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05 / 03 / 2010 | 9 vues
Sylvain Thibon / Membre
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Bertrand Meheut à la tête de Canal+ : 8 réussites... 1 échec !

À l'occasion de la présentation des excellents résultats financiers du groupe Canal+ à la presse, Bertrand Méheut est présenté comme le sauveur du soldat Canal+, en perdition et en faillite dès 2001 (cf Les Échos des 1er et 2 mars 2010).

C'est vrai, Bertrand Méheut a redressé les comptes de Canal+.
Il a, contre vents et marées, assuré la pérennité du modèle de Pay TV à la française. Il a taillé dans les coûts et rationalisé la structure tentaculaire montée par Pierre Lescure. Il a engagé de jeunes loups capables de prendre à bras le corps ce bébé en apoplexie avancée !

Sept ans plus tard, le bébé se porte bien, et même très bien !
Canal+ dégage des bénéfices confortables, comme jamais depuis sa création, plus de 652 millions d'euros ! Canal+ commence à se redéployer à l'étranger. Canal+ est redevenu un acteur majeur de la télé française, voire européenne... Mais tout cela, à quel prix social !

Pendant qu'on redressait les comptes, on abattait les hommes ! Que de dégâts sociaux depuis 2002 ! Nous ne réfutons pas la nécessité d'un modèle économique contraint, mais pas au seul service de l'actionnaire.

Combien pour les salariés, combien pour l'investissement ? Peu, pas assez ! Ce bénéfice, c'est pourtant le résultat des sacrifices consentis depuis des années par les salariés. C'est le résultat d'un travail acharné de tous. C'est pourquoi nous revendiquons une redistribution plus équitable.

Petit retour sur l’histoire

  • 1er plan social : 2001

Cent quarante-cinq salariés virés, c'est le début de la purge. Mais B. Méheut n'est pas encore au commandes, c'est Xavier Couture qui s'y colle, patron pour quelques semaines encore. Ce plan concernera avant tout la production audiovisuelle.

Tout commence sérieusement en 2003 ! Nous étions loin d'imaginer ce qui allait arriver pour des milliers de salariés ! 2003, c’est l’année des pleins pouvoirs pour Bertrand Méheut. Il trouve une situation économique catastrophique, un groupe en quasi-faillite, des comptes qui ne cessaient de se dégrader, des abonnés qui fuyaient. Pour redresser tout cela, BM va adopter un plan drastique et violent.

  • 2003 : 5 milliards d'euros de dettes !

À l’époque, le groupe Canal+ croulait sous 5 milliards de dettes. Trois actions vont être menées pour le redresser.

Une recapitalisation de 3 milliards d’euros de notre actionnaire Vivendi, que nous continuons de rembourser. C’est ce qui explique en partie la remontée du bénéfice vers Vivendi chaque année.

La vente : le bradage de nombreuses filiales étrangères, l’Italie d’abord, à notre ennemi de l’époque R. Murdoch avec lequel nous étions en procès aux États-Unis. Telepiu fut vendue pour une bouchée de pain alors que des centaines de salariés de Canal+ avaient réussi à la redresser en travaillant d’arrache-pied. Elle commençait à rapporter de l’argent quand le drame se produisit. Cela eut également pour effet d’éteindre le contentieux avec Murdoch aux États-Unis alors que nous étions en passe de le gagner ! Nous pensons toujours que ce fut une erreur.

Un plan social dur et des coupes dans les coûts fixes de stuctures, des économies tous azimuts que nous continuons de pratiquer.

  • C'est à cette époque que nous passons du jus d'orange bien frais à la fontaine distribuant de l'eau... chaude !


Pour l'étranger, toutes les filiales étrangères vont y passer sauf la Pologne !
Et pour cause, personne n'en voulait à l'époque. C’est pourquoi cette société est restée dans le groupe. Et tant mieux, car, aujourd’hui, la Pologne participe pour une part très importante au résultat financier du groupe... Comme quoi… Le bénéfice de Canal+ serait bien moindre si nous n’avions pas cette société dans notre giron !

Du gâchis également avec le dépeçage de Canal+ Technologie. Cette filiale employait 600 ingénieurs de très haut niveau. C’était la 2ème entreprise mondiale de conception et de production de systèmes de contrôle d'accès et de systèmes interactifs pour la télé, des systèmes que nous vendions dans le monde entier. Elle fut bradée à Thomson qui se dépêchera de la revendre quelques mois plus tard. Ce fut un déchirement, un gâchis technologique, économique et social.

