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02 / 05 / 2018 | 4 vues
Didier Cozin / Membre
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Formation professionnelle, un équilibre rompu depuis 2014

De 2004 à 2014, une véritable cohérence existait entre les dispositifs de formation : le plan de formation, le DIF et le CIF. En mélangeant tous les dossiers, notamment la formation des salariés et celle des chômeurs, l'État a rendu le système parfaitement illisible et inefficace.

Le plan de formation appartenait à l'entreprise (l'employeur) qui décidait souverainement (mais via une cotisation obligatoire) d'affecter ses fonds à la formation de ses salariés en fonction des besoins du travail. Dans ce modèle, toutes les dépenses de formation étaient imputables sur le budget de formation de l'employeur (y compris la rémunération du personnel en charge d'organiser et d'administrer la formation, comme celle des stagiaires).

Le congé individuel de formation (CIF) appartenait au salarié sans que l'employeur ne puisse s'opposer à un projet individuel de reconversion. L'employeur cotisait (0,2 %) et les Fongecifs organisaient la formation des salariés avec une interruption du contrat de travail.

Le droit individuel à la formation (DIF) était la rencontre des deux précédents, un droit partagé et une négociation entre un salarié (souhaitant se former ou évoluer professionnellement) et un employeur orientant ce départ en formation (courte en général).

La réforme de 2014 et ses improvisations « légisitiques »

La « réforme » de 2014 a enfoncé un premier coin dans cet équilibre fragile entre les dispositifs et les acteurs professionnels, en transformant le DIF en une simple accumulation d'heures de formation sur un compte épargne (censé être à la main des travailleurs, salariés ou chômeurs).

Sous prétexte que le DIF n'était pas généralisé (6 % de réalisation chaque année), on l'a fait dissoudre dans un compteur de formation (CPF), simple réceptacle d'heures de formation dont ni l'employeur ni le salarié n'ont su que faire (1 % de réalisation depuis 2015).

Le maître-mot de la réforme de 2014 aura été d'occuper les chômeurs en formation. On est passé du traitement social du chômage (on réduit le travail et le temps de travail) au traitement statistique du chômage (on transfère un maximum de chômeurs de la catégorie A vers la catégorie C) pour le rendre plus présentable (un chômeur devenant magiquement un stagiaire de la formation).

La réforme de 2018 poursuit l'improvisation réglementaire avec un nouvel épisode « essai-erreur ».

Le plan de formation disparaît au profit du « plan de développement des compétences » (remarquons que la compétence est mise à toutes les sauces : France compétences, plan de développement des compétences, PIC, opérateurs de compétences...).

Au Ministère du Travail, on ne parle plus désormais que de compétences tout en ne comprenant pas ce qui fait la différence entre la formation (des dispositifs d'apprentissages professionnels) et la compétence (le résultat d'un mélange : travail-formation-promotion-responsabilisation).

  • Le CPF est transformé d'un compteur d'heures (virtuelles) de formation en un compteur d'euros (virtuels) de formation. Ce compteur CPF pourrait devenir une loterie formation. On dotera les premiers servis (1 million de personnes sur 30 millions d'actifs) de 500 euros (cumulables sur dix ans, sans aucun provisionnement des sommes en jeu) à charge pour les plus rapides de réclamer leur dû.
  • Le CIF (trop coûteux car incluant les rémunérations) disparaît au profit d'un vaseux « CPF de transition » doté de 2 fois moins de fonds et à la main des branches professionnelles (qui n'auront aucune raison de subventionner le départ des salariés de la branche).
  • Enfin, pour faire moderne, le pays va se doter d'une application miraculeuse (développée par une start-up qui a pour nom Caisse des dépôts) qui permettrait de tout savoir et organiser en matière d'apprentissage professionnel, ceci sur tout écran 5 pouces de smartphone.

Pour ajouter à la confusion vraisemblable (un « big bang » qui pourrait faire « big splash »), le texte de cette loi impressionniste (quelques touches de couleurs sociales) sera étalée sur deux années.

  • 30 décrets de loi devraient encore être rédigés après la publication de la loi au Journal Officiel fin 2018.
  • Le CPF serait transformé dès janvier 2019 mais utilisable en euros qu'à partir de juin 2019.
  • Des heures de formation précédemment acquises seraient transformées en euros sur la base de 14,28 € (on irait jusqu'à compter en centimes).
  • Une application pour smartphone révolutionnerait le départ en formation durant l'été 2019.
  • Les OPCA disparaîtraient fin 2019 pour faire place à France Compétence, une institution quadripartite (État, régions, branches et ex-OPA).

« En marche » pour une nouvelle réforme en 2023 ?

Si, comme on peut le penser, cette réforme ajouterait de la confusion, de l'attentisme et de la déresponsabilisation dans un monde du travail sidéré face à l'économie de la connaissance (on pourra le découvrir avec le RGPD dès le 25 mai prochain), il faut arrêter cette réforme pendant qu'il en est temps. Il est vital que le Parlement réécrive ce texte de la future loi sur la formation pour enfin offrir aux travailleurs un cadre éducatif et professionnel digne d'une économie de la connaissance.

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