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02 / 06 / 2016 | 43 vues
Sandrine Vialle-Lenoel / Membre
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Entretien d’évaluation : une pratique managériale essentielle

L’entretien d’évaluation a de nombreux détracteurs et certains lui prédisent sa disparition tant il serait devenu obsolète dans la modernité du travail (Les Échos, 20 avril 2016).

Alors que l’invisibilité du travail n’a jamais été aussi importante par les outils numériques et la multiplicité des lieux de travail, l’entretien d’évaluation devient à l’inverse des discours émergents, un lieu d’échanges indispensable aux managers et aux collaborateurs. Certes, la pratique doit évoluer mais elle n’est pas statique et de nombreuses entreprises modifient régulièrement le support écrit constituant le socle de l’entretien.

Notre rapport à l’évaluation est donc ambivalent : celle-ci est autant souhaitée que crainte.Souhaité ou craint, l’entretien d’évaluation n’en est pas moins une nécessité qui doit s’inscrire dans l’ensemble des pratiques managériales en continu. Dans une entreprise où la procédure d’évaluation existe, l’absence d’évaluation de certains collaborateurs peut être considérée comme un manque de reconnaissance, une indifférence pour son travail ou sa personne. En effet, l’évaluation est un procédé familier. Depuis longtemps l’individu, dans son histoire, est habitué à être évalué. Le parcours scolaire est scandé d’évaluation, de notes, de discours, de tests… Nous gardons tous de notre enfance un besoin intrinsèque d’être mesuré et défini par l’autre, de savoir comment il nous perçoit, ce qu’il veut de nous. Notre expérience sur ce point particulier est jalonné de joie, de plaisir, de reconnaissance, de doutes, de résistance, de peur de l’échec et de souffrances. Notre rapport à l’évaluation est donc ambivalent : celle-ci est autant souhaitée que crainte.

Dans certains cas, l'évaluation en entreprise a conservé son habitude scolaire en maintenant la notation. Mais évaluer jusqu’au chiffre est une opération de réduction, réduire une complexité de travail pris dans l’espace temps d’une année à une note allant de 1 à 4 peut paraître une pratique régressive. Qu’est-ce que cette note apporte finalement ? Certains supports d’évaluation devraient être remaniés afin de leur faire perdre leur caractère réducteur et évaluatif et évoluer vers une analyse de la situation professionnelle, quitte à lui faire perdre son caractère trop standardisé.

L’entretien d’évaluation doit de préférence se centrer sur l’échange et doit faire émerger une parole sur le travail et la relation que chacun y entretient et investit.

L’évaluation pensée sous l’angle de la rencontre permet d’éclairer l’opacité et les malentendus. Il permet également de répondre à des questions plus existentielles dont le collaborateur a besoin pour continuer à avancer : qu’est-ce que je vaux ? Qu’est-ce qu’on attend de moi ? Est-ce que le manager a une vision de l’ensemble de mes activités ? De mes efforts, de mes performances ? De mes difficultés ? C’est le moment d’aborder de nouveau une difficulté qui ne s’est pas exprimée ou un conflit qui n’a pas été résolu de manière satisfaisante. C’est l’occasion de parler de ce qui échappe et de définir les attentes de chacun pour l’année suivante.

L’absence parfois de rubrique mettant en évidence l’environnement dans lequel les capacités professionnelles se déploient, réorganisation, contexte économique fait  prendre le risque d’un droit de réponse conflictuel de la part du collaborateur.

Certaines entreprises ont banni le signifiant évaluation, afin de donner une plus grande place à l’échange, à la rencontre « entretien annuel » ou mettent en exergue la subjectivité contenue dans cette procédure « entretien d’appréciation ». Un entretien d’évaluation est avant tout un entretien permettant l’expression d’une parole. La posture du manager y est fondamentale, la posture évaluative, les jugements de valeur, la confusion entre le travail et l'individu, la représentation du travail et sa visibilité sont des aspects de l’entretien demandant une conception aussi précise que le support.

Le manager est l’acteur clef de cette procédure de face à face. Si la pratique managériale est une pratique régulée sur toute l’année, la teneur de l’évaluation est plus de l’ordre d’une synthèse que d’une surprise. En effet, les perceptions déformées liées aux malentendus du langage, les écarts entre les attentes du manager envers le collaborateur et réciproquement, doivent être régulés tout au long de l’année par l’intermédiaire de rencontres bilatérales d’activité et de réunions régulières. Le manager peut être démuni et mal à l'aise pour mettre en avant un écart, mais passer par le reproche n’est pas le moyen le plus efficace pour permettre au collaborateur de se responsabiliser plus que de se défendre.

La guerre contre l’évaluation est une guerre perdue d’avance.L’entretien d’évaluation est donc un acte managérial essentiel. La guerre contre l’évaluation est une guerre perdue d’avance. C’est non seulement une nécessité du travail mais pour chacun la nécessité d’être défini par le discours de l’autre afin de mieux se situer dans le social.

Si, dans certains cas, nous pouvons porter un regard critique sur certaines pratiques d’évaluation, c’est non seulement lié à la posture managériale mais aussi à l’analyse du travail que révèle le support écrit qui se fonde sur des modèles trop anciens qui ne prennent pas suffisamment en compte la transformation plus au moins perceptible, silencieuse ou flagrante du travail, tel qu’il s’exerce aujourd’hui. Il est nécessaire que l’interrogation sur la capacité d’un collaborateur à tenir un poste soit plus en adéquation avec une analyse actualisée prenant en compte les dimensions modernes du travail.

Il ne s’agit pas de faire disparaître la procédure d’évaluation mais de la remanier pour un avenir plus certain et en faire un meilleur usage.

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Ceux qui prétendent faire disparaître les entretiens individuels sont des consultants novices qui tentent de se faire un nom dans la profession (ils auront été les premiers à annoncer la mort des entretiens annuels) ou encore des nostalgiques de la lutte des classes (on en voit pas mal à la TV depuis quelques jours) qui n'ont pas compris que le travail au XXI ème siècle n'avait plus grand chose à voir avec celui des mineurs ou des ouvriers de Ford ou de Renault il y a 60 ans. Les entretiens sont indispensables mais encore faut-il que chacun soit à la hauteur de cette tâche. C'est donc une grande partie de l'organisation hiérarchique des vieilles entreprises qui doit être interrogée. Le manager de proximité n'est plus ce petit caporal d'autrefois il doit devenir un accompagnateur et un développeur de talents.