Grand angle
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17 / 11 / 2020 | 447 vues
Rodolphe Helderlé / Journaliste
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Quelle place l’APC prend-il dans la grosse boîte à outils des négociations ?

L’APC qui est déjà une boîte à outils en lui-même s’articule de plus en plus sur d’autres outils (les APLD, les ruptures conventionnelles et les PSE). Retrouvez un panorama des APC dans un contexte global, avec les témoignages de la CGT FNAC Paris, l’UNSA de Derichebourg Aeronautics et de Plastalliance lors du direct organisé le 6 novembre par Miroir Social et Sextant Expertise.
 


« Il y a autant d’APC que de contextes d’entreprise car c’est l'outil le moins encadré et le plus sécurisé. Il est aujourd’hui quasiment aussi mobilisé que les PSE », explique Chloé Daviot, consultante chez Sextant Expertise qui a mené la première étude sur les APC il y a un an, illustrant la diversité de ce nouvel objet de négociation. Selon Christian Pellet, président de Sextant Expertise, « les directions ont aujourd’hui tendance à poser toutes les hypothèses sur la table. Il faut donc mener des négociations à tiroir. Cela prend du temps et recouvre des dispositifs dans lesquels les syndicats peuvent se faire accompagner par un expert (comme l’APC et le PSE) et d’autres non (comme les RCC et l’APLD). D’où l’intérêt d’obtenir un accompagnement global dans le cadre d’un accord de méthode ».
 

Vifs débats 
 

À la FNAC Paris, la négociation globale entamée en mai 2019 s’est traduite par la signature de trois accords liés. Tandis qu’un accord vise l’organisation du travail, notamment la planification des heures, l’APC concerne le développement de la polyvalence des vendeurs. Le dernier accord concerne l’alignement des conditions d’indemnisation des départs qui intègrent du supra-légal, tant sur les licenciements liés à l’APC que sur les ruptures conventionnelles liées aux modifications de l’organisation du travail. Alors que la direction avait identifié 120 contrats de travail qui bloquaient la polyvalence (10 % de la population des vendeurs), seulement 11 salariés ont finalement été licenciés dans le cadre de l’APC. Sur les 83 départs liés à cette réorganisation décidée avant la crise sanitaire, 72 se révèlent être des ruptures conventionnelles, soit le contraire du postulat de la direction. « La logique de l’APC qui permet de dénoncer un élément du contrat de travail nous pose problème. Au final, il n’y avait pas besoin d’en passer par là mais la direction était arc-boutée sur le fait d’intégrer un APC dans son plan de réorganisation du travail. Nous avons signé avec un pistolet sur la tempe car le risque était de voir la direction dénoncer les acquis de toute la convention collective d’entreprise et de notre accord sur les 35 heures. Nous avons conservé l’essentiel, obtenu une polyvalence progressive avec une prime mensuelle de 135 euros et, surtout, le remplacement poste pour poste de tous les départs », explique Boris Lacharme, délégué syndical CGT de la FNAC Paris. Autant de garanties et contreparties que l’on ne retrouve pas dans les FNAC en dehors de l’Île-de-France, où la polyvalence se développe en intégrant notamment l’encaissement par carte bleue . Reste que les débats ont été vifs au sein de la CGT FNAC Paris sur le fait de signer cet APC ou non. Des salariés ont aussi regretté de ne pas avoir été consultés par un référendum que seuls les syndicats pouvaient initier et sans aucune valeur juridique.
 

Acquis sociaux dans le viseur
 

Même écho du côté de l’UNSA de Derichebourg Aeronautics qui aurait aussi voulu organiser une consultation rendue d’autant moins possible que la négociation de l’APC a été bouclée en trois semaines, entre mai et juin 2020, pour éviter un PSE. L’APC signé par FO, syndicat majoritaire, supprime à jamais les primes de panier (9,05 € par jour) et de transport (4,99 € par jour) jusqu’alors intégrés dans les contrats de tous les salariés non cadres, soit 90 % des 1 500 salariés de l’entreprise implantée à Toulouse. Les cadres se voyant, eux, renoncer au 13e mois au titre de l’année 2020. Plus de 160 salariés ont préféré démissionner et profiter d’une indemnité extra-légale plafonnée à huit mois de salaire.

 

« La direction a été très claire sur le fait que l’APV reposait sur la perte de ces primes, acquis sociaux visés par l’URSSAF depuis longtemps, avec déjà un lourd contentieux. Les salariés étaient parfaitement conscients que ces primes n’étaient pas dans les clous. C’est pour cela que nous proposons depuis déjà trois ans de partiellement les intégrer dans le salaire brut. Le sujet n’a jamais été ouvert alors que les salariés était prêts à y perdre un peu. Là, c’est la totalité qui est perdue à jamais. Cela a contribué à plomber le climat social. Beaucoup de salariés n’ont pas eu le temps de se décider dans le délai imparti d’un mois de l’APC. C’est pour cela que le nombre de ruptures conventionnelles augmente aujourd’hui », rapporte Philippe Faucard, délégué syndical UNSA Derichebourg (non signataire), qui a saisi le TGI pour voir l’APC requalifié en PSE.

 

Déterminer un niveau de remplacement des départs

 

Quid de la capacité des syndicats à obtenir des contreparties ? « La position de départ est favorable à l’employeur mais il y a tout de même matière à trouver des leviers pour obtenir des contreparties sur les volets salariaux et sur l’emploi. L’objectif d’un APC n’est pas de licencier, il y donc matière à déterminer un niveau de remplacement des départs au risque d’augmenter la charge de travail du personnel qui reste », note Christian Pellet. La tentation de certains employeurs de profiter d’un APC pour faire un PSE existe bien. « Quand il y a urgence, il faut d’abord faire un PSE et ensuite négocier un APC pour consolider. C’est dans cet ordre qu’il faut utiliser les outils », considère Joseph Tayefeh, le secrétaire général de Plastalliance, organisation patronale de la plasturgie, qui vient de publier un guide de l’APC sur la base de plus de 50 accords accompagnés au sein des entreprises adhérentes, avant la crise sanitaire. Ces accords socle à durée indéterminée intègrent un volet APC sur notamment toutes les évolutions de l’organisation du travail et d’autres qui relèvent du droit commun, comme les jours de carence ou le passage au niveau du code du travail d’un certain nombres d'éléments de la convention collective mais avec la volonté que les salariés ne perdent finalement rien en termes de pouvoir d’achat, voire le voient progresser. Et le délégué général d’affirmer qu’aucun licenciement lié à un APC n’est à décompter et que l’outil a permis d’en éviter. Notamment par la capacité, par exemple, de rapidement faire passer une équipe de nuit en équipe de jour ou encore une équipe de suppléance le weekend en équipe de semaine. Cette approche des APC classe les accords accompagnés par Plastalliance dans les 45 % du panel de Sextant Expertise qui se déclinent à froid, sur fond d’une activité économique non dégradée.