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26 / 04 / 2010 | 6 vues
Bernard Salengro / Membre
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Santé au travail : lettre ouverte au ministre du Travail, Eric Woerth

Monsieur le Ministre,

Ayant pris connaissance de votre projet de réforme de la santé au travail, auprès des membres de votre cabinet et de parlementaires, nous sommes consternés par la  construction d’un nouveau système reposant sur une erreur juridique fondamentale et sur des erreurs d’appréciation importantes aboutissant à un système perverti en opposition avec le but affiché de la prévention efficace.

L’objet de cette lettre est de vous le signaler et de vous l’expliquer !

Souffrance des travailleurs en France

Lors du récent congrès de l’Expansion, vous nous avez justement rappelé que les syndicats se sont constitués à la suite des problèmes de santé au travail. Les salariés ont toujours été sensibles aux problèmes des conditions de travail et à leur relation à leur santé.

Les troubles musculo-squelettiques, les allergies, les manifestations en rapport avec le stress au travail, les cancers d’origine professionnelle (en particulier ceux liés à l’amiante) nous rappellent l’insuffisance de protection dont souffrent les travailleurs en France.

Les cadres et tout l’encadrement sont affectés, et ce d’autant plus avec la montée considérable des facteurs de stress et des risques psychosociaux qui les touchent tout particulièrement étant donné leurs situations particulières.

Nous attendions la mise en place d’une prévention dynamique et efficace et ne trouvons qu’un ersatz fait d’un transfert de mission du médecin du travail (salarié techniquement indépendant et protégé) vers le directeur de service de santé au travail mis en place par des employeurs, et bien sûr sous leur direction.

Vers des services de médecine du travail sous l'emprise des employeurs

Ce transfert de mission préconisé par un syndicat autonome de directeurs de service de santé au travail (le CISME) placerait ces services directement sous l’emprise des employeurs et transfèrerait de ce fait les missions et objectifs des médecins du travail, (salariés indépendants techniquement, tenus au secret médical, respectueux d’une éthique et protégés par un code de déontologie), aux employeurs et à leurs délégataires.

La loi actuelle est pourtant fort claire : elle donne la mission de prévention aux médecins (assistés de l’équipe pluridisciplinaire), à charge pour le directeur du SST d’assurer la mise en place des moyens nécessaires à sa réalisation.

Quelle indépendance pour les directeurs de service ?

Dans le cadre du projet présenté, qui assurera de manière indépendante la coordination de l’équipe pluridisciplinaire ? Quelle compétence, voire quelle responsabilité, peut avoir un directeur de service de SST non médecin à assurer la prévention de la santé des salariés ? Qu’en sera-t-il de l’indépendance des directeurs de service, ainsi que des professionnels non médecins (infirmières et IPRP) qui n’ont pas plus d’autorité scientifique que d’indépendance statutaire ?

Ni les médecins du travail, ni les salariés ne sont naïfs : ils n’accepteront pas cette grave dérive sans que cela n’ait un retentissement électoral.

Croire que la responsabilité des employeurs dans leur obligation de résultat en matière de sécurité se délègue aux présidents et directeurs de service est une erreur juridique, les juges n’ont pas hésité à inculper les docteurs Raffaelli et Bezu dans le dossier encore brûlant de l’amiante et n’ont pas inquiété les employeurs, ni leurs commettants.

Retour à une médecine du travail du temps de Pétain...

Mettre en place une santé au travail sous l’unique responsabilité des employeurs, c’est mettre en place un système fort accommodant pour le patronat en masquant la réalité du travail, ses conséquences sur la santé des salariés et en permettant une sélection des salariés. C’est le retour à la médecine du travail selon les conceptions du temps de Pétain, abandonnant la réorientation fondamentale opérée à la libération, d’un service de prévention au seul profit de la santé des salariés.

La CFE-CGC ne peut accepter cette déconstruction dont les effets seront délétères pour ces derniers.

Ces directeurs ont l'ambition de remplacer les actes du médecin du travail par ceux des infirmières pour la partie médicale, et par des techniciens pour la partie ergonomique, tout cela sous couvert de pluridisciplinarité ! Sans insister sur la statistique ministérielle qui établit que près de la moitié des médecins du travail (bac plus dix) s’était formée en plus à l’ergonomie ou à des techniques voisines, il est indiscutable qu’une équipe pluridisciplinaire puisse améliorer la prestation de santé au travail. Mais à la condition seulement qu’ils partagent les objectifs réglementaires des médecins du travail et leur protection statutaire, ou c’est la garantie de l’échec !

Les objectifs de ces directeurs sont en fait de :

  • perpétuer et d’amplifier un système fort accommodant pour les finances locales du patronat (on ne compte plus les affaires) et certains journalistes se sont intéressés aux nombreuses cohabitations douteuses des services de santé au travail et des antennes du Medef ;
  • mettre en place un système ayant la façade de la protection de la santé des salariés dont la mission réelle est de crédibiliser des méthodes de travail délétères, notamment en matière d’organisation et de management.

La CFE-CGC ne peut accepter cette construction dont les effets seront négatifs pour les salariés.

Pour une pluridisciplinarité active

Ce même syndicat de directeurs est opposé à une gestion paritaire de la santé au travail et des instances régionales.

Or, n’est-il pas légitime que les salariés aient la possibilité d’influer sur toutes les structures qui s’occupent de la protection de leur santé ? Les services de santé sont la seule structure de santé au travail qui ne soit pas paritaire, les CARSAT, les ORST, les ARACT etc. le sont sans difficultés.

La CFE-CGC préconise une gestion paritaire des services afin d’obtenir une transparence de leur gestion et une adéquation de leurs moyens à leurs objectifs officiels.

La CFE-CGC réclame une pluridisciplinarité active mais avec les conditions d’indépendance et de coordination avec les médecins qui garantissent leur efficacité.

Enfin, la CFE-CGC réclame la révision des modes de formation malthusiens de la médecine du travail ; elle a proposé des solutions pratiques qui ont eu le soutien des employeurs industriels.

Signataires :

Bernard VAN CRAEYNEST, président confédéral CFE-CGC

Bernard SALENGRO, secrétaire national Conditions de travail, handicap et santé au travail CFE-CGC

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