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15 / 02 / 2023 | 85 vues
Alain ANDRE / Abonné
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Le livret A doit-il financer le nucléaire ?

Alors que l’ensemble des acteurs de la filière phosphore à la nouvelle feuille de route d’EDF depuis l’annonce de la construction de nouveaux EPR2 sur le sol français, il y a 1 an, la question du financement demeure. Où trouver 51,7 Mrds € pour les 6 nouveaux EPR2 annoncés par le Président Macron à Belfort ?

 

Depuis quelques jours, une piste étrangement familière émerge avec le recours de la Caisse des dépôts et consignations au travers de sa gestion de portefeuille du livret A.

 

Une première question s’impose à nous  : « Est-ce aux ménages modestes de payer le nouveau nucléaire via son épargne de précaution ou plutôt le rôle d’une entreprise énergétique nationalisée via ses profits restitués ? »

 

DANS LES COULISSES DE L’ÉPARGNE DE PRÉCAUTION

 

La vocation du livret A est de financer essentiellement le logement en France. L’argent collecté est partiellement conservé par les banques pour leur propre activité (prêts, investissements financiers), mais environ 60 % sont déposés à la Caisse des Dépôts dans un véhicule spécifique *. Avec l’augmentation du taux à 3  %, la réserve déjà conséquente de 375 Mrds € va continuer de progresser.

 

Dans le même temps, les ménages rencontrent des difficultés pour se loger et isoler leurs logements. Ce ne sont pas les Certificats d’Économie d’Énergie complexes et non ciblés ou même la prime Rénov et ses conditions liées aux revenus impossibles à tenir au regard des coûts des travaux qui résolvent véritablement ces enjeux vitaux!

 

Pour notre organisation syndicale , cette épargne de précaution doit financer la Transition Énergétique au travers de l’isolation des logements via une aide directe aux ménages. Il rapporte en effet en proportion sur une année près de 2 milliards pour les épargnants, un milliard pour les banquiers. L’État, de son côté, touche près de 10 % des recettes et a un matelas de réserve de près de 10Mrds €.

 

UNE FUITE EN AVANT CATASTROPHIQUE

 

Cette idée fait partie de la logique du démantèlement du groupe EDF. Déjà à l’époque du projet Hercule, la Caisse des dépôts se positionnait pour la partie Enedis.

 

C'est toujours la même logique libérale et le scénario doit changer. Car nous le constatons tous les jours, la libéralisation du secteur de l’énergie est un échec que personne ne semble vouloir assumer. Et ce n’est pas un bouclier tarifaire à 280 €/MWh alors que la sortie de production du nucléaire est dans une moyenne de 60 €/MWh qui va arranger l’esprit de cohésion républicain.

 

De plus, si la rente nucléaire n’avait pas été dilapidée en grande partie vers les fournisseurs alternatifs au travers de l’Arenh, à raison de 3-4 Mrds €/an depuis plus de 10 ans, elle aurait pu largement financer le nouveau programme. Et si les centrales déjà amorties sont prolongées à 60 ans, voire davantage, les profits dégagés devront financer les nouveaux moyens de production. D’ailleurs, avec la valeur du parc nucléaire sur 40 ans estimée à 450 Mrds €, il y a largement de quoi financer le nouveau nucléaire et la transition énergétique, nul besoin du livret A.

 

UNE SOLUTION EXISTE

 

Il n’est pas trop tard pour mettre un terme à la fausse concurrence dogmatique du secteur de l’énergie dont les victimes sont le contribuable, le monde artisanal, les TPE, les municipalités…

 

Pour cela, il faut la volonté et l’ambition politique de changer le système tout entier. Un texte de loi français peut bouger, un texte européen également afin de nous sortir de l’échec du marché de l’énergie que tous subissent à grands frais. Certains parlementaires ont heureusement ouvert les yeux, écoutent leurs administrés et sont entrain de convaincre leurs homologues de l’impérieuse nécessité de nationaliser réellement EDF**.

 

L’enquête publique en cours sur la perte de souveraineté énergétique de la France fait également débat. C’est pour toutes ces raisons que nous  proposons la création d’un Pôle Public de l’Énergie Décarbonée

 

 

* Ce Fonds d’épargne recueille également une partie de la collecte du LDDS, le Livret de Développement Durable et Solidaire, mais également du LEP, le Livret d’Epargne Populaire. Fin 2018, les dépôts centralisés dans le fonds d’épargne s’établissaient à 253,1 milliards d’euros, contre 243,3 milliards en 2013.

