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23 / 12 / 2019 | 104 vues
Jacky Lesueur / Abonné
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Les 270 emplois de l'aciérie Ascoval de Saint-Saulve ne sont toujours pas sécurisés

Le 25 novembre, en déplacement sur le site de l’aciérie électrique Ascoval de Saint-Saulve (Nord), le Ministre de l'Économie Bruno Le Maire a annoncé l’importante commande passée par l’usine British Steel d’Hayange (Moselle). Il faudra lui fournir 138 000 tonnes par an de produits semi-finis (des « blooms » ou barres d’acier de section carrée) afin qu’elle les transforme en rails pour SNCF Réseau. C’est la perspective d’un doublement de la production en 2020 car ce nouveau volume doit s’ajouter aux 136 000 tonnes qui seraient déjà sécurisées avec d’autres clients.

 

  • Sur le papier, c’est une bonne nouvelle pour les 270 salariés de l’aciérie qui tourne au ralenti depuis sa reprise le 2 mai par le sidérurgiste British Steel. Pour autant, les emplois sont ils vraiment sécurisés ? Bonne question ! La journaliste Helie Hiesse s'est penchée sur le dossier pour FO Hebdo afin de bien comprendre la situation.

 

L’engagement de British Steel Hayange, qui porte sur quatre ans, ne prendra effet qu’à partir de septembre 2020. Pis, les livraisons de « blooms » débuteront début 2021. Le nouvel appareil industriel nécessaire à leur fabrication entrera en production seulement fin août 2020 et il faut y ajouter trois mois d’homologation de la part du client. Comment l’usine va-t-elle tenir plus d’une année ? Les caisses sont presque vides. Cette commande de British Steel Hayange ne garantit pas la survie de l’usine, commente Dominique Dufner, représentant du syndicat FO créé il y a deux ans sur le site de Saint-Saulve. D’autant que, pour lui, les commandes annoncées pour 2020 avec d’autres clients que British Steel Hayange restent à confirmer.
 

Chômage partiel
 

La situation financière de l’usine nordiste est très tendue. Seulement 27 000 tonnes ont été produites en cumul depuis mai. Les salariés sont au chômage partiel, ne travaillant qu’une semaine sur deux. Le maintien même de ce rythme de production semble aujourd’hui très incertain. Depuis la reprise, nous avons travaillé pour un seul client, Vallourec. Du coup, nous avons réalisé, en six mois, 90 % des 30 000 tonnes qu’il a demandées sur trois ans ! Que se passera-t-il après ? Aucune des autres commandes annoncées en 2019 n’a été confirmée, souligne Dominique Dufner, qui rappelle combien les engagements peuvent se révéler fragiles.

 

Il y a une autre inquiétude pour les salariés. British Steel s’est engagé à compenser la perte de salaire occasionnée par l’activité partielle jusqu'en décembre seulement. Pour 2020, nous n’avons encore aucune garantie sur les compensations salariales, déplore le délégué FO qui exige la reconduction de cet engagement. Une nécessité pour lui, surtout s’il y a un recours plus important au chômage technique en 2020.

 

Quel futur pour British Steel Hayange ?

 

Il n’y a pas que les incertitudes liées à la réalité effective du carnet de commandes de l’aciérie de Saint-Saulve, dont cette importante commande de British Steel Hayange prévue sur quatre ans. Le futur même de l’usine mosellane de fabrication de rails, qui compte 420 salariés, est devenu une autre inconnue. Car le groupe British Steel, lui-même placé en redressement judiciaire en mai dernier, a été racheté fin novembre par le groupe chinois Jingye.

 

Or l’usine mosellane peut ne pas faire partie du périmètre de la reprise si le Ministère de l’Économie le décide : principal fournisseur de rails de la SNCF, l’usine d’Hayange est en effet considérée comme un actif stratégique. En tout état de cause, sa cession effective à Jingye n’interviendra pas avant fin janvier 2020, si elle est validée par Bercy. Car la piste d’une reprise par un acteur européen semble privilégiée… Ces changements d’actionnaires ne vont pas faciliter la mise en œuvre du contrat entre Ascoval Saint-Saulve et l’usine d’Hayange. Ce serait plus simple si les deux entreprises appartenaient au même groupe. Si c’était le cas, on aurait un début de consolidation pour la production d’acier vert, constate Lionel Bellotti, secrétaire fédéral en charge de la branche FO sidérurgie.
 

Étude prospective sur les aciéries électriques
 

L’enjeu est de taille car, pour fabriquer les barres d’acier de section carrée destinées à être transformées en rails, Ascoval Saint-Saulve devra utiliser des ferrailles d’acier de récupération, en gros volume. Une orientation d’avenir pour Lionel Bellotti. Mais il va falloir acheter la matière première et le marché ne se crée pas en six mois. Pour avoir une vision plus complète des perspectives, la fédération de la métallurgie a convaincu le nouveau comité stratégique de la filière des mines et de la métallurgie de lancer une étude prospective sur la création d’une filière des aciéries électriques en France. Ces aciéries ont l’avantage d’émettre moins de gaz à effet de serre qu’un haut fourneau.
 

La France a beaucoup de retard sur le sujet. Cette filière reste à construire, notamment en amont : la récupération des ferrailles d’acier. Où vont-elles aujourd’hui ? On ne le sait pas précisément, explique le secrétaire fédéral. Ces travaux permettront de définir si une telle filière peut offrir des débouchés (et de la charge) aux aciéries traditionnelles qui engageraient les travaux de rénovation de leur appareil de production en ce sens. On en saura plus en juillet 2020, date de remise des conclusions de l’étude prospective.

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