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05 / 12 / 2016 | 1 vue
Xavier Berjot / Membre
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Licenciement pour inaptitude : l’obligation de reclassement s’assouplit

Dans deux arrêts du 23 novembre 2016 (n° 15-18.092 et n° 14-26.398), la Cour de cassation considère que l’employeur peut prendre en compte la position exprimée par le salarié, dans le cadre de sa recherche de reclassement. Il s’agit d’un important revirement de jurisprudence.

La jurisprudence antérieure

Selon la jurisprudence « classique », l’employeur ne devait pas tenir compte, pour le périmètre des recherches de reclassement d’un salarié déclaré inapte à son poste par le médecin du travail, de la position exprimée par l’intéressé.

Ainsi, le refus par le salarié d’un poste de reclassement ne dispensait pas l’employeur de poursuivre ses recherches et ne lui permettait pas de les limiter à un secteur géographique ou fonctionnel.

En d’autres termes, l’employeur ne pouvait pas se fonder sur les souhaits exprimés par le salarié, notamment au moyen d’un questionnaire à remplir, pour orienter ses recherches de reclassement.

À titre d’exemple, caractérisait un licenciement sans cause réelle et sérieuse le fait, pour l’employeur, de se dispenser de proposer au salarié des postes de reclassement au sein du groupe, notamment à l'étranger, pour le motif que l'intéressé avait exprimé sa volonté d'être reclassé dans un emploi proche de son domicile (Cass. soc., 6 mai 2015, n° 13-27.349).

La solution posait problème, en particulier dans les groupes importants comptant parfois plusieurs dizaines de milliers de salariés, voire plus.

En effet, il était matériellement impossible, à l’employeur, de prouver qu’il avait proposé tous les postes disponibles au salarié inapte.

Logiquement, une pratique était apparue, consistant à recueillir les vœux du salarié en termes de salaire, fonctions, lieu de travail, durée de travail…

Ainsi, l’employeur limitait (légitimement) ses recherches de reclassement en fonction des souhaits du salarié.

Si cette position était parfois « validée » par les juges du fond, elle était systématiquement censurée par la Cour de cassation, dès lors que d’autres possibilités de reclassement existaient mais n’avaient pas été proposées au salarié (Cass. soc., 16 septembre 2009, n° 08-42.301 ; Cass. soc., 2 juillet 2014, n° 12-29.552).

La charge de l’impossibilité de reclassement incombant à l’employeur, celui-ci ne pouvait faire valoir aucun argument à l’appui de sa position.

La jurisprudence de la Cour de cassation engendrait donc un risque juridique et financier important pour l’employeur, même si celui-ci avait procédé à une recherche de reclassement loyale et sérieuse.

Le revirement de jurisprudence

Dans les arrêts du 23 novembre 2016, la Cour de cassation ne revient pas sur l’obligation faite à l’employeur de justifier son impossibilité de reclassement, au besoin par des mesures telles que mutations, transformations de poste ou aménagements de temps de travail, tant au niveau de l’entreprise qu’au niveau des entreprises du groupe dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation permettent d’y effectuer la permutation de tout ou partie du personnel.

En revanche, les hauts magistrats affirment que l'employeur peut tenir compte de la position adoptée par le salarié déclaré inapte et que l'appréciation du caractère sérieux de la recherche de reclassement relève du pouvoir souverain des juges du fond.

Dans les deux arrêts, l’attendu de principe est identique :

  • Mais attendu qu'il appartient à l'employeur, qui peut tenir compte de la position prise par le salarié déclaré inapte, de justifier qu'il n'a pu, au besoin par la mise en œuvre de mesures telles que mutations, transformations de poste de travail ou aménagement du temps de travail, le reclasser dans un emploi approprié à ses capacités au terme d'une recherche sérieuse, effectuée au sein de l'entreprise et des entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent entre elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie du personnel ; que l'appréciation du caractère sérieux de la recherche de reclassement relève du pouvoir souverain des juges du fond.

L’un des arrêts (n° 15-18.092) concernait une salariée reprochant à l’employeur de ne pas avoir étendu ses recherches aux sociétés européennes du groupe au sein desquelles la société Lidl avait proposé des postes à d'autres salariés, dans la mesure où l'intéressée n'avait pas répondu aux propositions de poste présentées en France.

Pour la Cour de cassation, la Cour d'appel a souverainement retenu que l'employeur avait procédé à une recherche sérieuse de reclassement, ayant constaté que la salariée n'avait pas accepté des postes à Strasbourg et fait ressortir qu'elle n'avait pas eu la volonté d'être reclassée au niveau du groupe.

Dans l’autre arrêt (n° 14-26.398), le salarié soutenait que son refus d'être reclassé dans un poste loin de son domicile ne dispensait pas l’employeur de procéder à une recherche de reclassement sur des postes plus éloignés. 

Ici encore, la Cour de cassation retient que la Cour d’appel, ayant constaté que le salarié avait refusé des postes proposés en France en raison de leur éloignement de son domicile et n'avait pas eu la volonté d'être reclassé à l'étranger, a souverainement retenu que l'employeur avait procédé à une recherche sérieuse de reclassement.

En conclusion, soulignons la large publicité que la Cour de cassation a donné aux arrêts susvisés (mention «  P.B.R.I »), qui confirme son revirement de jurisprudence.

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