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19 / 11 / 2013 | 12 vues
Denis Garnier / Membre
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L'écoute, comme l'une des réponses aux risques psychosociaux

« - Vous êtes le Monsieur du syndicat ?

- Oui, que puis-je pour vous ?

- C'est bien ce que vous faites, les gens sont contents ici.

- Merci, mais je ne fais rien, j'écoute.

- Ouais, d'accord, mais ils sont contents. Personne d'autre n'écoute... »

 

L'absence d'écoute se pose souvent comme un linceul sur le mal-être

Le simple fait de s'arrêter, de prendre son temps pour créer la rencontre, de porter quelques mots à l'adresse de l'autre, de serrer la main, de poser un regard sur celui qui l'attend permet de réhabiliter celui qui est isolé dans l'ombre d'une équipe qui répète des tâches sans retour.

Ces gestes et ces mots simples, à la portée de tous, des collègues comme de la hiérarchie, permettent de reconnaître la place de chacun dans une équipe qui partage les mêmes objectifs. Ils donnent du sens aux actes de tous les professionnels qui sont ainsi invités dans un collectif de travail qui se pétrit tous les jours, comme un boulanger peut le faire avec sa pâte. L'image peut paraître curieuse mais le travail est ainsi fait qu'il ne peut résulter des seuls ordres reçus. Au travail prescrit doit s'ajouter l'intelligence du travailleur qui, par son expérience, ses qualifications, son sens du travail, ses mots, permet bien souvent de compenser les commandements approximatifs d'un management qui se montre incapable d'expliquer le travail bien fait.

Il est donc extrêmement important de pouvoir discuter du travail [1]


Ce n’est pas facile. L’obscurité de l’activité est un obstacle majeur. L’homme est ainsi fait qu’il est doué d’émotions et de sensations qui lui permettent de s’adapter en permanence. Le travail est certes le produit d’un objectif fixé mais la manière de bien le réaliser diverge selon les individus. Il est ainsi constaté que la manière de bien travailler, la manière dont le salarié va appréhender le travail et le réaliser sera différente d’un salarié à un autre. Pourtant, tous les deux travaillent bien et seul le résultat devrait être observé.

D’où l’importance d’une réflexion sur l’activité. « Nous sommes plus conscients de ce que l’on a raté que de ce que l’on réussit », dit le Professeur Davezies. « Il ne viendrait à l’esprit de personne de se réveiller la nuit pour dire « j’ai bien fait mon travail ». En revanche, le contraire se produit bel et bien ».

Il faut que le salarié puisse exprimer ses propres normes sur le bon travail. Or, en l’empêchant de le faire, il va se réfugier dans le langage commun, le prêt-à-penser, les phrases généralistes toutes prêtes qui vont stigmatiser les positions et parfois ouvrir la voie du conflit. Ne pas autoriser le débat contradictoire sur le travail ou ne pas inviter à parler du bon travail, par négligence ou manque de temps, ne peut que générer du stress et des tensions dont il est très difficile de sortir. L'autre réponse devient l'isolement social de celui qui voulait parler mais que l'on a empêché. Un risque psychosocial majeur...

Il ne faut pas hésiter à se confronter sur le travail. C’est sain. Il faut le faire au plus près du travail. Il ne s’agit pas simplement de discuter mais d’échanger pour produire des règles.

L'écoute n'est pas « protocolisable »

 
L'écoute est une réponse incontournable. Elle redonne non seulement de l'intérêt à l'autre mais elle invite au débat sur la réalité du travail. Lorsque Henri Lachmann, président du conseil de surveillance de Schneider Electric, co-auteur du rapport « bien-être et efficacité au travail » [2] dit : « Quand deux cadres pensent la même chose, je pense qu'il y en a un de trop », c'est pour bien marquer la nécessité d'encourager les différences. Elles ne peuvent s'exprimer que par l'écoute. Si tout le monde se met à penser la même chose, alors l'uniformité s'installe, le travail s'appauvrit et la qualité s'étiole. C'est en additionnant les différences que le bon travail pourra s'extraire de ces protocoles qui annihilent l'intelligence du travailleur.

Prendre le temps d'écouter, c'est inventer ensemble les réponses.


[1] Ce paragraphe est largement inspiré par les échanges que j'ai pu avoir avec le Professeur Philippe Davezies, enseignant-chercheur en médecine et santé au travail, Université Claude Bernard Lyon I.

[2] « Bien-être et efficacité au travail. Dix propositions pour améliorer la santé psychologique au travail ».

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