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24 / 03 / 2020 | 187 vues
PASCAL DELMAS / Membre
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Droit de retrait sous droit social « d’urgence »

Sous le couvert légitime d’adapter le fonctionnement économique et social à la pandémie, nous pouvons nous interroger sur l'introduction de modifications importantes de dispositions du droit social sans que cela ne fasse l’objet de débats ou/et de négociations.

 

Il est donc nécessaire d’être extrêmement vigilant, surtout en la période « post -pandémie », à ce que certaines décisions ou orientations ne perdurent pas au détriment de la santé, de la sécurité et des conditions de travail, ni au détriment des pouvoirs des CSE.

 

Au sujet du « droit de retrait », conformément à l’article L. 4131-1 du Code du travail, les salariés peuvent actuellement se retirer de toute situation de travail concernant lesquelles ils ont un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour leur vie ou leur santé, et se soustraire de toute défectuosité qu’ils constatent dans les systèmes de protection.

 

L’employeur ne peut contraindre un salarié qui fait usage de son droit de retrait à reprendre son activité. Aucune sanction, aucune retenue de salaire ne peut être pratiquée à son encontre (C. trav., art. L. 4131-3).
 

Or, on peut lire, y compris dans la presse de certaines organisations syndicales de salariés que, « dès lors que l’employeur a pris toutes les mesures de prévention et de protection nécessaires (informations, mise à disposition d’équipements de protection, adoption de mesures d’hygiène, plan d’action, nouvelles mesures d’organisation du travail, etc.) dans le cadre de ses obligations, la mise en œuvre de ce droit pourrait relever d’interprétations délicates ».
 

De son côté, le Ministère du Travail indique : « Dans le contexte du coronavirus, si l'employeur met en œuvre les recommandations du gouvernement , disponibles et actualisées sur la page suivante, les conditions d'exercice du droit de retrait ne sont pas réunies sous réserve de l'appréciation souveraine des tribunaux. En principe, le travailleur n'a alors pas un motif raisonnable de penser que sa situation de travail présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé. Si ces recommandations ne sont pas suivies par l'employeur, le travailleur peut alors exercer son droit de retrait jusqu'à ce que celles-ci soient mises en œuvre. https://www.service-public.fr/particuliers/actualites/A13902 ».
 

Ces recommandations figurent dans le document suivant : Coronavirus - COVID-19, questions/réponses pour les entreprises et les salariés https://travail-emploi.gouv.fr/actualites/l-actualite-du-ministere/article/coronavirus-questions-reponses-pour-les-entreprises-et-les-salaries
 

Dans ces recommandations, de façon large et peu opérationnelle, on peut en effet lire que « les règles de distanciation et les gestes barrières doivent impérativement être respectées :

  • limiter les réunions au strict nécessaire :
    • la plupart peuvent être organisées à distance ;
    • les autres doivent être organisées dans le respect des règles de distanciation ;
  • limiter les regroupements de salariés dans des espaces réduits ;
  • les déplacements non indispensables doivent être annulés ou reportés ;
  • l’organisation du travail doit être au maximum adaptée, par exemple en instaurant la rotation des équipes.
     

En d’autres termes, le salarié est infondé à faire jouer son retrait si l’employeur respecte les mesures prescrites par les autorités sanitaires : mesures barrières, 1 mètre entre chaque personne.
 

Outre que les mesures indiquées sont aujourd’hui largement discutables sur leur suffisance (et leur opérationnalité) et n’intègrent pas les moyens de protection suffisants (masques, gants…), elles contreviennent selon nous de façon fondamentale à l’esprit du droit de retrait créé en 1982, lequel repose fondamentalement et simplement sur le sentiment de sécurité ou d’insécurité.
 

Dans le cadre du lien de subordination induit par le contrat de travail, le droit de retrait n’a d’intérêt qu’à demeurer le seul et ultime recours du salarié de décider du sort de son intégrité physique ou psychique, sans condition.
 

Les développements actuels sont donc particulièrement dangereux, selon nous, car ils vident ce droit de son sens et dissuadent progressivement les salariés d’y recourir.
 

Par ailleurs, cette publication officielle (qui n'est constituée que des « questions-réponses » et n’a donc pas de valeur juridique intrinsèque) rappelle que le « Code du travail impose à l’employeur de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et la protection de la santé de son personnel. À ce titre, il doit procéder à une évaluation du risque professionnel. Cette évaluation doit être renouvelée en raison de l’épidémie pour réduire au maximum les risques de contagion sur le lieu de travail ou à l’occasion du travail par des mesures telles que des actions de prévention, des actions d’information et de formation et la mise en place de moyens adaptés, conformément aux instructions des pouvoirs publics.
 

Les nouveaux risques générés par le fonctionnement dégradé de l’entreprise (aménagement des locaux, réorganisation du travail, affectation sur un nouveau poste de travail, télétravail…) et ceux liés à l’exposition au virus impliquent d’actualiser le document unique d’évaluation des risques.
 

L’employeur doit veiller à leur adaptation constante pour tenir compte du changement des circonstances. 
 

Cette nouvelle évaluation doit être retranscrite dans le document unique d’évaluation des risques qui doit être actualisé pour tenir compte des changements de circonstances ». Il est donc primordial que les CSE (et leur CSSCT quand elles existent) exigent cette mise à jour, sans délai.

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