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15 / 04 / 2015 | 11 vues
Eric Yahia / Membre
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Visite à l'Élysée du président du directoire de SAP : apparences et réalités

Bill McDermott, CEO (chief executive officer c’est-à-dire président du directoire de SAP) est attendu à Paris et à l’Élysée, du 14 au 16 avril 2015.

L’information, parue sur internet, avait déjà fait l’objet d’une communication aux salariés SAP dès la mi-mars 2015.

Cette visite en France du « dirigeant » de SAP présente aux yeux de la CGT@SAP quelques éléments étranges, sujets à interrogations. Voici quelques-unes de nos réflexions.

Porte-parole

L’année dernière, en mars 2014, Bill McDermott prétendait « redoubler nos [SAP] efforts  en France en matière de R&D ». Selon la presse internet, il aurait rencontré le secrétaire général de l’Élysée de l’époque (Emmanuel Macron).

Or, quelques semaines plus tard, la DRH de SAP France démentait ces informations en réunion de CE : « En fait, Bill Mc Dermott a simplement expliqué aux journalistes qu’il a rencontrés que SAP disposait d’un centre de R&D majeur en France ». Aucun démenti n’a été apporté aux différents articles de presse déjà publiés et qui reproduisaient les prétentions attribuées à Bill McDermott. Pourtant, ces éléments auraient pu induire le gouvernement en erreur.

Comment une simple DRH d’une filiale locale peut-elle ainsi contredire le patron mondial quand il s’exprime à la presse ? Le CEO n’est-il qu’un simple porte-parole de SAP ?

Gouvernance : qui dirige vraiment SAP ?

Cette question peut sembler excessivement suspicieuse. Cependant, elle découle des pratiques internes à SAP où les dirigeants en titres des sociétés juridiques SAP ne sont pas toujours ceux qui décident.

Le dernier PSE de SAP en France l’a clairement montré. Les suppressions de postes en France auraient été décidées par « board area », c’est-à-dire par domaines d’intervention de chacun des membres du directoire du groupe SAP :

Qui décide vraiment ? Prenons l’exemple du directeur général de SAP France. Au sens du droit des sociétés, « le directeur général est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société » (L.225-56 code de commerce).

  • Or, le directeur général de SAP France est, dans l’entreprise SAP, sous l’autorité hiérarchique d’une personne, elle-même salariée de SAP France, donc juridiquement sous son autorité…

Quelle est donc la vraie signification de son titre de DG ? Tout se passe comme si les intitulés affichés ne correspondaient pas à un véritable pouvoir dans l’entreprise. Comment savoir ?

Les représentants du personnel de SAP France constatent depuis plusieurs années que les personnes supposées représenter l’« employeur SAP » et qui président ou interviennent à ce titre en réunion de CE, CHSCT ou DP ne sont pas à même de répondre aux questions posées en séance ; il leur faut être préalablement informées des questions bien avant la réunion.

Les interlocuteurs des IRP sont trop souvent sans pouvoir réel, voire sans connaissance véritable des sujets à l’ordre du jour. Tout se passe comme si derrière l’apparence d’un dialogue social organisé, il fallait cacher les véritables décideurs, hommes ou femmes de l’ombre inatteignables ; comme s’il fallait, pour le moins, les préserver des questions précises des salariés auxquelles ils seraient bien en mal de répondre.  

SAP sait donc interposer des « porte-paroles » entre l’entreprise et ses salariés. Pourquoi la même méthode ne serait-elle pas utilisée avec les autres « stakeholders » (fournisseurs, clients, institutions, État etc.) ?

La question qui se pose est donc la suivante : qui dirige vraiment SAP et comment s’en assurer ?

Deux visites séparées d’un an…

La visite du « patron » de SAP ressemble fort à une réunion de bilan. S’agirait-il de faire le point sur un objectif fixé l’année dernière ? On dirait que l’un des protagonistes (SAP ou le gouvernement français) aurait demandé à l’autre de faire le bilan de ses actions réalisées pendant un an. Bill McDermott rencontre en effet les mêmes interlocuteurs dont l’un est passé du secrétariat de l’Élysée au Ministère de l’Économie et du Numérique. 

On prétend qu’« Emmanuel Macron pourrait porter un projet de loi consacré au numérique ».

La visite du patron de SAP entrerait-elle dans cette intention ? Le gouvernement ne saurait ignorer le vif débat instauré en Allemagne dans le courant du mois de mars 2015 sur les relations entre SAP et les organes de surveillance américains (NSA et CIA) qui ont amené le porte-parole de SAP, Bill McDermott à s’exprimer récemment auprès des salariés.

En synthèse, personne n’a intérêt à se satisfaire du discours affiché.

  • Nous ne pensons pas que SAP ait envie de créer un nouveau centre R&D en France. Le désinvestissement de SAP France en matière de formation des salariés est une tendance « majeure » de ces 15 dernières années. Les annonces SAP faites à la presse en 2014 nous semblent donc sans fondement.

Quant à la « réunion avec nos principaux interlocuteurs d'entreprise et institutionnels pour réaliser une première inauguration de notre nouveau siège auprès de l’écosystème de SAP en France en présence de Bill McDermott et des dirigeants de l'unité de marché, des labos et des sociétés acquises », c’est l’affichage officiel un tantinet « people » de la visite du dirigeant. Car la tour SAP est occupée depuis août 2014 par l'unité de marché (le commercial) SAP. Les clients, « stratégiques » ou pas, y sont reçus depuis plusieurs mois. Les 500 salariés de R&D installés dans les anciens locaux de BO ne devraient déménager vers la tour (qui sera surpeuplée à leur arrivée) qu’à partir du 20 avril.

Assurément, la face cachée de la visite de Bill McDermott, du 14 au 16 avril en France mérite d’être explorée, tant pour les salariés français que pour les clients et fournisseurs (l’écosystème en langage « SAPien ») français.

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