Le groupe passe de 5 000 salariés environ à 2 500 !

Trois cent soixante-quinze salariés virés, des milliers externalisés. Sans compter les centaines, de salariés qui travaillaient pour CANAL+ dans des filiales, en France et à l’étranger.

Fallait-il en passer par là ? Peut être, mais pas totalement. La violence du choc social, la déstructuration sociale du groupe, nous les payons encore aujourd’hui.

  • Et les externalisations

Avec des externalisations de services entiers, direction informatique, distribution, production audiovisuelle, services supports, nous avons irrémédiablement perdu des compétences et des savoir-faire. Mais plus que cela encore. Ces activités sont depuis assurées par des prestataires, dont certains vont se sucrer au passage. Le coût d'un prestataire est de 3 à 5 fois le coût d'un salarié en CDI. Des centaines, des milliers de prestataires ont travaillé ou travaillent pour Canal+...

Puis viendront les plans sociaux après la fusion avec TPS, plus de 300 salariés concernés ou le plan social de 2007 à i>Télé qui perdra 15 % de ses effectifs.

Le systématisme : l'éthique serait de reconnaitre que le modèle économique ne peut être seul porteur de valeur pour l'entreprise. Il faut y associer un modèle de développement social, et là le bât blesse depuis 5 ans. C’est le point d’achoppement, celui qui détruit et qui casse, qui affaiblit de très nombreux salariés.

Beaucoup partent avec la bénédiction de la DRH, sans être remplacés. D’autres sont virés. D’autres sont en mobilité, plus ou moins forcée depuis des mois.

Mais force est de constater que cette politique atteint ses limites. Le cas le plus extrême étant i>Télé où depuis des mois, la situation n’a cessé de se dégrader ; où nos interventions nous ont conduits à interpeller l’Inspection du Travail pour faire respecter à minima le Code du Travail, (la procédure est toujours en cours) et pour que le management s’assouplisse et cesse de s’en prendre aux journalistes ! Malheureusement, si nous avons gagné parfois quelques répits, c’est toujours sans lendemain. La situation reste très tendue, les journalistes abasourdis et fatigués. Ce modèle social-là, nous n’en voulons pas, il est destructeur de valeurs humaines et économiques !

Dans le groupe depuis 5 ans, ce ne sont que mobilités fortement conseillées vers l'extérieur. Ce ne sont que discours sur des plans d'économies qui se succèdent à marche forcée, ce ne sont que désorganisations et pressions avec leur corolaire de dégâts humains : montée du stress, déstabilisation des équipes et du management, perte de sens etc.

Un autre modèle social est possible et souhaitable pour les 4 000 salariés du groupe !
Il faut que cesse cette politique de la terre brûlée. Nous ne cessons de le dire depuis 5 ans. Canal+ ne saura affronter les enjeux de ces prochaines années qu'avec ses salariés, pas contre eux !

Arrêtons les pressions au départ des seniors, redonnons le pourvoir managérial aux managers en le retirant à la DRH, assouplissons les règles d'économies drastiques, revoyons l'organisation, embauchons là où les besoins sont les plus criants, respectons les salariés, arrêtons d'exercer des pressions sur les cadres en leur demandant de travailler sans relâche du matin au soir, le WE, au bureau, chez lui !

Tous les salariés sont concernés, qu’ils soient journalistes à i>Télé, les plus maltraités, qu'ils soient techniciens à lumière ou au CDN, à la distribution qui a tant souffert ces dernières années, partout c’est le même langage !

Nous voulons un environnement social plus détendu, soucieux du salarié, du collaborateur !
Construisons l'avenir de Canal+ avec les salariés.

  • Nous sommes persuadés que nous perdons à cause de cela des parts de marché. Pire, nous risquons la catastrophe humaine, nous surfons en permanence sur le risque social.


Oui, bravo Monsieur le président pour votre réussite économique. Mais prouvez-nous maintenant que le social n’est pas l’ennemi de l’économique, que vous allez y porter une plus grande attention, que les hommes et les femmes de cette belle entreprise que nous aimons vont retrouver le sourire et la niaque ! Pour que vive et se développe un nouveau modèle social qui fera référence et que vous serez fier, comme vos résultats financiers, de le présenter !

Merci pour toutes celles et ceux qui se démènent et qui souffrent, souvent en silence !

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