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07 / 03 / 2013 | 8 vues
Jean-Louis Lascoux / Membre
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La clause de médiation n'est pas la clause de conciliation

Lorsqu'un conflit survient au travail entre un salarié et l'employeur et que l'affaire prend la tournure d'aller au tribunal, la décision finale échappe aux parties qui vont devoir, bon gré mal gré, se soumettre à une décision qui pourrait bien les mécontenter toutes les deux.

La discussion est ouverte de savoir s'il est opportun d'imposer aux unes et aux autres de recourir à tous les moyens amiables de résolution des différends avant de saisir l'appareil judiciaire. La Chambre professionnelle de la médiation et de la négociation s'engage sur la voie de la proposition de la médiation préalable obligatoire pour les affaires civiles, prud'homales et commerciales.

La procédure de conciliation prévue aux Conseil des Prud'hommes semble offrir un contexte favorable à la résolution amiable des différends du travail mais elle a en réalité des limites. Avant la démarche de conciliation, voire après en cas d'échec, à tout moment de la procédure, il est possible de faire appel à un autre tiers : le médiateur. C'est une nouvelle proposition qu'il faut clarifier. La démarche de la conciliation prud’homale vise plus à régler le différend selon les demandes des parties que d'éventuellement restaurer la qualité relationnelle. La démarche de médiation ne s'en tient pas aux déclarations selon les enjeux, mais fait reprendre à partir de la motivation des positionnements et conséquemment fait souvent reconsidérer les enjeux.

Une clause n'en cache pas une autre : il faut clarifier 

Clairement, la médiation n'est pas la conciliation, contrairement à ce que peut laisser entendre le référencement de l'article de Didier Porte, sur la clause de conciliation qui a fait l'objet d'une décision de la Cour de Cassassion. C'est bien cette idée qu'il convient de retenir pour ne pas priver des personnes d'un moyen qui peut leur permettre pas de se séparer mais, au contraire, d'envisager de trouver une entente possible.

Une clause de conciliation n'est pas une clause de médiation. Ces deux concepts étaient confondus voici quelques années encore. On trouve encore cet amalgame : ici ou là, avec des formulations de ce type : « en cas d'échec de sa conciliation, le médiateur ». Cette confusion est désormais dommageable. Les choses ont changé et il convient que des professionnels prennent en compte cette évolution qui n'est pas que sémantique. S'il existe une certaine complaisance dans l'amateurisme, le professionnalisme s'est fortement développé en médiation, grâce à l'action permanente de l'organisation syndicale des médiateurs, la CPMN. Les mots sont dissociés et des pratiques très différentes peuvent être identifiées.

La conciliation : une procédure amiable pour aider à départager

La conciliation fait partie de la procédure judiciaire. Elle est animée par des tiers qui font reposer leur autorité sur leur fonction arbitrale potentielle. Leur instrumentation est en principal : l'appel à la raison (la morale, les coutumes, les us, le bon sens) et le rappel aux règles communes (les règlements, la loi). Influent par sa position, le conciliateur est une force de proposition. L'échec de son intervention peut laisser penser au conciliateur que tous les moyens possibles sont épuisés.

Il n'en est rien : la médiation reste un recours encore possible et renouvelable ; ce n'est pas parce qu'elle n'aura pas été mise en place en première instance, qu'elle ne sera pas opportune à tout moment de la procédure.

La médiation : un processus structuré au service de la libre décision

La médiation, a fortiori lorsqu'elle est animée par un professionnel (CPMN), est orientée vers une recherche fondée sur la libre décision. Elle consiste à briser les enfermements conflictuels, c'est-à-dire que dans sa pratique professionnelle, elle est plus un espace de libération que de liberté. Elle porte sur l'établissement d'un contexte, après préparation des protagonistes, visant l'instauration de conditions optimales pour un échange visant a travailler sur les trois issues que j'ai identifiées concernant la sortie des différends par l'altérité ; la reprise de la relation comme elle était avant le conflit, la rupture de la relation ou l'aménagement de la relation. En cela, le médiateur doit savoir créer un contexte spécifique et animer une « inimaginable discussion » au moyen d'un processus structuré qui va de la conduite d'entretiens individuels à l'animation des réunions des parties. 

Un changement de paradigme 

Dans les deux cas, les parties sont libres de se poursuivre ou non. Mais la grande différence, c'est que la médiation doit avoir pour but de soutenir l'effort des parties dans une recherche d'une solution la plus motivante possible. Une médiation réussie n'est pas un accord accepté faute de choix mais un accord qui est volontairement mis en place. Il n'a pas la force de la chose jugée mais la puissance de la pérennité du libre contrat. 

Tandis que dans le système judiciaire, c'est la défiance (voire la méfiance) qui prédomine et conditionne les rapports des parties avec la médiation, la quête est de mettre en œuvre les moyens de la restauration ou de l'instauration de la confiance. Pour en arriver à soutenir la thèse de la médiation, il est indispensable de considérer que les personnes en conflit se sont mises dans une situation qu'elles ne parviennent pas à démêler ; c'est pourquoi elles font appel à des tiers. Considérant qu'elles ne savent pas s'en sortir elles-mêmes, il devient possible de considérer que l'offre de service qui peut leur être faite est soit de les conduire à se soumettre à une décision arbitrale, soit de les conduire à apprendre à s'en sortir, en l'occurrence à trouver par elles-mêmes l'issue. C'est le choix entre la gestion de l'adversité et la résolution par l'altérité : un vrai changement de représentation. 

Pour conclure sur la clause

La clause qui peut être insérée dans les contrat de travail est donc une offre qui a pour but de sécuriser la liberté de décision. Rien n'empêche bien évidemment de recourir au système arbitral. Mais dans tous les cas, il convient de bien mesurer la portée de ce choix. L'enjeu ne consiste pas à considérer les choses dans une vision d'affrontement, avec systématiquement un faible à protéger face à un fort. Mais d'aborder le sujet en cherchant à permettre à chaque personne de mieux s'affirmer dans ses engagements et ses désengagements.

Cette clause que nous proposons a pour but de permettre de se préserver des effets dommageables de la surenchère dans un affrontement. C'est une clause de sauvegarde de la libre décision et, tant que faire se peut, grâce à l'intervention d'un spécialiste de la résolution et non de la gestion des conflits de se défaire de la dynamique conflictuelle pour y préférer un choix éclairé.

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