grand changement est dans la procédure de licenciement. L’absence de motivation de la lettre de licenciement est devenue une irrégularité de forme. La lettre de licenciement ne fixe plus les termes du litiges. Il appartiendra au salarié d’adresser une lettre à l’employeur s’il estime que la lettre de licenciement est insuffisamment motivée. De sorte que le gouvernement pense faciliter les licenciements mais en réalité il va rendre ceux-ci encore moins sûr pour l’employeur. Une hausse du contentieux est à prévoir. En conclusion, si cela semble séduisant (pour les employeurs) sur papier, la mise en œuvre pratique sera difficile et soumise à de nombreux aléas et risques.

 

(1) Les ordonnances réformant le Code du travail s’inscrivent dans la ligne des quatre lois promulguées: loi Sapin de juin 2013, loi Rebsamen et loi Macron d’août 2015, loi El Khomri d’août 2016.

(2) Nouveaux types d’accords dits « simplifiés » pour aménager le temps de travail, création de la « rupture conventionnelle collective » ; possibilité de conclure des accords sans les syndicats…

(3) Passage d’une procédure souple et orale (articles 931 à 949 du code de procédure civile) à une procédure écrite rigide, mise en place de circuits courts.

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