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03 / 05 / 2011 | 67 vues
Didier Porte / Membre
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Le privilège de représentativité saute quand le syndicat de journalistes s’aventure hors du collège spécial

Dans deux arrêts du 2 mars 2011, la Cour de Cassation précise les règles spéciales propres aux journalistes lors des élections en entreprise. Ceux-ci bénéficient d’un titre spécifique au sein du code du Travail, aux articles L. 7111-1 et suivants. Il y est notamment question de leur qualification de salariés et de leur rémunération, mais aussi de règles applicables lors des élections professionnelles.

L’article L. 7111-7 fixe ainsi des règles dérogatoires de représentativité : en présence d’un collège spécifique aux journalistes et assimilés, il suffira à un syndicat, pour être représentatif à l’égard de ces mêmes personnels, d’avoir obtenu 10 % au premier tour des élections au comité d’entreprise au sein de ce seul collège, le seuil ne s’appréciant donc plus sur l’ensemble de ceux-ci.
 

  • Cette dérogation est évidemment comparable à celle applicable aux syndicats « ayant pour vocation de représenter une catégorie de salariés » de l’article L. 2122-2 du Code du Travail.


Dans le premier arrêt (pourvoi n° 09-60.419), la Cour se prononce sur les modalités de création d’un collège « spécifique » aux journalistes : création qui est un préalable à l’application de l’article L. 7111-7. L’article L. 2324-12 du Code du Travail exige en effet, lors de la signature du protocole préélectoral, l’unanimité des organisations syndicales représentatives dans l’entreprise pour toute modification du nombre ou de la composition des collèges électoraux. Le tribunal d’instance de Vanves avait déclaré que cette unanimité s’appliquait également à la création du collège spécifique aux journalistes : les règles de double majorité prévues par les articles L.2314-3-1 et L.2324-4-1 devaient être écartées, l’unanimité étant exigée pour cette mesure.

La chambre sociale répond que l’article L. 2324-12 ne s’applique qu’aux modifications des prévisions « légales ». Or, l’article L. 7111-7 constitue une de ces prévisions. Dès lors, son application ne modifie pas la composition « légale » des collèges et l’unanimité n’est pas requise.

  • La Cour casse donc le jugement : la création du collège des journalistes est soumise aux conditions de droit commun de validité du protocole préélectoral telles que définies par les articles L.2314-3-1 et L.2324-4-1 du Code du Travail, puisque cette création est rendue possible par la loi.

 
Dans la deuxième espèce (pourvoi n° 10-60.157), il était question de l’existence d’un « collège spécifique » aux journalistes et assimilés : autre condition d’application de l’article L. 7111-7 du Code du Travail. Ici, le tribunal d’instance du XVIème arrondissement avait retenu que si « tous les journalistes avaient été inscrits dans le seul collège cadres, ce dernier comprenait également d'autres professions, tels des personnels techniques et administratifs, des musiciens et des collaborateurs ». Le collège n’étant alors pas exclusivement composé de journalistes, il n’y avait pas collège électoral spécifique, toujours selon le tribunal. L’article L. 7111-7 ne devait donc pas s’appliquer, et la représentativité du syndicat de journalistes s’appréciait sur l’ensemble des collèges ; il perdait alors son privilège. De plus, la désignation d’un délégué syndical par ce dernier se voyait invalidée…
 

  • Or, pour la chambre sociale, la condition de spécificité du collège des journalistes, préalable au privilège de l’article L. 7111-7, n’impose nullement que ce collège soit composé des seuls journalistes.
« La condition tenant à la création d'un collège électoral spécifique prévue par [l’article L. 7111-7] est satisfaite dès lors qu'un accord préélectoral impose l'inscription de tous les journalistes dans un seul et même collège et interdit, par là-même, à un syndicat de journalistes de présenter des candidats dans d'autres collèges, peu important que ce collège au sein duquel sont inscrits les journalistes puisse aussi comprendre d'autres salariés ».
  • La spécificité est donc acquise lorsque les journalistes sont regroupés dans un collège unique, avec ou non d’autres catégories. À l’inverse, lorsque les journalistes sont dispersés, ou lorsque les syndicats voulant bénéficier de l’avantage présentent des candidats dans d’autres collèges, le privilège de représentativité saute.


On pourrait réfléchir à la transposition de cette dernière exigence (de non-présentation dans d’autres collèges) aux syndicats catégoriels de l’article L. 2122-2 du Code du Travail. Certes, il n’y est pas mentionné le terme de collèges « spécifiques » ; mais il y a bien représentation de catégories particulières regroupées au sein de collèges électoraux, et désignées par les statuts... L’idée est donc la même, le privilège étant identique. La chambre sociale pourra difficilement justifier l’avantage des syndicats catégoriels présentant des candidats dans tous les collèges uniquement par la mention aux statuts.

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