Participatif
ACCÈS PUBLIC
14 / 01 / 2020 | 414 vues
Secafi (Groupe Alpha) / Abonné
Articles : 55
Inscrit(e) le 09 / 05 / 2012

CSE : quel premier état des lieux deux ans après la publication des ordonnances ?

Depuis le 1er janvier 2020, la seule instance de représentation des salariés dans les entreprises d’au moins onze salariés en France doit être le comité social et économique (CSE), regroupant ainsi toutes les instances existant précédemment (à l’exception des comités de groupe et des CE européens qui perdurent). Ceci, selon les intentions du gouvernement et du parlement, en vue d’améliorer et de simplifier le dialogue social dans les entreprises. Beaucoup d’entreprises se sont engagées dans ce processus de mise en place des CSE dès début 2018. D’autres finalisent ou ne seront pas dans les temps fixés par les ordonnances du 22 septembre 2017, un risque pointé par les organisations syndicales fin octobre dernier dans un courrier adressé à la ministre du Travail. Ce risque débouchera très certainement sur du contentieux… Sans revenir plus en détail ici sur les nombreuses controverses, pointées par le comité d’évaluation des ordonnances notamment, Traits d’Union s’attache, dans son premier numéro de l’année 2020, à vous présenter un état des lieux des débuts de fonctionnement des nouvelles instances représentatives du personnel (IRP), tiré de l’expérience de nos experts ainsi que de celle de nos partenaires avocats du cabinet Atlantes et décliné en quatre grandes interrogations.
 

  • Quelle organisation des travaux du CSE pour être efficaces ?
  • Quelle articulation entre les représentants du personnel pour peser sur les décisions de l’entreprise ?
  • Quel maillage de terrain pour rester au plus près des besoins des salariés ?
  • Quelle formation pour préparer les élus à leurs missions au mieux ?
     

L’ardente nécessité d’un ordre du jour
 

Souvent pointée dans nos colonnes, dès l’examen du projet d’ordonnances, la diminution des moyens des élus au CSE, en termes d’heures de délégation et de nombre d’élus, entrave le fonctionnement régulier de la nouvelle instance et, par voie de conséquence, les marges de manœuvre des représentants du personnel pour prendre leurs nouvelles missions à bras-le-corps. En réalité, comme le constate Florence Krivine, Associée Secafi, « la fusion des instances représentatives du personnel, issue des ordonnances du 22 septembre 2017 semble connaître un seul réel résultat positif, celui de permettre aux représentants du personnel, tous désormais réunis dans une seule et même instance, de disposer d’une vision complète, à 360°, des projets présentés par la direction, ce qui n’était pas le cas lorsqu’ils étaient membres du CE ou du CHSCT. » Ainsi, le projet soumis par l’employeur est-il aujourd'hui examiné par le CSE sous toutes ses dimensions et plus saucissonné selon les prérogatives de l’instance : stratégique, économique, organisationnelle, financière, RH, sociale, santé, sécurité ou conditions de travail. Si cette transversalité des sujets est largement reconnue, il n’en demeure pas moins que la fusion des instances se distingue surtout par les grandes difficultés à organiser le fonctionnement du CSE. Cela se traduit notamment par des ordres du jour surchargés, marqués par une dilution des sujets faute de temps pour les traiter correctement, par la multiplication de réunions tunnels pour traiter tous les sujets, au risque de crisper le dialogue social dans l’entreprise, par la mise de côté des sujets de santé, sécurité et conditions de travail (SSCT) etc., « avec des conséquences directes sur la qualité de la démarche de prévention des risques professionnels au sein des entreprises, dès lors que vous ne pouvez plus mobiliser le temps nécessaire suffisant d’échanges, d’analyses et de propositions », comme le souligne Anne-Marie Penzo, experte Secafi. Au vu de ce premier bilan de mise en place du CSE, il est donc fortement conseillé de pointer ce qui ne fonctionne pas correctement et de définir, en priorité, des ordres du jour structurés, ordonnançant au mieux les sujets à traiter, en intégrant naturellement la mise en place d’un agenda annuel des informations-consultations récurrentes nées de la loi Rebsamen. « Dans une telle dynamique d’amélioration de ce bilan de mise en place du CSE, il est important de rappeler qu’il est tout à fait possible de renégocier les règles de fonctionnement de l’instance par accord. Il faut ainsi en profiter pour remédier aux défauts que les élus auront pu constater », constate Diego Parvex, avocat associé chez Atlantes.
 

