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12 / 09 / 2017 | 22 vues
Denis Garnier / Membre
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La disparition du CHSCT n'est pas fonctionnelle, elle est dogmatique...

Mes positions sur la suppression du CHSCT ont été exprimées dans cet article. Elles ont été critiquées par un lecteur. Nous avons échangé. Je le remercie d’accepter la publication de cet échange, même s’il est sous le couvert de l’anonymat.

Pour que le lecteur de cette réponse ouverte puisse comprendre le fil de nos mots, je reproduis ci-dessous ses interrogations et mes réponses.

Franchement, je n'arrive pas à comprendre cette forte opposition à l'instance unique que je perçois chez vous et chez beaucoup de syndicalistes. Vous êtes les premiers à dénoncer par ailleurs (comme moi) le tronçonnage du dialogue social découpé en fines tranches. J’aimerais beaucoup avoir votre avis…
D'abord, il faut comprendre que dans les entreprises ou le dialogue social existe, où la santé et la sécurité au travail sont quotidiennement à l'ordre du jour, où la transparence des informations est la règle, le problème de l'instance unique ou non ne se pose pas.

Il n'existe aucun texte pour les « entreprises libérées » et elles sont pourtant parvenues à modifier les règles du dialogue social (avec plus ou moins de succès).

Si je puis me permettre, je pense que vous associez des observations qui ne me semblent pas contradictoires si elles sont replacées dans le bon contexte.

Je ne me souviens pas être opposé par principe au tronçonnage du dialogue social. Il y a, sur les questions du travail, des multitudes de sujets qui méritent d'être traitées séparément. D'ailleurs les ANI (stress, risques psycho-sociaux, qualité de vie au travail...)  et les accords de la fonction publique (SST 2009-RPS 2013) en sont des exemples vivants. Au niveau de l'entreprise, il en est de même avec le CE pour les sujets économiques et sociaux d'un côté et le CHSCT pour les conditions de travail et la santé sécurité au travail de l'autre.

Lorsque la conception d'un projet, d'une réorganisation du travail ou d'un changement touchant aux conditions du et de travail fera l'objet d'une étude ergonomique et médicale (santé et sécurité au travail) sur les risques qui en découlent pour la santé des travailleurs et sur des mesures de prévention susceptibles d'annuler ou de contourner ces risques, alors oui, la coexistence de deux instances sur le même sujet peut se poser. Mais vous avouerez que nous sommes bien loin de ce bon sens.

Si nous nous plaçons dans une hypothèse où, comme l’a affirmé la ministre, les prérogatives des élus ne seront pas diminuées, le conseil social et économique (instance unique) reprend les attributions des instances séparées (avec la possibilité d’ester en justice)…
Il faudra attendre les décrets pour en discuter avec objectivité. Mais vous aurez déjà noté que le « comité » est transformé en « commission ». Comme le disait Georges Clémenceau, « lorsque je veux enterrer un problème, je créais une commission ».

Par ailleurs, il est question pour la nouvelle instance d'assumer 20 % du coût des expertises. Là encore, plutôt que de réformer l'instruction de l'expertise et sa finalité, le gouvernement en fait une histoire de coût. Là encore, on passe à côté.

Le CHSCT doit être réformé, c'est certain. Mais son rôle doit être redéfini dans le cadre d’une politique de santé publique dans laquelle s’inscrit la santé au travail, ce que la réforme du gouvernement ignore.

En fait, le CHSCT est vécu par les nombreux employeurs qui ont élu Pierre Gattaz à leur tête comme une contrainte et leur seul objectif est de supprimer toute contrainte sur l’entreprise. Ceci s’explique par la volonté du libéralisme économique de l'école de Milton Friedmann, selon laquelle il faudrait aussi supprimer les syndicats car ils gênent le bénéfice de l'entreprise.

Donc cette réforme n'est pas fonctionnelle, elle est dogmatique.

Ne pensez-vous pas que cela puisse être un progrès de pouvoir enfin traiter du travail dans sa plénitude par une approche systémique qui permet de traiter à la fois ses aspects économiques et sociaux ?
Oui, le travail ne sera restauré que par une approche systémique de toutes ses composantes et donc par une nouvelle approche du dialogue social.

C'est pourquoi je suis un militant de la réforme du management transparent, attentif et soucieux des bonnes conditions de et du travail. Je suis partisan pour que soit introduit dans toutes les écoles de management, les principes de la prévention. Pas seulement ceux qui sont écrits dans le code du travail mais ceux qui doivent accompagner toutes leurs décisions. Il faut décrire les conséquences économiques, sociales, physiques et psychiques de leurs décisions et les mesures qui seront proposées pour y remédier.

Le bon travail doit devenir une histoire de confiance et de contrôles réciproques. Il mérite cette approche systémique qui permettra de mesurer toutes les incidences sur les conditions du et de travail avant chaque décision, aussi minime soit-elle. Ceci nécessite peut-être de mettre en œuvre ce qu'Yves Clot appelle des « référents du travail » qu'il a analysé dans les usines Renault pour qu'une « coopération conflictuelle » alimente le débat sur les éléments qui empêchent de bien faire.

Cette approche systémique du travail aurait permis d'organiser une réforme qui ne perd pas l'objectif essentiel qui aurait dû être le travail de qualité et non le mieux-être des employeurs. Ce ne sont pas les contours des instances qui règleront cela. Mais, vous en conviendrez avec moi, la réforme présentée est bien loin de cet objectif.

J’espère ainsi avoir ébranlé vos convictions.
Je connais la richesse de mes doutes et la faiblesse de mes certitudes. Mes convictions sont le résultat de cette alchimie.

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