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28 / 11 / 2011 | 13 vues
Jean-Claude Delgenes / Membre
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La maltraitance des femmes est aussi économique

Comme le rappelait récemment au cours d’un colloque le psychiatre Michel Debout, la France n’a pas de culture de prévention. Ainsi, alors que la Grande-Bretagne a entamé la prévention des suicides dès 1950, notre pays a commencé à s’en préoccuper au début des années 2000. Soit 40 ans plus tard. À ce jour d’ailleurs, la France n’est toujours pas équipée de l’appareil statistique, des méthodologies pluri disciplinaires, des bonnes pratiques (en un mot d’un observatoire efficace) pourtant indispensables à la prévention de ces drames. Car pour prévenir, il faut avant tout connaître. Voila pourquoi de nombreuses personnalités, associations, syndicats, fédérations professionnelles, demandent instamment depuis des mois aux pouvoirs publics la création d’un observatoire des suicides et des conduites suicidaires.

  • L’Appel dit des 44 a été publié par le journal Libération en mai dernier et chacun aujourd’hui peut se l’approprier, le signer et le faire signer.

On peut d’ailleurs établir un parallèle entre ce tabou que demeure la question des suicides au pays de Durkheim et le tabou de la violence faite aux femmes.

Le tabou de la vilolence faite aux femmes

Notre pays souffre la encore d’un fléau d’un autre siècle que l’on doit encore prévenir.

En effet, toutes les 60 heures en France, cher pays de notre enfance, une femme meurt sous les coups de son conjoint. Chaque année dans ce doux pays, près de 55 000 femmes sont victimes de violences physiques ou sexuelles. Chaque jour dans ce pays de tolérance, environ 20 % des femmes subissent injures, menaces et humiliations à caractère sexiste.

Ces faits, bien entendu, se retrouvent dans la sphère du travail. Discriminations sexistes à l’embauche disparité de salaires avec les hommes, harcèlements sexuel et moral. La loi réprime tous ces crimes et abus qui pourtant perdurent.

Voila pourquoi une prise de conscience de chacun s’impose à l’issue du 25 novembre, journée internationale et nationale dédiée à la lutte contre les violences faites aux femmes. Espérons que la vigilance et l’exigence de tous permettront de préserver l’existence de celles qui, entre autres actions, donnent la vie.

Si la loi échoue encore a éradiquer l’archaïsme qui se loge dans les pensées, des progrès sont malgré tout notables. Ainsi, depuis l’instauration de règles de parité dans les fonctions électives, les attitudes commencent à se modifier. Un ami qui a épousé une femme conseillère régionale me disait dernièrement à ce sujet :

  • « Avant, les conseils régionaux étaient essentiellement masculins. On y trouvait une femme par ci par là, qui essuyait souvent des remarques lourdes de sous-entendus. Désormais, les femmes sont nombreuses même si elles ne sont pas encore à égalité avec les hommes, elles font bloc, et aucun mâle n’ose plus se comporter ainsi sous peine d'être honte en public d’une remarque collective et de se faire remettre à sa place. »

Maltraitance économique

Il est vrai aussi que les choses évoluent positivement, même si c’est certainement encore trop lent. Dans la sphère professionnelle, l'un des graves handicaps qui reste à surmonter est celui de la reprise de fonction après la maternité ou après la prise d’un congé parental. Aborder cette question délicate ne signifie pas que l’on réduise les femmes à leur seul rôle de mère.

Généralement la naissance oblige à de nouvelles responsabilités, à de nouvelles contraintes pour les femmes qui assument celles-ci davantage que les hommes. Une étude récente de l’INSEE rappelle à ce propos que les femmes s'occupaient en moyenne des tâches ménagères  1 heure 30 de plus quotidienne que les hommes.

Le monde actuel de l’entreprise est trop centré sur la recherche de la superformance. Au-delà des discours et des déclarations, dans certaines entreprises, on tolère mal dans les faits ces moments de pleine vie où l’intérêt des parents peut se décentrer fort heureusement, du seul travail. La femme sait ne pas se tromper de valeurs. Elle gère donc ces moments intenses, de part et autre, parfois au détriment de sa progéniture, ce qui lui vaut des remords en retour. À l’inverse, souvent dans ces moments de transition, la sanction tombe.

