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08 / 12 / 2022 | 284 vues
Olivier Sévéon / Membre
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Le droit d’alerte sociale du CSE : un droit sous-utilisé, notamment pour le personnel précaire

Les représentants du personnel ont notamment pour mission de protéger les travailleurs précaires (CDD et intérimaires) présents dans l’établissement et de veiller à leurs conditions de travail, d’accueil, de surveillance médicale et de formation. Ils sont davantage exposés aux risques que le personnel permanent :
 

  • Ils subissent des changements de postes fréquents, ce qui freine l’acquisition des savoir-faire de prudence.
  • Ils ne bénéficient généralement que de très peu de formation.
  • Leur vulnérabilité économique les incite à minimiser les risques de leur poste, alors que les tâches les plus dangereuses leur sont souvent réservées.
  • L’enchaînement des missions complique la traçabilité des expositions et leur suivi par la médecine du travail.


Selon l’INSEE, les contrats précaires représentent 14,7 % des emplois salariés en 2021, alors que ce taux était inférieur à 6 % avant 1985. Les causes de cet essor sont connues : pour le patronat, la réduction des effectifs CDI est un moyen de remettre en cause les acquis sociaux.
Précarité et fragilisation des « collectifs de travail »


L’extension de la précarité est un fléau car elle contribue à l’affaiblissement des « collectifs de travail », reconnus comme essentiels pour la préservation de la santé des travailleurs. En effet, une culture professionnelle commune se forge progressivement entre collègues : elle instaure des solidarités et aide à accomplir la tâche, notamment par des échanges d’expérience. Elle joue aussi un rôle clé dans la prévention les risques psychosociaux, en tissant des liens et en empêchant l’isolement.


Autrement dit, le collectif de travail génère une véritable coopération entre individus et non pas une simple coordination entre membres d’une équipe. Il représente un outil essentiel pour surmonter les situations de travail difficiles.

 

Précarité


La précarité met en danger les collectifs de travail, car ils ne peuvent se forger que dans la durée : comment créer de solidarités et des connivences avec quelqu’un qui ne restera dans l’entreprise que quelques semaines ?


Ainsi, la lutte contre le travail précaire répond à des impératifs sociaux de vie décente, mais elle représente avant tout un moyen de prévention des risques professionnels, car ceux-ci se développent là où les collectifs de travail sont fragilisés.

Droit d'alerte sociale du CSE et recours abusif aux contrats précaires


Le CSE détient un droit d'alerte sociale, objet des articles L2312-70 et L2312-71. Il lui donne la possibilité de saisir l'inspection du travail et oblige notamment l’employeur à fournir des explications sur un accroissement important du nombre de CDD ou d’intérimaires. Le cas échéant, il peut être conduit à mettre en œuvre un plan de résorption de la précarité.


Article L2312-70 du Code du travail

« Lorsque le nombre des salariés titulaires d'un CDD et le nombre de salariés temporaires connaît un accroissement important […], l'examen de cette question est inscrit de plein droit à l'ordre du jour de la prochaine réunion ordinaire du comité si la majorité des membres du
CSE le demande. »


Article L2312-71 du Code du travail

« Lorsque le CSE a connaissance de faits susceptibles de caractériser un recours abusif aux CDD […] et au travail temporaire, […] il peut saisir l'agent de contrôle de l'inspection du travail. […] L’agent de contrôle de l'inspection du travail adresse à l'employeur le rapport de ses
constatations. L'employeur communique ce rapport au comité en même temps que sa réponse motivée aux constatations […]. Dans sa réponse, l'employeur précise, en tant que de besoin, les moyens qu'il met en œuvre dans le cadre d'un plan de résorption de la précarité
destiné à limiter le recours à ces formes de contrats de travail.»


Le droit d'alerte sociale du CSE est souvent ignoré, alors qu’il permet de dénoncer les recours abusifs aux contrats précaires, malheureusement trop fréquents. Les contrats précaires sont en effet strictement encadrés par la loi et ne peuvent être utilisés :

  • Pour un emploi durable, lié à l’activité normale et permanente de l'entreprise (obligatoirement occupé par un CDI).
  • Pour certains travaux dangereux, notamment s'ils exposent aux 27 agents chimiques répertoriés à l’article D4154-1.
  • Dans les 6 mois suivant un licenciement pour motif économique, sauf exception (ex. : une commande exceptionnelle à l'exportation).
  • Pour remplacer des grévistes.


En cas de recours abusif au travail précaire, l’employeur encourt des sanctions pénales : 3 750 € d’amende. En cas de récidive : 7 500 € et/ou 6 mois de prison.


Contribution d'Olivier Sévéon, formateur des CSE et auteurs de 2 ouvrages aux éditions Gereso :

 

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