Représentants du personnel, misez sur une meilleure articulation de vos missions !
 

Avec les ordonnances, nous avons désormais trois niveaux de représentation, le CSE (avec, dans les entreprises à établissements distincts, un CSE central et des CSE d’établissement), les commissions (sujet de notre précédent numéro*) et les représentants de proximité, si ces derniers ont été mis en place. Or, pour que l’ensemble fonctionne, il convient d’organiser l’articulation du « qui fait quoi » et de définir les délégations des uns et des autres. En d’autres termes, de mettre du liant pour que chacun ait son périmètre d’action. « Cela est d’autant plus nécessaire qu’il y a un flou très certain dans les textes quant à la coordination des représentants du personnel. C’est loin d’être anecdotique et cela peut devenir complexe dans les entreprises de plus de 50 salariés. Finalement, ce que l’on constate dans ce premier bilan, c’est que la mise en place du CSE, telle qu’elle se déroule sur le terrain, va à l’encontre de la logique de simplification et d’efficacité qui a été mise en avant pour sa création », commente Luc Bérard de Malavas, expert et juriste Secafi. Dans un tel cadre, comment fait-on pour inciter l’employeur à revenir sur ce qui a été défini au moment du passage en CSE ? Soit il a été prévu dans l’accord de se rasseoir à une table au bout de quelques mois de pratiques et l’on prendra alors bien soin de rectifier le tir, soit rien n’a été prévu et il faudra alors mettre ce manque criant d’efficacité dans le fonctionnement de l’instance en avant. « C’est sans doute l’argument que l’employeur peut entendre. Il n’a strictement aucun intérêt à ce que la machine grince à ce point. Autant se mettre à une table, passer l’ensemble des prérogatives du CSE et des différents acteurs en revue et prévoir le rôle de chacun, la façon dont les niveaux d’intervention se coordonnent, la priorité donnée aux sujets SSCT… », confirme Anne-Marie Penzo. Pour éviter ce que l’on constate sur le terrain : absence de relais SSCT (en l’absence de commission SSCT) lors du passage du CHSCT en CSE, méconnaissance des dossiers SSCT par les représentants de proximité lorsqu’ils existent, engorgement des réunions par les sujets individuels, faute de référents au niveau local et renvoi du traitement des dossiers, quel que soit le sujet, du CSE aux commissions et inversement… « Ce type fréquent de dysfonctionnements est d’autant plus dommageable que nous pensons réellement qu’avec la nouvelle vision panoramique permise par la transversalité des sujets, les élus ont la possibilité de mieux faire des connexions entre les dimensions d’un même sujet, peser davantage et proposer des alternatives à des dossiers importants, comme ceux des réorganisations », complète Florence Krivine. D’où l’intérêt de très rapidement établir un état des lieux précis du fonctionnement de l’instance, de redéfinir les modalités pratiques du règlement intérieur et d’y intégrer toutes dispositions plus opérationnelles à l’aune de ce premier bilan, permettant de préciser les rôles et responsabilités de chacun.
 