J’ai souvenir d’une femme française de formation financière qui avait brillamment réussi  dans une grande firme américaine. Une fois maman , à 43 ans,  elle avait voulu lever le pied et réduire ses heures de travail. Pour retrouver ses pulsations propres, son tempo personnel pour vivre plus en accord avec sa fille. Elle accomplissait alors plus de 40 heures par semaine. Ayant réduit de 20 heures son temps de travail, de manière raisonnable. Son poste de vice-présidente ne l’a pas préservée. Six mois plus tard, elle rentrait en France. Dégoûtée d’avoir dû choisir entre sa fille et son travail. Elle m’avouait alors : « Tu comprends, il n’y a pas que l’argent et la carrière dans la vie. Les Américains qui installent leurs écoles maternelles dans les caves de leur église n’ont rien compris. La richesse ce sont les enfants, aimés, choyés, éduqués qui prendront leur rang de citoyens à part entière. Un pays qui ne respecte pas ses enfants ne peut pas rester grand ».

En France, la législation est plus protectrice des droits à la maternité des femmes. L’un des deux parents peut de plus choisir de se mettre en congé pour élever son enfant. La très grande majorité des congés parentaux est encore demandée par les femmes. Néanmoins, le retour à l’emploi après un congé parental peut souvent rester problématique. Dans les petites sociétés, 96 % des entreprises françaises comptent moins de 50 salariés, contrainte oblige,  la fonction a été le plus souvent assumée par une ou un autre salarié.

S’imposer à nouveau n’est pas simple. Évincer l’autre qui n’a pas forcément démérité. Retrouver le job, réinvestir l’emploi après des mois d’absence conduit à de multiples tensions. D’ailleurs, la loi n’est pas toujours respectée et la femme de retour se trouve éjectée ou mise sur un autre poste de travail qu’elle n’a pas choisi.

Dans les grandes entreprises, les retours après congé parental semblent plus encadrés, les représentants du personnel sonttrès attachés à ces droits, veillent à leur respect et tentent de préserver au mieux le travail de celles qui s’en sont momentanément éloignées pour consacrer un peu de temps à leur(s) enfant(s).

Cependant, les études montrent que la maternité joue encore contre les évolutions de carrière des femmes. Paradoxalement notre société leur demande de se comporter comme des hommes pour obtenir une progression de carrière sans anicroche, sans rupture, tout en louant le dynamisme démographique de la nation. Ce dynamisme étant d’ailleurs actuellement l’un des seuls motifs de satisfaction national. Encore faudra-t-il transmettre une bonne instruction à tous ces nouveaux nés si l'on désire en faire une force pour la nation française à l’avenir .
  • À exprimer la vérité, la naissance d’un bébé devrait au contraire être beaucoup mieux valorisée en entreprise. Il faut cesser de la banaliser sous prétexte que cela relèverait de la sphère privée. Retrouver nos valeurs anciennes serait louable sur ce plan, ce d’autant qu’elles sont toujours partagées par d’autres pays.  


L’enfantement est gage de valeurs collectives. Sans verser dans le matrimoine propre à Hervé Bazin, tout le groupe d’humains peut se retrouver symboliquement devant l’être démuni qui vient de naître. Y trouver sens, fraternité et force.

L’enfantement engage un esprit responsable, un sérieux dans l’implication, une créativité certaine, une humanité ravivée, un attachement aux valeurs fondamentales. L’enfantement devrait être mieux célébré en entreprise. Les femmes devraient après une telle épreuve être remerciées, louées, reconnues par une véritable prime financière à la naissance et par une reconnaissance accrue.

N’oublions pas que les enfants sont par leur fragilité ceux qui nous préservent encore des pires violences. Que serait notre société sans la grâce et la fragilité des enfants ? Sans la force qu’ils nous inspirent ? Sans l’espoir qu’ils nous préservent ?

Gageons que lorsque les femmes auront conquis la majorité des postes à responsabilité dans notre société, ce qui ne tardera plus guère tant leurs qualités sont supérieures à celles des hommes, elles sauront, sachant d’où elles viennent, instaurer une véritable égalité des droits et la lutte contre les stéréotypes réducteurs. Ce qui constituera une nouvelle étape de la démocratie. 

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