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21 / 09 / 2017 | 20 vues
Olivier Sévéon / Membre
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Ne surtout pas confondre CHSCT et commission de « santé, sécurité et conditions de travail »

Un sondage publié le 18 septembre par Libération nous apprend que 43 % des Français considèrent que « le gouvernement mène une politique de droite » mais ils sont encore 31 % à estimer qu’elle est « équilibrée entre droite et gauche ». Ces chiffres appellent quelques réflexions.

Commençons par le commencement. L’argument « ni droite, ni gauche », relayé par le slogan « libérer les énergies productives tout en protégeant les plus faibles », a joué un rôle clef dans la rapidité de l’ascension politique d’Emmanuel Macron.
  • Il a permis de fédérer nombre de ceux qui ne se reconnaissaient plus dans les partis traditionnels et de bénéficier du ralliement progressif de personnalités issues aussi bien du PS que de LR.
  • En s’affranchissant des partis dominants, le candidat Emmanuel Macron crédibilisait parallèlement sa volonté de renouvellement des pratiques politiques (« remettre le citoyen au cœur de la politique »).

Les ordonnances représentent un véritable test pour apprécier la solidité du rassemblement présidentiel : elles réveillent obligatoirement des réflexes gauche-droite, vu que le Code du travail est culturellement au cœur de la ligne de partage des opinions politiques. Il ne peut en être autrement puisqu’il rassemble les textes qui régissent les rapports entre patrons et salariés en imposant que ces rapports ne soient pas exclusivement régis par la loi du marché. Depuis décembre 1910, date de sa première adoption, son objet est effectivement de protéger les travailleurs, d’une part en leur apportant un socle de droits et de garanties, d’autre part en limitant le pouvoir de l’employeur dans l’entreprise.

De fait, le projet gouvernemental décrédibilise le mythe « ni droite, ni gauche » : comment prétendre protéger les plus faibles lorsque l’on facilite les licenciements ou que l’on instaure des accords d’entreprise qui dérogeront aux protections légales ? À l’épreuve des ordonnances, le slogan présidentiel se retrouve de fait amputé de son axe de gauche (« protéger les plus faibles ») et se réduit à une dimension unique : « libérer les énergies productives », autrement dit satisfaire le MEDEF sur la base du postulat que cela facilitera les créations d’emplois.

L’absence de protection des plus fragiles est amplifiée par le projet de fusion des instances de représentation du personnel et la forte réduction des moyens dont elles disposeront pour faire entendre la voix des salariés et défendre leurs intérêts.

Pour mieux faire passer la suppression du CHSCT, les ordonnances utilisent par ailleurs un leurre, à travers la création d’une commission.

Cette intention de fusionner est choquante car elle masque une volonté délibérée de supprimer le CHSCT, outil essentiel pour protéger les travailleurs, en particulier face aux risques psychosociaux (souffrance au travail, épuisement professionnel, harcèlement managérial, suicide professionnel etc.). Notons qu’aucun gouvernement ne s’était jusqu’ici aventuré sur ce terrain. La loi Rebsamen avait certes prévu la possibilité de regrouper les instances mais chacune gardait l’intégralité de ses prérogatives et moyens de fonctionnement : les attributions du CHSCT étaient préservées. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas et, de surcroît, la fusion est obligatoire et pas facultative.

La suppression du CHSCT n’est en aucun cas justifiable : pour reprendre les termes  d’une directive-cadre européenne « l’amélioration de la sécurité des travailleurs représente un objectif qui ne saurait être subordonné à des considérations économiques ». Cette mesure répond exclusivement aux vœux du MEDEF, à un point tel que le gouvernement est obligé de biaiser pour entretenir a minima le mythe « ni droite, ni gauche ». Ainsi, le contenu des ordonnances n’a été dévoilé que très tardivement, afin de prendre de court les organisations syndicales, en ralentissant leur travail d’analyse, d’information et de mobilisation. La manœuvre est d’autant plus déloyale que le texte rendu public est truffé d’erreurs, avec notamment des renvois à des articles du Code du travail manifestement erronés.

Avec la commission SSCT, les ordonnances inventent un organe de représentation du patronat.Pour mieux faire passer la suppression du CHSCT, les ordonnances utilisent par ailleurs un leurre, à travers la création d’une commission de « santé, sécurité et conditions de travail » (SSCT). Elle ne sert en fait qu’à circonscrire les enjeux de santé au travail à quelques individus : seuls les membres de cette commission auront accès à une formation similaire à celle du CHSCT. Les ordonnances veillent en outre à ce qu’elle soit entièrement sous contrôle de l’employeur : non seulement il la préside mais il a la haute main sur sa composition. En effet, le nouvel article L2315-39 indique : « L’employeur peut adjoindre à la commission avec voix consultative des experts et des techniciens appartenant à l'entreprise et choisis en dehors du comité ». 

Jusqu’à présent, l’unique fonction d’une commission était de faciliter la prise de décision de l’instance de représentation du personnel. Elle était donc toujours présidée par un élu et seulement composée de salariés choisis par la délégation salariale. Avec la commission SSCT, les ordonnances inventent un organe de représentation du patronat (et plus du personnel) et mettent les directions en capacité de totalement dénaturer les travaux des élus.

La bataille des idées autour de la suppression du CHSCT risque d’ancrer le nouveau président dans une image pro-patronale et de durablement affaiblir sa crédibilité de représentant du peuple... La lutte contre les ordonnances passera ainsi par des manifestations de rue mais aussi par une confrontation idéologique dont les effets seront considérables : à son issue, le credo « ni droite ni gauche » du candidat Emmanuel Macron risque fort d’être définitivement remisé sur l’étagère des accessoires.

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