Recréer du lien par un maillage de proximité
 

« Le fait même de se fixer un tel objectif pose problème », confirme Diego Parvex. En effet, en faisant disparaître les CHSCT et CE, jusqu’alors répartis de façon homogène sur l’ensemble du territoire, la mise en place des CSE mène naturellement et indéniablement à une réduction conséquente du nombre des élus mais également du nombre des établissements jusqu’alors couverts par une IRP et, de fait, à un maillage beaucoup plus pauvre de la représentation des salariés, même s’il existe des représentants de proximité. « La question du maillage et de la concordance des nouveaux périmètres avec ceux des anciens CE et CHSCT est particulièrement sensible car, derrière, se pose celle de la proximité au regard de la représentation des salariés sur l’ensemble du territoire couvert par l’entreprise », constate Luc Bérard de Malavas. Et Anne-Marie Penzo de compléter : « C’est loin d’être anecdotique en termes de préservation de la santé et de la sécurité, si l’on rappelle le rôle primordial de relais d’alerte porté par les anciens représentants du personnel, justement parce qu’ils étaient au plus près du terrain et de la situation réelle de travail ». Certes, dans les plus grosses entreprises, la solution consistera sans doute à renforcer le rôle et les moyens des représentants de proximité et des commissions, voire à mettre en place des commissions de proximité en place. Mais ailleurs ? C'est du moins ce que les experts Secafi conseillent fortement. Dans tous les cas, il importe de bien préciser le rôle des représentants de proximité et, pourquoi pas, comme cela existe déjà dans certains collectifs, comme nous le notions déjà dans notre n° 98 de février 2019**, de s’appuyer sur eux pour faire remonter les questions SSCT à la commission spécialisée ou au CSE.
 

D’où la nécessité impérative de se former
 

Au-delà des questions récurrentes de l’organisation des travaux de la nouvelle instance, de la répartition des sujets et des responsabilités, se pose celle de la formation des membres du CSE car il s’agit, là encore, d’une nouvelle démarche, bien plus vaste que celle qui existait jusqu’à présent. Florence Krivine confirme : « Effectivementon remet tout à plat. On part sur des bases inédites. On peut dire que l’on tire un trait sur le passé. C’est la raison pour laquelle nous insistons très fortement auprès de nos mandants sur le fait qu’ils ont tous droit à une formation (notamment en santé, sécurité et conditions de travail) et qu’il est primordial qu’ils en bénéficient pour pallier les défauts que nous constatons sur le terrain ». Au cours de leur mandat de quatre ans, les membres du CSE peuvent également bénéficier des formations liées aux trois informations-consultations « qu’il est indispensable de suivre, même si nous sommes bien conscients qu’ils ont moins de temps qu’auparavant pour s’y consacrer. Le bénéfice qu’ils en tirent leur permet de s’approprier le nouveau cadre légal et c’est un réel plus qu’il faut saisir assez vite pour être plus opérationnel », complète Diego Parvex. Sans oublier que cette exigence de formation est évidemment aussi partagée au sein de l’entreprise et que les directions n’hésitent nullement à bien s’entourer. « Nous conseillons aux représentants du personnel de se saisir de tous les outils et moyens mis à leur disposition pour pouvoir peser sur les décisions affectant l’emploi, la vie de l’entreprise et les conditions de travail des salariés, au premier rang desquels la formation *** », ajoute Luc Bérard de Malavas.
 

Aussi, avec un peu de recul, de premières actions peuvent être envisagées en vue de favoriser une amélioration du dialogue social dans votre entreprise, en vous appuyant sur des conseils d’experts multidisciplinaires, connaisseurs de votre secteur, parmi lesquelles, citons :
 

  • l’intégration d’une clause de revoyure systématique des accords de dialogue social,
  • l’élaboration d’ordres du jour précis, avec des blocs thématiques,
  • la définition claire des rôles et responsabilités de chacun : au sein du CSE et avec les représentants de proximité,
  • la mobilisation des moyens de formation à votre disposition.

 

* Traits d’Union n° 107, décembre 2019, « Les commissions du CSE, de nouveaux outils à s’approprier »

** Traits d’Union n° 98, février 2019, « Représentants de proximité, tout est à inventer »

*** Traits d’Union n° 102, juin 2019, « La place de la santé au travail au sein des CSE »

 

Traits d'Union N°108 Spécial CSE

Pas encore de commentaires