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11 / 04 / 2012 | 52 vues
Joël Toledo / Membre
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La constante macabre, phénomène de société ?

Le 4 avril au soir, j’ai assisté à une conférence à l’école de la Source à Meudon. Cette conférence était animée par André Antibi, professeur à l’Université Paul Sabatier de Toulouse, auteur de l’ouvrage La constante macabre.

Je ne savais pas grand-chose de ce sujet sinon que nous allions avoir une présentation du système d’évaluation des élèves.

J'ai été très surpris de ce que j’ai découvert : ce professeur de mathématique s’est aperçu, après de nombreuses études sur le sujet de l’évaluation et à la lumière de sa grande expérience professionnelle, que les professeurs, pour être crédibles et sans le savoir, notent les élèves de telle manière qu’ils sont répartis en trois tiers : les bons, les moyens et les faibles. Le pourcentage de mauvaises notes rendent l’évaluation crédible : c’est ça, la constante macabre.

Sans s’en rendre compte et sous la pression de la société, les professeurs deviennent des sélectionneurs (ce qui ne fait pas partie de leur métier) et font le sale boulot. Cette manière de faire se retrouve encore plus probante dans les classes préparatoires, où obtenir en début d’année une note de 1,5/20 pour une dissertation est quelque chose de « normal ».

Cette situation s’avère être un véritable échec pour les élèves qui subissent injustement cette discrimination, qui perdent confiance en eux et leur fait abandonner tout espoir de réussite. Espoir encore plus lointain quand on voit le recours des parents aux cours particuliers pour aider leurs enfants à réussir. Seuls ceux qui ont les moyens ou qui ont les aptitudes intellectuelles, pourront aider ces enfants en difficulté.

La constante macabre existe partout

  • Dans le monde de l'entreprise, il y a une trentaine d'années, mon premier manager me disait : « Tu sais Joël, pour moi, il y a trois types d'individus : ceux qui sont bons, que je fais progresser, ceux qui sont moyens, dont je me sers, et les derniers, les mauvais, dont je me sépare ».

Heureusement pour moi, je venais d'être promu par lui et j'espérais faire partie de la première catégorie. Quoique je me suis très vite demandé si ce n'était pas un moyen pour mon manager de me mettre la pression, de me manipuler en quelque sorte, pour que je mette toute mon énergie à ne pas tomber ni dans la deuxième, ni dans la troisième catégories. Il a certainement été déçu quand, quatre mois plus tard, je lui remettais pas démission.

Le pire, c'est que cette constante macabre existe partout où je suis passé et j'ai travaillé dans de nombreuses entreprises privées et publiques, soit en tant que cadre, soit en tant que consultant externe. J'ai appris récemment que le système d'évaluation des employés d'une très grosse entreprise de conseil en informatique, est basé sur ce même principe, mais sous une autre forme : « Ceux qui sont au-dessus de la courbe sont les bons, ceux qui sont aux alentours de la courbe sont les moyens, ceux qui sont en dessous ce sont les chèvres » (on voit très vite où finissent les chèvres). Ce sont les mots du vice-président de cette structure qui, après coup, a bien été ennuyé de ce qu'il venait de me dire, ça lui avait échappé...

  • D'ailleurs cette constante, si par nature elle est constante, elle est aussi variable, puisqu'elle est mouvante. En effet, un individu, un collègue, nous-même pouvons être en odeur de sainteté un jour, et faire partie des bons éléments, puis le lendemain, parce quelque chose se passera différemment, nous pourrons tomber dans le panier de la constante macabre, quelle que soit la raison : mauvais résultats, conflit interpersonnel, rythme de travail plus lent, insatisfaction concernant la reconnaissance du travail que nous faisons et que nous méritons etc.


Le phénomène se déploie très rapidement à partir du moment où une seule personne, plus particulièrement (mais pas seulement) celle qui se trouve au-dessus hiérarchiquement, décide de vous déposer dans ce panier-là (vous ne pourrez que très rarement en sortir). Et pour que vous ne puissiez plus y échapper, le manager vous infantilise, vous met une pression plus grande, cherche n'importe quel type de soutiens qui abonderont dans son sens, jusqu'à vous isoler complètement et ce, encore une fois, quelles que soient vos qualités professionnelles intrinsèques. D'ailleurs, vous ne tardez pas à perdre tous vos moyens, vous poussant à commettre l'irréparable, la faute professionnelle. Celle-ci va confirmer l'intention du manager : vous virer. Cette faute va le conforter dans sa plaidoirie en utilisant les faits, rien que les faits, et surtout pas tous les éléments subjectifs qui vous auront poussé à la faute et dont les preuves et les témoignages sont faibles, voire inexistants.

L'irréparable, surtout lorsqu'on est un bon professionnel, peut se traduire par un « burn-out », une grave dépression, et peut aussi conduire à n'importe laquelle des addictions, voire à commettre sur soi l'acte définitif : le suicide. Mais cette situation peut aussi initier le combat, si l'on a suffisamment de force intérieure et de soutiens extérieurs. Le vainqueur n'est pas toujours celui que l'on croit, j'en ai fait l'expérience et ce, quelle que soit la taille de l'adversaire.

  • Je suis persuadé qu'il existe une relation de cause à effet entre ce qu'il se passe à l'école depuis la cour de récréation, et les salles de classe jusque dans les entreprises.

Toutes les entreprises ne fonctionnent pas de cette manière, heureusement. Mais je suis un peu abasourdi par le nombre de cas d'entreprise qu'on me relate et qui me conduisent à croire qu'effectivement, de manière inconsciente, des gens ayant un quelconque pouvoir sur autrui, poussent vers la sortie les individus soit disant faibles (on n'est pas faible par nature, on le devient parce que d'autres l'ont décidé à votre place) sous le prétexte fallacieux de la sainte performance.

À qui le tour ? Comme disent les Anglo-Saxons : who's next ?

Quelle alternative pour lutter contre cette constante ?

La réponse d’André Antibi est l’évaluation par contrat de confiance : EPCC un système efficace.

La mienne est de modifier notre rapport à la performance individuelle et à la performance d'entreprise : la confiance et le respect de la personne y jouant un rôle prépondérant.

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