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06 / 07 / 2016 | 1 vue
Jacky Lesueur / Abonné
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Généralisation de la complémentaire de santé : « le système est devenu illisible, incompréhensible et totalement inéquitable » - Thierry Beaudet, MGEN

Alors que va s'ouvrir l'assemblée générale annuelle de la MGEN, Thierry Beaudet, son président, a bien voulu que nous reprenions l'approche et les réflexions qu'il a développées dans le dernier numéro de Valeurs Mutualistes.
 
Quel regard portez-vous sur 2015 ?
 
Comment évoquer 2015 sans rappeler, d’abord, l’horreur des attentats ? Paris a tremblé, plusieurs centaines de personnes sont mortes ou garderont à vie les séquelles, physiques et psychologiques. Neuf adhérents de notre mutuelle sont décédés et vingt-deux ont été blessés. Nous ne les oublions pas. La MGEN est une société attachée au vivre ensemble. Nous devons faire vivre les valeurs républicaines contre l’obscurantisme et la violence.
 
Sur le registre de la vie mutualiste, je dirais que 2015 a constitué un tournant important.
Important, parce que notre assemblée générale a voté la transformation de notre offre
unique en une gamme d’offres, MGEN santé-prévoyance.
 
500 délégués, élus mutualistes de terrain, ont porté et validé cette initiative, avec courage
et lucidité. Ils ont choisi de dépasser la pratique MGEN d’une offre unique pour garantir la pérennité et le développement de notre mutuelle.
 
Important également parce que nous avons initié un rapprochement avec Harmonie Mutuelle en vue de constituer un puissant groupe mutualiste de protection sociale. Nos mutuelles partenaires cheminent à nos côtés dans cette démarche. Ensemble, nous pourrions protéger environ 10 millions de personnes et leur apporter de meilleurs services.

Je veux aussi évoquer la COP21. Le groupe MGEN a été partenaire de la conférence sur le climat de Paris et je dois avouer que j’en suis très fier. Cela a été une forme d’aboutissement de notre démarche de responsabilité sociétale exigeante et de nos travaux sur les liens entre santé et environnement. Nous savons combien notre communauté des métiers de l’éducation et de l’environnement est sensible aux problématiques de développement durable. Je suis convaincu que nos adhérents ont compris le sens de ce partenariat.
 
Vous considérez le groupe MGEN comme un mouvement social…
 
Notre mutuelle est une mutuelle engagée, socialement et sociétalement. C’est bien ainsi que les mutualistes l’entendent. À l’origine de la MGEN, il y a un projet humain, des gens qui s’associent librement pour essayer de faire face ensemble aux aléas de la vie.
 
Au bout de 70 ans, le groupe MGEN demeure une organisation fondée sur la solidarité et la réciprocité entre ses membres, la responsabilité également.

Nos valeurs et nos convictions guident notre action. Pensée et action sont liées. Rappelons, à l’occasion des 40 ans de la loi Veil, que la MGEN a remboursé l’IVG avant même la Sécurité sociale. Décision éminemment politique.
 
En 2015, nous avons réaffirmé notre engagement pour la laïcité en inscrivant celle-ci dans nos statuts.
 
Autre exemple : nous avons été à l’origine d’une proposition adoptée dans la loi de santé en faveur de la démocratie sanitaire. Il s’agit là de combats qui ont un sens pour les mutualistes, qui contribuent à l’intérêt général.
 
Pourquoi avez-vous opéré le virage d’une offre globale unique à une gamme d’offres ?

L’offre dite « globale » conjugue des garanties de santé et prévoyance ainsi que des prestations d’action sociale et de prise en charge de la dépendance. Elle constitue la marque de fabrique de la MGEN. Une même offre protectrice pour tous et des cotisations qui tiennent compte des revenus : c’est notre traduction du « chacun cotise selon ses moyens, chacun reçoit selon ses besoins ».
 
Si nous y sommes fondamentalement attachés, il nous fallait évoluer. En 1977, la MGEN protégeait six adhérents actifs pour un retraité. Aujourd’hui, nous comptons presque autant de retraités que d’actifs. On ne peut pas faire jouer les mêmes mécanismes de solidarité (entre niveaux de revenus, entre malades et bien portants, entre générations) avec une démographie si différente.
 
Il nous faut assurer le renouvellement des adhérents, susciter l’adhésion des jeunes, en tenant mieux compte de leurs situations de vie.
 
Les résultats attestent déjà du bien-fondé de ces évolutions. Les jeunes actifs adhèrent à nouveau plus massivement.
 
Quelle ambition nourrissez-vous avec Harmonie Mutuelle ?
 
