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20 / 11 / 2017 | 15 vues
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Quand le travail réel révèle les conflits de rôles et le gaspillage de compétences

Le 22 septembre, le 4ème colloque international du GESTES (Groupe d’études sur le travail et la santé au travail) a souhaité mettre à l’honneur les recherches menées les doctorants.

Des interventions comme celles de Lambert Lanoë, doctorant en sciences de gestion (Université de Nantes), sur le rôle de régulation du manager de proximité et ses empêchements, est un écho à l’intervention d’Alain-Max Guénette de la veille. Selon lui, il serait aujourd’hui victime de l’accumulation, au fil des décennies, des différents rôles qui lui sont demandés. Au final, ce sont moins les pratiques managériales qui évoluent que les conditions de travail dans lesquelles il exerce son rôle. Cette présentation repose sur des entretiens menés auprès de deux profils d’encadrants, au sein d’une entreprise de distribution d’électricité : chef de pôle et « animateur », plus près de la base. Résultat : « plus on se rapproche du terrain, plus l’activité est fragmentée », même si le chef de pôle a tendance à travailler davantage (9h50 contre 8h30). Ce dernier est cependant le plus souvent à l’origine des discussions (59,62 % contre 37,59 %). Autrement dit : l’animateur subit davantage les urgences à traiter et une certaine forme d’incertitude organisationnelle, la prévision devenant impossible. Autre source d’empêchement : la multiplication des objectifs (innovation, réactivité etc.) « qui ne permet plus de les hiérarchiser ». Les abandons et reports se succèdent alors, dont ils doivent assumer la responsabilité. Ces multiples prescriptions étant en tension, les managers de proximité prennent alors le risque de s’épuiser dans la volonté de tout satisfaire. « Le travail est toujours en souffrance d’un objectif à atteindre ». Autre conséquence : la déviance organisationnelle, avec des indicateurs, rouges à l’origine, au niveau de la base, qui remontent comme par magie à la hiérarchie en « vert ». Ainsi, les managers ne se reconnaissent plus dans l’activité qu’ils organisent, les indicateurs masquant la réalité. Les activités invisibles et clandestines sont en manque de reconnaissance. Une meilleure prise en compte du travail réel et l’introduction d’un management par la discussion, entre autres, pourraient cependant permettre de tendre vers une meilleure cohérence et moins de conflits de rôle.

Gaspillage de compétences

Un décalage entre la définition des métiers/ou/définition des postes associés à des titres professionnels et le travail est illustré par l’intervention de la sociologue Anne-Marie Arborio (Université d’Aix-Marseille), qui a évoqué les pratiques marginales de travail à l’hôpital, à travers deux mains d’œuvre atypiques rencontrées dans le cadre de ses recherches : les aides-soignantes occupant des postes éloignés de leurs compétences classiques et les infirmières qui exercent en intérim, alors qu’elles ont la possibilité d’être en CDI. Dans le premier cas, la sociologue a pu remarquer que celles qui exerçaient des fonctions administratives, techniques, loin des tâches habituelles (servir les repas, faire le ménage, les toilettes, assurer une surveillance quotidienne etc.) et donc des malades et de la responsabilité des infirmières, étaient souvent considérées comme n’étant pas véritablement des aides-soignantes mais comme étant à la source d’un gaspillage de compétences. Constat similaire pour les infirmières travaillant en intérim, sur lesquelles elle a pu entendre nombre de commentaires négatifs : « elles ne s’impliquent pas » et sont davantage payées que les permanentes alors qu’elles ne connaissent pas les malades. La sociologue a aussi observé que, souvent, pour les aides-soignantes, l’idée était de les faire évoluer dans leur carrière, quand elles ne pouvaient pas accéder au statut d’infirmière. D’où ces nombreux « postes à siège », en fin de carrière. Il semblerait en outre qu’autant les aides-soignantes que les infirmières s’accommodent de ces situations pourtant décriées, ce qu’a cherché à comprendre Anne-Marie Arborio. Il existe en réalité des enjeux de temps et d’horaires de travail dans ces métiers féminins et exigeants « où il faut tenir sur le long terme ». « Il s’agit de résister aux conditions difficiles d’exercice du métier, en réduisant l’investissement dans le poste tel qu’il est normalement défini ». Les aides-soignantes peuvent en effet aussi choisir d’éviter le contact avec les malades de certaines catégories et rechercher des horaires plus proches de la norme. Pour les infirmières, souvent en fin de carrière, l’intérim est souvent choisi en réponse aux problèmes rencontrés dans le métier : il s’agit alors de moduler la charge de travail, de fuir un fort investissement et d’éviter de prendre des responsabilités, en ne s’investissant que sur une courte durée.

Retrouvez la première partie du colloque sur le travail informel, l'emploi de qualité et l'objectivité numérique, celle sur ce travail réel qui révèle les conflits de rôles et le gaspillage de compétences et celle sur les biais d'une prévention des risques professionnels vidée des dimensions d'aliénation et de domination du travail. Le tout sans oublier la conclusion sur la notion d'exterritorialité juridique.

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