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18 / 02 / 2015 | 6 vues
Social Nec Mergitur / Membre
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Loi Macron : les députés glissent subrepticement un amendement pour ouvrir, comme les commerces, les bibliothèques le dimanche

C’est que l’on appelle un petit coup en douce. Dans le cadre de la loi Macron qui généralise désormais un peu plus le travail le dimanche (certaines zones seront même autorisées à ouvrir sept jours sur sept jusqu’à minuit), les députés ont aussi adopté un sous-amendement  (c’est comme un amendement mais en plus furtif) dans le cadre du travail le dimanche, pour proposer l'ouverture des bibliothèques le dimanche, en même temps que les commerces.

Ce sous-amendement (n° 3289), déposé par rien moins que l’ancienne ministre de la Culture, Aurélie Filippetti, propose en effet « qu'un conseil municipal qui discute de l'ouverture dominicale des commerces soit obligé de débattre également de l’ouverture des bibliothèques le dimanche ». Comme ça, il n'y aura plus personne autour du gigot dominical. Pourtant, beaucoup avancent déjà que les mesures Macron sur le travail du dimanche seront « inefficaces sur le plan économique, dangereuses pour les salariés et néfastes  pour la vie sociale ». Enfin, si l’on en croit la position officielle du Parti Socialiste. Authentique (lire ici). 

Une position partagée par Jean-Marc Ayrault « C’est une erreur politique. Le gouvernement décrète que les Français veulent cette réforme. Ils attendraient l’ouverture dominicale. C’est faux. Parfois favorables en tant que consommateurs, ils sont bien plus réservés en tant que salariés… Manifestement, l’apport du travail dominical est contesté par ceux qui le subissent. Les pauvres devront travailler toujours plus pour vivre, tandis que les autres pourront choisir de jouir de leur temps libre. Mettre en avant la liberté et le volontariat du personnel traduit une réelle méconnaissance de l’inégalité de la relation employeur/salarié, accrue en cette période de crise et de hausse du chômage. Il faut le rappeler : le contrat de travail est un contrat de subordination », écrivait alors le futur Premier Ministre (lire ici).

Quant à l’ouverture des bibliothèques le septième jour prônée par Aurélie Filippetti et consorts, elle attire déjà les railleries. Ainsi Jean-Frédéric Poisson (député UMP) n'a pas été tendre avec la députée de la  Moselle. Dans des propos repris sur le site ActuaLitté, il  considère qu'il s'agirait avant tout de « sauver certaines apparences ». Un peu comme si la gauche avait du mal à assumer ce recul social ? Selon le député, rien à ce jour n'empêche un conseil municipal de mettre ces questions sur la table, sans qu'il soit besoin de loi. Pas faux. Et d’ajouter, non sans sarcasmes : « Ce n'est pas avec un amendement comme celui-là que nous allons corriger le tir, même si je peux comprendre qu'après être allé au supermarché le dimanche, il serait bon d'aller lire quelques bandes dessinées à la bibliothèque municipale ».

La schizophrénie des élus en général et celle de la gauche en particulier a de quoi interpeller car ceux qui prônent l’ouverture des bibliothèques le dimanche sont aussi ceux qui les ferment ou réduisent leurs horaires le reste du temps. Ainsi, la même Aurélie Filippetti a voté le 18 décembre dernier en tant que conseillère municipale de la ville de Metz un budget qui divise par 2 les crédits d'acquisitions des six bibliothèques de la ville, budgets qui avaient déjà été réduits d'un tiers l'année précédente (lire ici) ! Qui dit mieux ?

Les élus parisiens, bien sûr ! Car eux aussi raffolent de l'idée de l’ouverture du dimanche, histoire de ne pas paraître miteux face aux grandes capitales de la planète converties depuis longtemps aux bienfaits du libéralisme du septième jour. C’était dans le programme des deux candidates PS et UMP, Anne Hidalgo et Nathalie Kosiusko-Morizet, mais c’est vrai, dans les campagnes électorales, on dit souvent n’importe quoi.

Seulement les bibliothèques parisiennes, pour cause de restrictions budgétaires, réduisent, elles aussi, leurs horaires tout au long de l’année et sur toute la semaine. Une tendance très lourde. La situation est telle que pendant les vacances scolaires (et d’été), la situation s’aggrave encore un peu plus et certains établissements réduisent leurs ouvertures encore et encore. Mieux, certaines bibliothèques n’ouvrent plus que l’après midi y compris le mercredi et le samedi, pourtant jours d’affluence. Du jamais vu à Paris ! Les élus des métropoles veulent l’ouverture des bibliothèques le dimanche mais à ce rythme, elles ne seront bientôt plus ouvertes que ce jour-là. Emprunter des livres le dimanche resterait toutefois hors de portée des salariés du commerce et de la grande distribution. Comment ça la culture pour tous ?

Autre écueil pour les parangons de l’ouverture à tout va : la compensation du travail dominical. Lors de la discussion à l'Assemblée, le député Francis Vercamer (UDI) pose la question qui fâche : ouvrir les établissements le dimanche, « cela signifie-t-il que les agents des bibliothèques verront leur rémunération doublée ? ». C'est taquin. D’autant que les collectivités locales voient baisser les dotations allouées par l’État pour que ce dernier puisse rentrer dans les clous des exigences de la Commission européenne.

Même esprit rebelle chez le député parisien Pascal Cherki, qui a alors eu une idée de génie en plein Palais Bourbon. Ce socialiste tendance « frondeur » a ainsi balancé un scud au gouvernement avec cet argument imparable : « puisque vous êtes favorables à l’ouverture des bibliothèques le dimanche  et que les agents ne travailleront pas gratuitement : il faudra leur offrir des compensations ».

« Ce financement pourrait alors passer par une taxe sur les magasins de luxe, ces grandes enseignes qui vont désormais pouvoir ouvrir le dimanche », a alors proposé Pascal Cherki. Brillant. Et le député du XIVème d’enfoncer le clou : « À moins que vous ne rendiez de l’argent aux collectivités locales mais je rappelle que vous allez leur prendre 11 milliards d’euros sur trois ans ! Lorsque le gouvernement soutient une démarche politique, il doit réfléchir à la cohérence entre les principes et les moyens que nécessite leur mise en œuvre » (lire ici).

La déclaration de Pascal Cherki, pleine de bon sens, reflète assez l’opinion de nombreux usagers et bibliothécaires de France et de Navarre. Car la question des horaires d’ouverture des équipements publics rendent fous aussi bien les élus communaux que le plus haut sommet de l’État. Pour les bibliothèques, il n’existe finalement qu’un seul pacte de responsabilité, un vrai celui-ci et il est là.

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