** 1er vote à l’Assemblée nationale le 09.02.23 «pour la protection d’EDF contre le démantèlement»

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L’enterrement parlementaire d’Hercule engagé par le vote des députés doit être confirmé par le Sénat

 

Engagée depuis 2019 contre le démantèlement d’EDF que le funeste projet Hercule organisait, l’Interfédérale composée des fédérations syndicales représentatives (FNME-CGT, CFE-CGC Énergies, FCE-CFDT et FO Énergie et Mines) salue le vote des députés qui, lors de la séance du 9 février, ont redonné la main au Parlement sur l’avenir d’EDF.

Par 205 voix contre 1, les députés présents ont en effet voté, quasiment à l’unanimité, la proposition de loi du député Philippe Brun dont l’objectif prioritaire est de préserver l’intégrité du groupe Électricité de France en le protégeant d’un démembrement ou d’un meccano capitalistique dont certains ont le secret, et ce en interdisant toute future réforme qui serait faite en catimini dans le dos du dialogue social, des salariés, des usagers et du débat parlementaire.

 

Ce résultat est le fruit du travail engagé par l’Interfédérale avec les groupes d’opposition parlementaire dès 2020.

L’Interfédérale se félicite de la reconnaissance qui vient d’être apportée par la représentation nationale à l’atout que constitue le caractère intégré de l’électricien national, présent de l’amont à l’aval sur l’ensemble de la chaîne de valeur et des métiers de l’électricité.

 

Au moment où la crise géopolitique s’ajoute à la crise climatique et à la crise énergétique, défendre la pérennité d’une telle carte maîtresse pour l’avenir du pays est tout à l’honneur des parlementaires. En se réfugiant derrière l’OPA en cours pour prétendre que cette loi est inutile alors que l’OPA n’interdit en rien un démantèlement ultérieur avec un État actionnaire qui aurait les mains libres, le Gouvernement a été de bien mauvaise foi. Il feint d’oublier que c’est la Première Ministre elle-même qui a appelé de ses vœux la renationalisation d’EDF au nom de l’impératif de souveraineté énergétique et qui a acté l’abandon du projet Hercule.

 

En agissant ainsi, le Gouvernement laisse planer le doute sur son honnêteté et ses intentions réelles vis-à-vis d’EDF. Pire, à court d’arguments et conscients qu’ils étaient mis en minorité, les députés de la majorité ont préféré déserter l’hémicycle qu’affronter le vote. L’avenir d’EDF et la sécurité énergétique des Français méritaient pourtant mieux qu’un abandon de poste de députés qui auraient pourtant dû pouvoir se hisser à la hauteur de « l’esprit de responsabilité » que le Président de la République vient pourtant de rappeler lors du sommet européen de Bruxelles.

 

En ne votant pas cette loi, les députés de la majorité ont tombé les masques.

 

Ne pas s’opposer au retour d’Hercule ni au démantèlement d’EDF, c’est refuser de consolider rôle clef de l’électricien national intégré dans la souveraineté énergétique et de la transition bas carbone de la Nation.

En abandonnant son poste pour refuser le débat sur l’élargissement de la protection tarifaire aux collectivités et entreprises piégées par l’explosion des prix en se réfugiant derrière un plafond hors sol de 280 €, et en rejetant de manière scandaleuse les dispositions permettant de limiter les effets de l’AReNH sur EDF, la majorité a démontré le peu de cas qu’elle fait des dommages d’une foi aveugle dans les règles de marché et les atouts de la concurrence.

 

Dès lors, la majorité parlementaire sème le doute sur la sincérité de son engagement et de celui du Gouvernement à assurer la sécurité énergétique des citoyens, à les protéger et in fine à les servir.

 

Face à tant de mauvaise foi, l’Interfédérale compte désormais sur la sagesse des sénateurs pour garantir l’intégrité de l’électricien national et lui donner les moyens nécessaires à ses investissements industriels, y compris en interdisant les dispositions destructrices de valeur pour EDF.

 

C’est la condition pour qu’il soit en mesure, demain comme il l’a été depuis 77 ans, de relever les défis énergétiques du pays !