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27 / 10 / 2016 | 14 vues
Hélène Fauvel / Abonné
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La coproduction à l’heure du numérique : risques et opportunités pour le consommateur et l’emploi

Tel était le thême à l'ordre du jour de la dernière réunion plénière du Conseil économique, sociale et environnemental.

Éléments de contexte

Au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, le modèle de consommation de masse a consacré la séparation des rôles entre producteurs et consommateurs.

Cette distinction devient aujourd’hui plus floue avec le développement de la coproduction, à savoir la participation des consommateurs à la production des biens et services qu’ils consomment. Encaissement automatique en supermarché, gestion bancaire en ligne, participation à des boîtes à idées ou des tests utilisateurs, les consommateurs sont de plus en plus sollicités et impliqués dans leur consommation.

La transition numérique renforce cette tendance : beaucoup d’entreprises du numérique fondent leur modèle d’affaires sur la valorisation des données que leur fournissent, consciemment ou non, les consommateurs.

Le développement de la coproduction soulève nombre d’enjeux en termes de protection de la vie privée, d’emploi, de fiscalité ou encore d’environnement.

Des réflexions et des propositions très largement partagées

En effet, l’avis du CESE a été adopté à l'unanimité moins deux abstentions...

Rapporté par Martine Derobert-Masure (groupe CGT-FO), au nom de la section de des activités économiques, présidée par Delphine Lalu, l'avis présente les enjeux actuels de la coproduction et formule des préconisations concrètes par lesquelles les acteurs publiques pourront garantir que la coproduction ne se développe pas au détriment des consommateurs, ni de la cohésion sociale, économique et territoriale de notre pays.

Reconnaître, encadrer et sécuriser la contribution du consommateur

D’invisible, la contribution des individus à leur propre consommation doit devenir un phénomène identifié et reconnu. C’est pourquoi le CESE recommande de mener une étude pour mesurer la contribution des consommateurs à la production de biens et services.

Il souligne l’importance d’assurer une meilleure répartition de la valeur issue de la coproduction et de restaurer l’équité fiscale entre les acteurs français et étrangers, dans une économie numérique sans frontières. Si les discussions sur ce sujet au niveau de l’Union européenne et de l’OCDE n’avançaient pas, le CESE estime qu’il conviendra de lancer une étude d’impact sur les pistes en débat pour mieux prendre en compte la valeur des données dans notre fiscalité.

Afin d’adapter nos régulations aux nouvelles pratiques de consommation, il insiste sur la création d’un véritable statut juridique européen de la plateforme numérique. Le Conseil préconise également l’ouverture d’un espace de signalement en ligne des pratiques contraires au principe de loyauté, qui servirait d’interlocuteur direct aux consommateurs souhaitant faire valoir leurs droits.

La dépendance croissante des individus aux outils numériques pose la question du contrôle qu’ils exercent sur leurs données. Il souhaite aussi consacrer le principe de l’autodétermination informationnelle qui permettrait à chacun de décider de la communication et de l’utilisation de ses données à caractère personnel.

Encourager une coproduction favorable à la croissance et l'emploi

Les pouvoirs publics doivent accompagner les acteurs dans la transition numérique et s’assurer qu’elle se déroule dans les meilleures conditions. Sur le plan normatif, le CESE recommande une harmonisation des règles fiscales, sociales et professionnelles applicables aux échanges « hors-ligne » et en ligne pour éviter toute forme de distorsion de concurrence.

En matière d’emploi, le Conseil considère nécessaire de mobiliser les branches professionnelles  afin d’anticiper et d’accompagner les transformations induites par le numérique. Il préconise de réaliser des études prospectives sur l'évolution des métiers et des qualifications, de définir en conséquence les actions de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) prioritaires et d’engager les programmes de formation indispensables.

Il suggère également  que les dispositifs publics d’aide et de soutien aux entreprises soient mis à profit pour accompagner leur développement économique et numérique dans un sens favorable à un emploi de qualité.

Privilégier une coproduction respectueuse de l'intérêt collectif

Si les usages numériques ont bénéficié d’une vitesse d’adoption sans précédent, on en oublie qu’une fraction persistante de la population demeure à l’écart de ce mouvement.

Dès lors, le Conseil rappelle la nécessité d’aller au-delà des initiatives existantes et d’élargir l’effort en faveur de l’acquisition des savoirs numériques de base à l’ensemble des publics touchés par la précarité numérique. Parallèlement à cet effort de formation, les services publics doivent être soumis à un principe d’accessibilité en garantissant aux usagers un accès physique de proximité.

Pour affiner notre connaissance du bilan environnemental des pratiques collaboratives, le CESE recommande de confier à l’ADEME et à l’AFNOR l’intégration des conséquences environnementales et sociales de la coproduction dans l’analyse de cycle de vie (ACV) et l’analyse sociale du cycle de vie (ACSV) et bilans des émissions de gaz à effet de serre (BEGES).

Enfin, le CESE recommande d’encourager les formes de coproduction conformes à l’intérêt collectif. Il préconise ainsi de favoriser le développement du « coopérativisme de plate-forme » en encourageant les formes d’organisation coopérative dans l’économie numérique et de poursuivre la réflexion sur le domaine commun informationnel.

Le dossier sera rapidement en ligne sur le site : www.lecese.fr.

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Ce sujet qui a donné lieu à de nombreux débats est très éclairant sur l’impact du numérique et sur nos modes de consommation. Il contribue à une prise de conscience collective sur le fait que nous sommes tous, en tant que consommateurs, des coproducteurs. L’avis met en perspectives les nombreuses questions, incertitudes – voire inquiétudes – que cela soulève. En effet, la confusion des rôles entre les consommateurs et les producteurs et la montée en puissance des outils numériques ont amplifié le phénomène de coproduction, et par là même, la contribution des consommateurs que l’avis propose de reconnaître mais aussi d’encadrer et de sécuriser. Pour FO cet avis amène à se poser les vraies questions sur les enjeux sociaux, économiques, fiscaux et environnementaux, de la transition numérique, sans oublier ses effets sur le consommateur et l’emploi dans un contexte de fort taux de chômage. De même, pour Force Ouvrière, afin d’éviter de nouvelles formes d’inégalités, il devient urgent de mettre en œuvre une véritable lutte contre la précarité et l’illettrisme numérique. Il est également indispensable de garantir une égalité de traitement de tous les citoyens en posant un principe d’accessibilité des services publics garantissant aux usagers un réel accès physique de proximité sur l’ensemble de notre territoire, et en particulier en milieu rural, ce que préconise l’avis. A l’heure où le numérique se diffuse dans toutes les sphères de la société, cet avis permet d’alerter les consommateurs et consommatrices sur les défis soulevés, il souligne que notre façon de consommer influe sur l’emploi et parfois est à l’origine de sa destruction. Le numérique se doit pourtant d’être une source de progrès au service de tous les citoyens et une vraie opportunité de développer l’emploi sur notre territoire. Pour cela il nous faut renforcer la protection des entreprises qui sont confrontées à une concurrence déloyale, certaines entreprises numériques ou start-up n’étant pas soumises aux mêmes règles, et contraintes. C’est pourquoi, pour Force Ouvrière une harmonisation des règles s’impose. Tout comme il est impératif de renforcer la protection des salarié(e)s en privilégiant les normes actuelles de contrat de travail, et face à cette nouvelle forme d’économie, en instaurant de nouveaux droits pour assurer la stabilité de notre système social. Les préconisations proposées par l’avis du CESE tendent vers ces objectifs et vont donc, selon Force Ouvrière, dans le bon sens, celle de la préservation de la cohésion sociale.