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12 / 11 / 2021 | 646 vues
Nora Ansell-Salles / Abonné
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Réforme de la PSC dans la fonction publique : « révolution sur ordonnances »

Bruno de La Porte (directeur associé d'Adiceo (www.adiceo.com), cabinet conseil, expert de la protection sociale et de l'assurance) a bien voulu faire part de son analyse et de ses réflexions sur ce sujet sensible pour Mine d'Infos, en l'état actuel du dossier.
 


Ce titre un peu théâtral renvoie à une stricte vérité : révolution car la réforme est plus qu’une transformation majeure pour les acteurs historiques et qu’elle n'est basée pas sur une ordonnance mais sur trois textes dont deux ordonnances (n° 2021-174 relative à la négociation et aux accords collectifs dans la fonction publique et n° 2021-175 relative à la protection sociale complémentaire dans la fonction publique) et un décret (n° 2021-176 portant modification temporaire des modalités de calcul du capital décès servi aux ayants droit de l’agent public décédé).

 

Notre conviction est qu’il est en effet tout à fait fondamental d’analyser ces trois textes ensemble, tous datés du 17 février 2021, pour mesurer leurs conséquences sur le cadre et les pratiques de l’ensemble des acteurs de la fonction publique.

 

Les employeurs passent d’une possibilité de participer au financement de la PSC de leurs agents à une obligation financière pour le risque maladie (santé). Le montant de cette participation devient non négligeable puisqu’elle est de 50 % du panier de soins défini par le code de la Sécurité sociale (à moins que les négociations en cours n'élèvent cette base) [1]. Ensuite (c’est aussi une (r)évolution), le dialogue social sera au cœur de la mise en œuvre puisqu’un accord majoritaire [2] devient impératif pour obtenir la participation obligatoire de l’employeur en prévoyance ou la souscription obligatoire des agents au(x) contrat(s) collectif(s) mis en œuvre.

 

Les agents bénéficieront d’un gain de pouvoir d’achats certain dès la mise en œuvre du nouveau dispositif (1er janvier 2022 pour la phase transitoire et à partir du 1er janvier 2024 pour le « régime de croisière » dans la FPE, 1er janvier 2026 pour la FPT et la FPH et un cas particulier pour la prévoyance dans la FPT à compter du 1er janvier 2025 [3]). En contrepartie, si l’’adhésion au futur contrat collectif devient obligatoire, il perdra le « libre choix » dont il bénéficie avec les dispositifs actuels.

 

Les mutuelles de la fonction publique doivent relever un triple défi majeur :

  • d’une part, la fin du couplage santé/prévoyance dans la FPE remet leur modèle économique en question ;
  • d’autre part, la montée en puissance des contrats collectifs obligatoires modifie totalement le marché (relation employeur, relation adhérents, SI collectif, équilibres techniques etc.) ;
  • et enfin l’augmentation de la concurrence attirée par la modification significative des conditions de marché (participation obligatoire et en forte hausse, souscription obligatoire et mise en concurrence systématique).

 

Nous pourrions aussi ajouter la question de la gouvernance de ces mutuelles, avec la nécessité de tenir compte des nouveaux souscripteurs que seront les employeurs publics.

 

Certes, à l’heure où ces quelques lignes sont rédigées, seul un décret d’application a été publié (décret n° 2021-1164 concernant la phase transitoire dans la FPE) et les négociations entre la DGAFP et les organisations syndicales de la FPE avancent nettement moins vite que prévu.

 

De nombreuses incertitudes demeurent donc sur les conditions de mise en œuvre de cette transformation.

  • La composition des garanties qui sera demandée dans les consultations. Autant pour la santé, les négociations ont avancé et le panier de soins se précise ainsi que la structure de l’offre (formule de base plus options), autant l’absence de discussion sur la prévoyance rend les garanties prévisibles incertaines (seul le décret n° 2021-176 donne une indication sur l’absence probable de garantie décès dans la base de garanties imposées).
  • Les modalités contractuelles qui devront être utilisées par les employeurs publics. Actuellement, seule la mise en concurrence est impérative [4], mais la mise en place de contrats collectifs obligatoires imposera le respect des marchés publics.
  • Les dispositifs de solidarités (intergénérationnel et familiale) imposés par l’ordonnance ne sont pas encore définis. Le cas des retraités est actuellement bloquant mais ils risquent fortement de devoir être traités à part.
  • Les modalités de financement pour la FPE, surtout pour la FPH. Nous attendons toujours les éléments dans les PLF et PLFSS des prochaines années. Seule la question de la fiscalité des contrats collectifs obligatoires a eu une réponse dans le cadre du PLFSS 2022.

 

En synthèse, les principes sont déjà actés et la cible est connue. L'élection présidentielle de 2022 ne changera pas l’issue (peut être la vitesse de déploiement). En revanche, le résultat du scrutin professionnel (fixé au 8 décembre 2022) et la pesée des organisations syndicales qui en sortira sera cruciale pour les négociations qui précéderont les accords majoritaires nécessaires pour la mise en œuvre de la PSC.

 

Il est donc des « révolutions » déjà connues et il en est d’autres à venir. Mais aucune des parties prenantes ne doit mésestimer la nature et la profondeur des changements qui vont s’opérer d’ici le 1er janvier 2026.

 

[1] Pour le risque du maintien de rémunération (prévoyance), seuls les employeurs territoriaux y sont (pour l’instant) tenus, avec une participation fixée à 20 % minimum (d’un montant bientôt défini par décret).

[2] L’accord est majoritaire s’il est signé par des syndicats qui cumulent 50 % des suffrages aux dernières élections professionnelles.

[3] Les dates citées ne tiennent pas compte de l’extinction des dispositifs existants.

[4] À l’exception notable des offres labellisées dans la FPT.

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