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08 / 11 / 2013
Didier Cozin / Membre
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Pour réformer la formation, il faut repenser les modes et les canaux financiers

La troisième réforme de la formation est en chantier depuis quelques semaines.

Que l’on doute ou non des effets du futur compte personnel de formation (un simple compteur d’heures) importe peu. Le seul point qui devrait concentrer les efforts de tous est celui des financements et de la répartition des fonds de la formation. Tant qu’il ne sera pas possible de former simplement, rapidement et pour un coût acceptable les salariés, rien ne changera sur le terrain éducatif en entreprise.

Pour qu’à l’avenir l’intrépide candidat à un stage de formation ne se voie pas répondre : « les budgets formation sont épuisés, revenez l’an prochain », il faudra prendre des mesures radicales capables de restaurer l’équité et l’accès à la formation pour tous.

La question financière en formation peut être résumée ainsi : pourquoi, alors que chaque actif dispose en théorie de 1 000 euros par an (30 milliards pour presque 30 millions d’actifs), pourquoi dans les faits  moins  de 100 euros sont disponibles pour se former dans la plupart des organisations ?

Que faire pour changer cette réalité et rendre la formation aussi simple et naturelle que la prise des congés payés ?

  • Aligner tous les organismes de formation (publics comme privé, associatifs comme entreprises) sur le taux minimal de TVA de 2,1 %. Il est en effet paradoxal que le lecteur de magazine qui souhaite s’informer sur la sortie du dernier smartphone règle une TVA de 2,1 % alors que le travailleur qui veut se former sans le recours à une entreprise doive payer une TVA de 19,6 % (bientôt 20%). Il est aussi contraire aux règles de la concurrence que certains organismes de formation soient soumis à la TVA alors que d’autres ne le sont pas.
  • Ne plus adosser la contribution des entreprises sur leur masse salariale (cela défavorise évidemment les moins qualifiés, les précaires ou le personnel à temps partiel). Il faudrait verser, dès le premier salarié, une somme fixe et annuelle sur son compte personnel de formation. Le mythe des grandes organisations qui disposent toutes de confortables budgets formation ne tient plus en France.
  • Cesser de considérer la formation comme une charge mais comme un investissement dont le montant est librement consenti par l’entreprise (une  fois qu’elle aura doté financièrement chaque compte personnel formation de ses salariés).
  • Disposer que chaque salarié aura 20 heures de CPF (anciennement DIF) par an, quelle que soit la durée de sa semaine de travail. Il est injuste de « proratiser » les heures de formation pour des salariés qui, très souvent, subissent leur temps partiel. La formation ne doit plus être limitée ou contingentée en France.
  • Lors d’une PSE, consacrer au moins 50 % des sommes déployées pour des actions de formation et de reconversion. Il est navrant de constater que, lors des licenciements, 5 à 10 % seulement des sommes dépensées le sont pour l’accompagnement des personnes alors que la plus grande partie des indemnités est versée directement aux ex-salariés (selon le célèbre adage « prends l’oseille et tire-toi »).
  • Permettre aux mairies de ne plus cotiser au CNFPT ou contraindre ce dernier à ne plus être à la fois l’organisme collecteur des fonds de la formation et le réalisateur des formations des mairies (au regard du droit de la concurrence, ce n’est pas admissible).
  • Obliger les administrations qui lancent des appels d’offres formation à ne jamais descendre en deçà d’un prix horaire minimum. Les « économies » réalisées lors de ces appels d’offres (le prix est parfois un critère comptant pour 40 % dans le choix du prestataire) empêchent les organismes de formation de se développer ou, pire encore, les oblige à licencier pour se positionner en tant que moins disant financier.
  • Demander aux organismes de formation dépendant du secteur public (et aux associations subventionnées) de se désengager du marché privé de la formation ou de cesser de recevoir des subventions ou taxes d’apprentissage. Si l’on veut déployer une formation de qualité en France il faut permettre à de grands organismes privés de se créer sans être entravés par la concurrence d’organismes subventionnés.

Le premier obstacle à la généralisation de la formation tout au long de la vie est financier, comme le savent les professionnels de ce secteur. La formation des adultes est à la fois un effort et un investissement (pour l’entreprise, pour le pays mais aussi pour l’individu), elle coûte cher, nécessite du temps, du savoir-faire (il ne s’agit pas de singer l’école) et de la persévérance.

Il faut désormais former les personnes plutôt que les organisations. Avec 22 % d’adultes en grande difficulté en français et en calcul, nous n’avons guère le choix, ni le temps d'attendre que le problème se résolve de lui-même.

Depuis l’après-guerre, notre pays a beaucoup investi dans ses infrastructures et pour son confort matériel (autoroutes, centres commerciaux, lotissements, aéroports…). Nous sommes désormais suffisamment équipés matériellement, il nous faut songer à d’autres équipements, moins palpables et concrets mais désormais plus importants pour notre avenir commun : les équipements pour la pensée.

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