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29 / 08 / 2017 | 22 vues
Olivier Sévéon / Membre
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La suppression des CHSCT pèsera sur l’image présidentielle

Au cours de ses entretiens avec les organisations syndicales la semaine dernière, le gouvernement a confirmé son intention de supprimer les comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), via leur fusion avec le comité d'entreprise et les délégués du personnel.

D’après les nouvelles précisions fournies, cette suppression serait assortie d’une possibilité de disposer d’une commission HSCT au sein de la nouvelle instance unique. Elle serait de droit dans toutes les entreprises de plus de 300 salariés, ainsi que dans celles inférieures à ce seuil lorsqu’elles relèvent du nucléaire ou d’un risque industriel majeur (cf sites Seveso).

Droit de véto de l’employeur

  • En revanche, dans les entreprises de 50 à 300 salariés, cette commission ne pourrait être mise en place qu’avec l’accord du chef d’entreprise.

Que l’on ne s’y trompe pas : loin de constituer une ouverture pour mieux prendre en compte l’intérêt des salariés, cette annonce recouvre en réalité trois évolutions qui leur sont défavorables.

Première évolution défavorable : sans que l’on sache quelles prérogatives seront au final conservées par l’instance unique, Muriel Pénicaud décide qu’elles seront encore plus largement amputées dans les petites entreprises que dans les grandes. Cette conception inégalitaire du droit à la santé professionnelle est pour le moins surprenante, même si une dérogation est prévue pour les sites Seveso et le nucléaire.

En fait, ladite dérogation recouvre une deuxième évolution défavorable car elle révèle une conception particulièrement restrictive en matière de reconnaissance des situations de travail à risques. Nous constatons ainsi qu’un secteur aussi accidentogène que le BTP est totalement ignoré par la ministre du Travail, alors que d’après la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés (CNMATS) il a le triste privilège de concentrer à lui seul 24 % des accidents mortels pour un effectif limité à 8 % du total des salariés. Autres laissés-pour-compte : les intérimaires, pourtant reconnus comme population à risques professionnels très élevés.

  • Les postes les plus exposés sont souvent réservés aux intérimaires : certains groupes externalisent sciemment leurs accidents du travail par le bais de l’intérim ou de la sous-traitance. Les intérimaires sont par ailleurs vulnérables du fait qu’ils sont soumis à des changements de postes fréquents et qu’ils ne bénéficient pas d’un rattachement à un collectif de travail stable.

Enfin, une troisième évolution défavorable réside dans le fait que Muriel Pénicaud remet en cause l’article L2325-22 du Code du travail, selon lequel le comité d’entreprise détient un droit fondamental à se doter des commissions qu’il juge nécessaire pour ses missions. En l’état actuel de son projet, elle instaure en effet dans les entreprises de moins de 300 salariés un droit de véto de l’employeur, qui empêchera les élus du personnel de s’appuyer sur une commission HSCT s’ils le souhaitent.

Au-delà de ces constats, revenons-en au point fondamental : le projet gouvernemental consiste en une suppression pure et simple des CHSCT, les acteurs sociaux n’ayant même plus la possibilité de conserver ce comité par accord. Une commission, quelle qu’elle soit, ne remédie en rien à cette mutation qui passe à la trappe un outil essentiel à la sécurité et à la lutte contre les accidents du travail.

Dans la phase actuelle, le gouvernement se garde bien d’être trop bavard (afin de limiter la capacité de réaction des syndicats) mais il est clair que des remises en cause drastiques se préparent.

L’expression « fusion des IRP » n’a pas été choisie au hasard. Il n’est plus question d’un simple regroupement des instances, chacune gardant l’intégralité de ses prérogatives et moyens de fonctionnement, comme cela avait été le cas avec la loi Rebsamen de 2015.

Le gouvernement refuse de dévoiler ses intentions quant au nombre de représentants du personnel et au crédit d’heures dont ils bénéficieront, sous prétexte qu’ils seront précisés par décrets d’application : de nombreux observateurs considèrent que ce refus masque une volonté de régression brutale.

En éliminant un dispositif essentiel à la prévention des risques professionnels, le Président Emmanuel Macron oublie ses promesses électorales (« conduire la révolution de la prévention ») et aura par ailleurs quelques difficultés à convaincre que la lutte contre le chômage nécessite la suppression du CHSCT...

Une telle mesure répond aux vœux du MEDEF mais rien ne prouve qu’elle emporte l’adhésion des employeurs. Nombre d’entre eux savent qu’ils ont besoin du concours d’un CHSCT solide pour s’acquitter de leurs obligations légales, en matière de document unique d'évaluation des risques (DUER) par exemple. La première visite d’entreprise d'Édouard Philippe, le 13 juin dernier, devrait par ailleurs l’amener à réfléchir : à contre-courant de ce qui était attendu d’elle, la direction de Telma a vanté les mérites de la préservation du CHSCT et d’un fonctionnement en instances séparées !

Le sondage réalisé en juin 2017 par l’Association nationale des DRH (ANDRH) auprès de ses adhérents doit également retenir l’attention.

  • L’hypothèse d’une obligation de fusion a d’emblée été écartée par l’enquête, la question posée portant sur la « possibilité de mise en place d’une instance unique de représentation du personnel ».
  • 12 % des répondants se sont déclarés opposés à toute instance unique.

Le gouvernement entend faire passer sa réforme dans la précipitation, en ne dévoilant son contenu que le plus tard possible. Il espère ainsi démontrer la faible riposte syndicale et, partant, la pertinence des mesures qu’il préconise.

Il sous-estime visiblement le risque qu’il encourt en s’attaquant frontalement aux élus du personnel sur un terrain aussi sensible que la sécurité et les conditions de travail. À une époque où les rythmes s’intensifient et où les risques psychosociaux s’accroissent, il y a fort à parier que le débat ne restera pas confiné à un cercle restreint de spécialistes, d’autant plus que le nombre de représentants du personnel totalise 767 000 personnes (sans les suppléants), selon les dernières statistiques du ministère du Travail.

Ce chiffre correspond à une force de frappe idéologique considérable et les échanges autour des IRP risquent fort de marquer la fin du mythe « ni droite, ni gauche » et de reléguer nos gouvernants dans le camp d’une droite archaïque pour laquelle le dialogue social se réduit à un coût qu’il convient de comprimer.

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