Une ambition partagée, à la fois sociale, économique et politique. De l’assurance santé à l’offre de soins, nous pratiquons les mêmes métiers. Nous nous pensons comme acteurs globaux de santé. Ensemble, nous voulons proposer des solutions innovantes et utiles à nos adhérents, ce dans un cadre mutualiste.
 
Nous voulons faire entendre notre voix mutualiste, gagner en influence pour obtenir les marges de manœuvre et d’initiative à la hauteur des besoins.
 
Dans ces conditions, les synergies projetées doivent nous permettre d’investir davantage, de créer davantage, de réaliser davantage. Le champ des possibles  est considérable : de la prévention au big data, de la prévoyance à la maîtrise des restes à charge, des accords avec les professionnels de santé aux établissements mutualistes.
 
Ensemble, MGEN et Harmonie mutuelle portent l’ambition d’agir sur le système de santé lui-même et pas seulement sur son financement, ce qui, à certains égards, serait facilité
par ce changement d’échelle.
 
Justement, avec ce rapprochement, quelle est la place des mutuelles d’Istya et comment vous insérez-vous dans la mutualité en général ?
 
Non seulement les mutuelles d’Istya y ont toute leur place mais elles constituent un atout de plus. Leurs assemblées générales sont souveraines.
 
Elles devront, le moment venu, décider de leur participation ou non à cette aventure.
 
À ce stade, la plupart semble s’y reconnaître et y adhérer. "Au bout de 70 ans, le groupe MGEN demeure une organisation fondée sur la solidarité et la réciprocité entre ses membres, la responsabilité également ».

Pour autant et pour tous, la réalisation de nos intentions communes reste à concrétiser.
 
La Mutualité Française a besoin de porte-drapeaux solides pour manifester que ses revendications politiques reflètent des réalités et des exigences de terrain, qu’elle n’agit pas « hors-sol ». Notre groupe nous renforcera en même temps qu’il renforcera la mutualité.
 
Comment qualifieriez-vous l’évolution de l’environnement politique et réglementaire des mutuelles ?
 
Je regrette l’absence de dialogue véritable, voire de considération. On ne peut pas construire un système de santé solidaire, juste, efficace, moderne, sur la défiance envers ses parties prenantes.
 
Or, de la CMU à l’aide à la complémentaire de santé, des contrats collectifs obligatoires d’entreprises aux futurs contrats seniors, l’imagination règlementaire de l’État paraît sans
limite pour colmater les brèches de l’Assurance-Maladie obligatoire. Alors les dispositifs s’ajoutent aux dispositifs, les paniers de soins aux paniers de soins et les mutuelles, non associées à la réflexion, aux décisions, sont largement privées de sens.
 
Tout se passe comme si les paniers de soins imposés aux mutuelles valaient réforme de
l’Assurance-Maladie.
 
Quelle conception rétrograde de la santé publique ! Où est l’État stratège ?
 
Que pensez-vous de la généralisation de la complémentaire de santé ?
 
Toutes les enquêtes le montrent, les Français privés de complémentaire de santé renoncent davantage aux soins. Nous ne pouvions donc que partager l’objectif de généralisation et le mouvement mutualiste l’a partagé.
 
Hélas, la mise en œuvre laisse pantois. L’accent a d’abord été mis sur les seuls salariés,
laissant de côté rien moins que les chômeurs, ceux qui ne sont plus dans l’emploi (les seniors) et ceux qui ne le sont pas encore (les jeunes).

Alors des dispositifs catégoriels ont été ajoutés pour y pallier. Le système est devenu illisible, incompréhensible et totalement inéquitable.
 
Nous aspirons et appelons à une complète remise à plat des modalités de cette généralisation et des aides publiques qui y sont dédiées. Il faut rompre avec la segmentation des populations, tendre vers une plus grande équité des aides publiques, ce indépendamment du statut professionnel des intéressés.
 
Force de proposition, la MGEN a imaginé un crédit d’impôt santé pour tous, en lieu et place des aides actuelles. Cette fois encore, nos propositions mutualistes visent à revivifier les mécanismes de solidarité entre tous.
 
À l’aube des 70 ans du groupe, quel message adressez-vous aux adhérents de la MGEN ?
 
Le modèle mutualiste est d’avenir. La MGEN est d’avenir. Nous avons en commun
avec de jeunes sociétés de l’économie collaborative une même culture de la coopération,
de l’échange et dans notre cas depuis 70 ans.
 
Mieux encore, société de personnes, la mutuelle appartient à ses adhérents ; à but non lucratif de surcroît, la mutuelle n’a pas d’actionnaires à rémunérer.

Alors, je souhaite que les adhérents trouvent au sein de la MGEN à s’engager, à participer, à proposer pour que la mutuelle demeure le bien commun auquel nous sommes tous attachés. Pour les 70 ans qui viennent...

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