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10 / 11 / 2017 | 92 vues
Françoise Gauchet / Membre
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Inscrit(e) le 07 / 05 / 2008

Le syndrome aérotoxique serait-il lié à la politique outrancière de rentabilité menée par l’aviation civile ?

C’est le combat du pot de terre contre le pot de fer. Soutenus par des scientifiques, des employés du transport aérien, dont le syndicat FO du personnel navigant commercial (SNPNC FO), militent sur le plan international pour que les compagnies et les constructeurs admettent la réalité du risque de toxicité de l’air des cabines des avions, prélevé par les moteurs, et des maladies qui en découlent.

L’air que l’on respire dans un avion à réaction est-il dangereux pour la santé ? Il peut l’être dans certaines circonstances. C’est ce que soutiennent des pilotes et navigants commerciaux (PNC) à travers le monde.

À travers des associations internationales comptant des scientifiques, ces professionnels s’efforcent depuis près de vingt ans d’obtenir des puissantes compagnies aériennes (4 milliards de passagers par an dans le monde) et des avionneurs (tout aussi puissants) qu’ils admettent l’existence d’un problème de contamination potentielle de l’air en cabines.

Ces navigants demandent qu’un lien soit reconnu entre les pathologies développées par des salariés de compagnies (ou des passagers) et le caractère parfois toxique de l’air en avion. Ils veulent une reconnaissance de ce que l’on nomme le syndrome aérotoxique depuis 1999. « Celui-ci est connu depuis 1939, signalé par le service médical de l’armée américaine », indique un commandant de bord, atteint du syndrome et en arrêt maladie depuis un an et demi.

Ce syndrome se traduit par divers symptômes (vision floue, insuffisance respiratoire, vertiges, vomissements…) de courte durée ou chroniques, bénins ou graves et pouvant entraîner des maladies invalidantes, voire fatales.

S’il existe des travaux médicaux prouvant que les maux dont souffrent certains navigants ne sont pas des élucubrations, si un constructeur comme Airbus juge nécessaire de préconiser un protocole de décontamination de ses avions en cas d’événement toxique, si une compagnie comme EasyJet vient de se saisir du problème d’aérotoxicité en promettant l’installation de filtres (pour l’instant à l’état de prototype), si des rapports de l’OMS ou encore de l’Organisation de l’aviation civile internationale s’inquiètent de l’aérotoxicité, si des parlementaires (en Australie, Allemagne, Royaume-Uni etc.) ont eux aussi soulevé le problème.

Les navigants, eux, attendent toujours que ce syndrome soit reconnu en tant que maladie professionnelle.

Leur combat est d’autant plus difficile que la manifestation de l’aérotoxicité est subtile. Le phénomène se traduit par des émanations (« fume event ») qui, au-delà d’une odeur nauséabonde, ne montrent aucune visibilité. D’autant moins en l’absence de détecteurs. Il peut également se manifester par de la fumée (« smoke event »).

Le phénomène peut aussi être totalement indétectable mais néanmoins présent via des particules toxiques imprégnant parois, sièges et autres mobiliers en cabine. Cette toxicité, qui peut nécessiter le déroutement en urgence de l’avion, trouverait sa cause dans la manière de produire l’air pressurisé.

Les avions à réaction (hormis le Boeing 787, doté d’un système électrique donc propre) utilisent, pour des raisons de coûts et pour alléger leur poids, l’air entrant dans les réacteurs pour produire celui des cabines. Cet air prélevé, réchauffé et compressé, suit tout un circuit avant d’être diffusé dans l’avion.

Il rencontre un filtre à air biologique « qui n’arrête donc pas les produits chimiques », indique Stéphane Pasqualini, chef de cabine chez Air France, membre du CHSCT et spécialiste de l’aérotoxicité pour le syndicat FO du PNC (SNPNC FO). « Le problème de la contamination de l’air prend sa source au niveau des moteurs », utilisant bien sûr de l’huile, laquelle contient moult composés toxiques (dont des neurotoxiques) qui, chauffés à haute température, le sont davantage encore. Lorsque les joints intérieurs des moteurs sont usés voire défectueux, l’huile peut les franchir et s’infiltrer dans l’air compressé, indique Stéphane Pasqualini.

Les événements toxiques en cabine sont fréquents, assure-t-il. Propos relayés par un pilote fustigeant l’attitude de déni des compagnies.

 

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Le GCAQE (Global cabin air quality executive) « est une association internationale de lanceurs d’alerte composée de syndicats de navigants ou encore de scientifiques. Elle répertorie les événements aérotoxiques, développe l’information et la recherche », indique Stéphane Pasqualini. Le SNPNC FO, membre à part entière, y participe, de même qu’à l’Association des victimes du syndrome aérotoxique (AVSA), basée en France, laquelle archive aussi les incidents d’aérotoxicité et apporte des conseils, y compris juridiques, aux personnes impactées. Sur le plan européen, FO, qui est membre de l’association des personnels de cabine EurECCA, participe aussi à un groupe (Cen TC 436) qui « identifie les particules toxiques […]. Une vingtaine initialement, soixante-dix répertoriées à ce jour ». C’est grâce à de telles associations que des universitaires viennent de créer des tests capillaires et sanguins, ainsi que des lingettes capables de déceler les particules toxiques en cause