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17 / 10 / 2017 | 22 vues
Jean-Vincent Koster / Membre
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Inscrit(e) le 17 / 10 / 2017

Les ordonnances permettent à l’employeur de contourner les documents obligatoires du CHSCT

La fusion des IRP a déjà fait couler beaucoup d’encre et son objectif central (éliminer le CHSCT) a été souligné à de multiples reprises. L’analyse minutieuse de l’ordonnance n° 2 confirme effectivement l’ampleur des dispositions destinées à faire obstacle à l’intervention des représentants du personnel dans le domaine de la santé au travail : elles sont tellement nombreuses qu’un inventaire exhaustif reste à faire.

Dans ce cadre, le sort réservé au rapport annuel et au programme annuel de prévention des risques ne doit pas être oublié : dorénavant, ces deux documents ne sont plus obligatoires et l’employeur n’est plus obligé de les soumettre annuellement à la consultation des élus.

Cette remise en cause n’est pas spontanément perceptible car l’article L.2312-27 du Code du travail prévoit que l'employeur présente, lors de la consultation sur la politique sociale, ces deux documents au comité social et économique (CSE), dénomination de la nouvelle instance fusionnée.... Sauf que l’article L.2312-27 est supplétif : il ne s’applique que si un accord d’entreprise ne contient pas de dispositions contraires. Les ordonnances précisent en effet qu’un accord d'entreprise peut définir le contenu et les modalités des consultations récurrentes du CSE, ainsi que « la liste des informations nécessaires à ces consultations ». L’accord peut aussi décider d’une périodicité allant jusqu’à trois ans.

Autoriser une périodicité triennale pour les deux documents précités est aberrant vu qu’ils sont indissociables d’une véritable politique de prévention, menée avec régularité et constance. Ce n’est pas un hasard si le qualificatif « annuel » est partie intégrante de leur intitulé : ils structurent l’intervention des représentants du personnel et sont étroitement connectés au « document unique d'évaluation des risques » (DUER) qui correspond plus que jamais à une obligation majeure de l’employeur. Quelques précisions sont utiles pour éclairer ces enjeux.

Le rapport annuel récapitule les éléments saillants des 12 mois écoulés et fournit toutes les précisions utiles sur les accidents : degré de gravité, circonstances, populations concernées etc. Il permet ainsi au CHSCT de :

  • disposer de repères objectifs pour définir son plan d’action ;
  • s’assurer a posteriori de la pertinence du DUER : les risques relatifs aux accidents survenus étaient-ils correctement répertoriés ? Étaient-ils classés « fréquents » ou à l’inverse « improbables » ?
  • le rapport annuel représente par ailleurs la mémoire vive des élus du personnel : grâce à lui, ils détiennent un historique et des séries longues sur les taux de fréquence et de gravité des accidents du travail.

Le programme annuel de prévention, lui, détaille les mesures que l’employeur compte mettre en œuvre au cours des 12 prochains mois. Ce document doit être cohérent avec l'évaluation du DUER et porter sur les risques identifiés comme les plus urgents à traiter. La consultation sur le programme de prévention est ainsi l’occasion d’un débat avec l’employeur sur les priorités à retenir pour combattre les accidents.

Ce débat est souvent riche.

  • Il est focalisé sur des actions concrètes qui révèlent fréquemment des divergences d’analyse sur les situations réelles de travail. Il n’est pas rare qu’il mette également en relief les contraintes financières que les dirigeants font peser sur leurs choix de prévention.

À l’issue de ces précisions, on mesure que le rapport annuel et le programme annuel de prévention ne sont pas des documents comme les autres : ils sont en prise directe avec les impératifs de sécurité et de santé au travail.

Il serait inconcevable d’édicter une règle selon laquelle l’interdiction de mettre en danger la vie d’autrui ne s’appliquerait qu’une fois tous les trois ans. Il est tout aussi inconcevable de ne pas affirmer avec force le droit des représentants du personnel à disposer annuellement du rapport annuel et du programme annuel de prévention des risques. Il s’agit d’outils élémentaires dont ils ont besoin pour préserver leur capacité de jugement propre et jouer leur rôle de défense des salariés, face aux politiques productivistes des employeurs. L’utilité du CHSCT ou le cas échéant du CSE tient justement au fait que l’instance de représentation du personnel n’est pas « au service » de ces derniers : il est le maillon qui permet aux salariés de faire émerger des solutions de prévention négligées par les décideurs. Ces solutions sont généralement pertinentes, parce que proches du terrain et de la réalité des risques.

L’instance doit ainsi revendiquer sa proximité salariale et affirmer sans ambiguïté qu’elle n’est pas chargée de relayer les actions de prévention de la direction, voire de pallier leurs carences. Ce positionnement ne peut se concrétiser sans tensions, ni débats parfois vifs. Le CHSCT est un lieu d’échanges mais aussi un lieu de confrontations des points de vue. Ce sont visiblement ces confrontations que les ordonnances Macron souhaitent faire disparaître.

 

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