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29 / 06 / 2021 | 92 vues
Christine Besseyre / Abonné
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Service universel postal : ce qu’il faut retenir du rapport Launay

Pourquoi ce rapport sur le service universel postal (SUP) ?

Depuis 2018, le SUP ne compense plus les trois autres missions de service public confiées à la Poste par la loi postale de 2010. Le déficit arrive aujourd’hui à 1,3 milliard d’euros. Comme l’écrit le rapporteur, Jean Launay, ancien député, missionné par le Ministre de l’Économie qui lui a commandé ce rapport, aucune entreprise ne peut porter un déficit annuel approchant 1 milliard d’euros pour les missions de service public qui lui sont confiées dans son modèle économique. Devenu chronique, ce déficit a forcément des causes qu’il faut analyser, des effets qu’il faut mesurer et il nécessite des actions et des leviers de compensation.

 

Les causes

 

Que dit le rapport ?

Les dix dernières années ont vu une baisse accélérée des volumes du courrier de 39 % et une baisse induite du chiffre d'affaires du courrier, passé de 41 à 18,7 % du chiffre d'affaires du groupe sur la même période. Concrètement, cela se traduit par une perte de chiffre d'affaires d’un demi-milliard d’euros par an qui rend finalement le SUP déficitaire à partir de 2018. La modification des usages des professionnels et des particuliers et l’émergence du numérique expliquent principalement cette tendance de fond.

 

Que disons-nous ?

Bien avant 2010, cette baisse était largement prévisible, avec l’émergence du « numérique », des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) et de la numérisation des échanges. Le plan stratégique 2015-2020 « conquérir l’avenir » prévoyait d’ailleurs une part du chiffres d'affaires du courrier à moins de 20 % de celui du groupe en 2020. La Poste n’a pas su se transformer pour devenir un acteur du numérique de premier plan. La branche du numérique n’a dégagé qu’un chiffre d'affaires de 102 millions d’euros, soit 2,2 % de celui du groupe…

 

Les effets

 

Que dit le rapport ? 

Malgré cette baisse continue, le contenu du service universel n’a pas été remis en cause : maintien de la collecte et de la distribution du courrier six jours sur sept. Par ailleurs, les autres missions de service public ont été maintenues : distribution de la presse, mission d’accessibilité bancaire et mission d’aménagement du territoire, avec le maintien de 17 000 points de contact. La « maîtrise des coûts » a eu des effets sur l’emploi : réduction des effectifs de 47 000 personnes depuis 2013. Effets sur le coût de la lettre pour les clients, avec une hausse continue de 3 % par an de 2009 à 2017 et de 5 % par an depuis 2018 !

 

Que disons-nous ?

Ces « efforts d’optimisation » ont représenté environ 600 millions d’euros par an. Ces mesures ont fortement affecté les postiers, que ce soit en termes d’emploi, de conditions de travail et de pouvoir d’achat. Au quotidien, ce ne sont que réorganisations continues avec productivité, accroissement de la précarité de l’emploi et stagnation des salaires. La Poste doit d'urgence rechercher des leviers de compensation externes, ailleurs que dans les poches des postiers.

 

Les actions et leviers de compensation

 

Quelles mesures le rapporteur propose-t-il pour aujourd’hui et demain ?

Le rapporteur pose le principe du maintien du SUP et de son contenu, avec des aménagements (courrier hybride, J+3…), et des autres missions de service public qui ont démontré le besoin d’excellence relationnelle incarnée par les postiers durant la période de crise sanitaire. Il propose aussi la création d’une cinquième mission de service public sur le service à la personne et de l’inclusion numérique. Ce faisant, il propose une série de leviers pour compenser le déficit structurel qui représentera environ 900 millions d’euros par an, soit, au cumul, entre 4 et 5 milliards d’euros en 2025. Un levier budgétaire immédiat (via une loi de finances rectificative soumise au Parlement) pour compenser le déficit du service universel comme les déficits des autres porteurs de mission de service public (audio-visuel, énergie, ferroviaire) sont compensés.

 

Un levier fiscal par l’abattement fiscal sur la taxe sur les salaires pour les rémunérations versées aux postiers opérant sur le SUP, ce qui reste conforme aux directives européennes et qui représenterait une économie de 270 millions d’euros pour la Poste. Un autre levier fiscal à travers l’élargissement de l’assiette de la taxe sur les opérateurs numériques qui « profitent » des nouveaux usages du numérique par les consommateurs, au détriment des services postaux.

 

Enfin un levier budgétaire qui consisterait en une dotation budgétaire annuelle complémentaire pour financer le SUP et l’aménagement du territoire.

 

Que disons-nous ? 

Notre fédération  demande la restauration d’une relation de confiance entre l’État et la Poste, avec l’adoption de mesures fiscales et budgétaires pérennes, justes et compensant le coût réel de toutes les missions de service public que l’État lui confie. C’est le cas pour les autres entreprises françaises chargées de missions de service public. C’est aussi le cas des autres opérateurs postaux européens qui bénéficient de mesures de compensation par leur État, en conformité avec les textes européens.

 

Notre organisation syndicale s’interroge également sur l’attentisme de la Poste face aux possibilités fiscales (abattements sur la taxe sur les salaires) et dans le dialogue avec l’État. Enfin, pour nous, la poursuite des « efforts de maîtrise des coûts » ne doit pas mener à la poursuite des suppressions d’emplois, à la dégradation des conditions de travail et à la disette salariale.

 

À travers cette absence de compensation, c’est le modèle économique qui est en difficulté. Pour nous, c’est aussi et surtout le modèle social qui est attaqué. L’État doit prendre la mesure des enjeux sociétaux, sociaux et économiques. Comme l’écrit le rapporteur, « le traitement du déficit des missions de service public ne peut être renvoyé à l’année suivante. Il en va de la sincérité des comptes de l’entreprise et de la sincérité de l’État ».

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