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09 / 05 / 2014 | 38 vues
Nadia Rakib / Membre
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Le courriel « rappel » n'est pas une sanction disciplinaire

Pour commencer, il convient de rappeler que tout employeur peut juger que le comportement du salarié ne correspond pas à l’exécution normale du contrat et constitue une faute. En l’occurrence, peuvent notamment être considérés comme fautifs :

- le non-respect des règles de discipline fixées par le règlement intérieur ou par note de service,

- le refus de se conformer à un ordre de l’employeur,

- le non-respect de l’obligation de discrétion et de loyauté,

- les critiques, les injures, les menaces, les violences,

- et enfin, les erreurs ou les négligences commises dans le travail.

Dans une récente affaire, une salariée avait été engagée par une société en qualité d'attachée commerciale et a été licenciée pour faute grave environ deux années plus tard, suite à des erreurs et négligences commises dans son travail.

L'employeur faisait grief à l'arrêt de la Cour d’appel de Lyon de dire que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse et de le condamner à payer à la salariée diverses sommes au titre de la rupture.

Quid juris : Un avertissement disciplinaire adressé au salarié par courriel constitue t-il un simple rappel à l'ordre de se conformer aux règles internes à l'entreprise sans volonté de sanctionner ?

À la lecture de l’article L. 1331-1 du Code du travail, on sait que « constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération ».

En l'espèce, le courriel adressé à la salariée avait comme objet « notre entrevue de ce matin : rappel des règles en matière de paiement par carte bleue ». Les juges du fond avaient relevé que le texte même de ce courriel faisait état du rappel des règles relatives à la sécurité en matière de paiement par carte bleue et rappelait à la salariée la nécessité de se conformer auxdites règles.

A priori, ce courriel ne sous-entendait donc pas de la part de la société une quelconque volonté de notifier une sanction à sa collaboratrice. Cependant, la Cour d’appel de Lyon avait qualifié d'avertissement disciplinaire ce courriel et en avait déduit que la règle « non bis in idem » (on ne peut sanctionner deux fois un même fait fautif) faisait obstacle au prononcé du licenciement pour les mêmes faits fautifs par l’employeur ultérieurement. La chambre sociale de la Cour de cassation n’a pas suivi ce raisonnement et a précisé que le courriel litigieux ne constituait qu'un simple rappel des règles applicables en vigueur dans l'entreprise, comme indiqué dans son objet, de sorte que la qualification d'avertissement disciplinaire était exclue. 

Toutefois, la haute juridiction a souligné que, dans ce courriel, l'employeur reprochait aussi à la salariée de précédents manquements aux règles et procédures internes à la société. Celui-ci exhortait la salariée à se conformer impérativement à ces règles et ne pas poursuivre ce genre de pratique.

« Aïe, aïe, aïe », mauvaise idée de l’employeur que de vouloir n’écrire qu’un seul courriel avec différents reproches quant à l’exécution de son contrat de travail par la salariée. En effet, combiner un rappel des règles tout en reprochant d’anciens manquements empêchait l’employeur de s’en prévaloir pour justifier un licenciement pour faute grave de la salariée. Dès lors, la Cour d'appel de Lyon avait eu raison de qualifier ce courriel d’avertissement sous prétexte qu’il sanctionnait un comportement fautif et qu’en l’espèce, les mêmes faits ne pouvaient plus justifier le licenciement pour faute grave de la salariée. Par conséquent, le pourvoi de l’employeur a été rejeté et la société condamnée aux dépens.

La morale de cette jurisprudence est qu’avant d’appliquer la sanction, l’employeur est tenu de respecter une procédure destinée à informer le salarié concerné et à lui permettre d’assurer sa défense. Cela signifie que si l’employeur n’a l’intention que de formuler une observation par courriel, il semble alors opportun d’intituler l’objet du courriel comme suit : « observations quant à votre travail ». À l’inverse, si l’employeur compte exercer son pouvoir disciplinaire en sanctionnant son collaborateur pour des faits fautifs, alors l’objet du courriel pourrait tout simplement s’intituler : « avertissement quant à votre travail ».

De la sorte, le salarié se voit informé en temps utiles de la nature de la réplique de son employeur quant à l’accomplissement de ses tâches et des éventuelles répercussions sur son contrat de travail. Bien évidemment, le contenu du courriel doit correspondre à son objet. C’est pourquoi, les services de ressources humaines doivent redoubler de vigilance dans leur rédaction électronique…

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