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25 / 06 / 2018 | 60 vues
Stephane Roose / Abonné
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Égalité hommes-femmes et CSE : un casse-tête pour élus et DRH

La loi relative au dialogue social et à l’emploi du 17 août 2015, dite Loi Rebsamen, a introduit l’obligation de respecter dans les listes électorales le même équilibre que la représentation hommes/femmes au sein de l’établissement ou de l’entreprise.

Un principe louable

Le principe est louable pour mener davantage de parité dans les instances représentatives du personnel et une représentation conforme à celle des salariés de l’entreprise. Les données les plus récentes montrent encore un écart entre la représentation des femmes dans la population active et leur place dans les instances de représentation du personnel. Concernant la mise en œuvre pratique de ce principe, c’est une autre affaire !

Une saga avec des rebondissements

Le feuilleton auquel nous assistons depuis la publication de la loi est déjà, à lui seul, une aventure juridique difficile à suivre, même pour les spécialistes. Le premier épisode commence par la loi qui crée un système de représentation imposant le dépôt de candidatures féminines à hauteur de leur présence dans les différents collèges électoraux.

Premier écueil : comment permettre des listes paritaires dans des entreprises ou la répartition hommes/femmes est très déséquilibrée. Sur une liste de 4 candidats, si le poids des femmes (ou des hommes) est inférieur à 12 %, cela revient à exclure les femmes (ou les hommes) des listes de candidats. Car le calcul du nombre de représentant à élire respecte la règle de l’arrondi : jusqu’à 0,4 c’est 0, à partir de 0,5 c’est 1.

Pour contourner ce problème, certains se sont tournés vers l’alinéa 1 de l’article L 2314-24-1 du Code du travail qui permet de s’affranchir de cette règle dans le cas de liste à candidature unique. Les ordonnances Macron ont confirmé cette solution en maintenant le fait que la proportionnalité des listes s’applique à celles comportant plusieurs candidats. Il a été ajouté que l’application de la règle d’arrondi ne peut conduire à empêcher la candidature d’un travailleur au seul prétexte de son sexe. Fin de l’épisode 2.

Épisode 3 : saisie notamment par FO sur ce sujet, le Conseil Constitutionnel a validé cette position dans le cadre de sa décision 2017-686 QPC du 19 janvier 2018. L’application de la règle de l’arrondi ne peut empêcher la candidature d’un travailleur du sexe sous-représenté. On pouvait considérer le débat comme clos.

Tout est remis à terre

Il n’en était rien puisque la Cour de cassation a récemment chamboulé ce bel édifice par une décision rendue le 9 mai dernier (17-14.088). C’est l’épisode 4 qui rebat les cartes, réintroduisant le doute et du risque juridique dans le processus électoral. Que dit-elle ? Lorsque plusieurs sièges sont à pourvoir, les listes à candidatures uniques ne sont plus admises. Par ailleurs, en déduction de la position du Conseil Constitutionnel, les listes doivent comporter au moins un homme et une femme, notamment lorsque la règle de l’arrondi conduit à l’inéligibilité d’un sexe dans un collège.

Nous en sommes là de cette saga qui ne fera pas que des heureux. Ni dans les organisations syndicales qui peinent à mettre cette parité en place, ni chez les employeurs, notamment les DRH qui voient le risque de contentieux sur les processus électoraux fortement augmenter. Il semble que personne n’y gagne.

À quand l’épisode 5 ?

Dans un contexte de fort renouvellement des élus d’ici décembre 2019, ces incertitudes juridiques pèseront dans les discussions engagées ou à venir sur la mise en place du CSE. Cette difficulté s’ajoute à un autre phénomène qu’est la « professionnalisation » des élus avec la mise en place du CSE. Une seule instance avec globalement moins d’élus mais plus d’engagement pour chacun et plus de complexité à embrasser la totalité des compétences de la nouvelle instance. La recherche de candidats, notamment dans les petites et moyennes entreprises, peut devenir un vrai casse-tête. De nombreux élus, du CHSCT notamment, ne voudront pas s’engager davantage. Les mandats électifs n’ont que rarement été des dynamiseurs de carrière et il y a plus de coups à prendre que de primes à gagner ! De quoi fragiliser le dialogue social tant prôné par le gouvernement, au moins dans la volonté affichée.

Le cocktail mélangeant la baisse du nombre d’élus, la multiplication des compétences nécessaires pour assurer les mandats, l’absence des suppléants aux réunions et les pouvoirs accrus aux accords d’entreprise peut devenir explosif et mener à renforcer le déséquilibre au sein du futur CSE. Attention aux dommages collatéraux : ni les élus, ni les employeurs, ni le gouvernement n’en sortiront gagnants. La saga risque fort de ne pas se terminer en « happy end » si un 5e épisode ne clôture pas la saison.

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