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05 / 09 / 2013 | 159 vues
Sandrine Lemoine / Membre
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Comment valoriser son expérience syndicale professionnellement ?

La dernière loi sur la sécurisation des emplois illustre la responsabilité croissante des syndicalistes à négocier des accords d’entreprise en phase avec sa stratégie. « Au-delà des connaissances nécessaires de la sphère sociale, les organisations syndicales doivent prendre en considération les données économiques d’un environnement mondialisé, s’inscrivant ainsi dans une logique de démocratie économique qui exige encore davantage de professionnalisme », souligne Bernard Devy, président du groupe de protection sociale Klesia qui parrainait le 4 juillet dernier un café social sur le thème des enjeux de la valorisation professionnelle de l’expérience syndicale.

Pas facile dans ces conditions de concilier son métier d’origine avec son activité syndicale. « Il est pourtant essentiel de garder un lien avec le monde professionnel le plus longtemps possible. Ce n’est qu’à 40 ans que j’ai fait le choix de m’investir à temps plein dans le syndicalisme », illustre Bernard Devy, ancien préparateur en pharmacie, devenu président de la fédération de la pharmacie, puis responsable du secteur de la protection sociale de la confédération FO. « Je considère désormais mon activité syndicale comme un métier en tant que tel », confirme Bruno Largillière, délégué syndical central CFDT de la branche produits frais de Danone.

Quel mode d’évaluation ?


Voici donc des délégués syndicaux dont le niveau de professionnalisation mérite d’être évalué. « Nous réfléchissons, entre autres, à un mode d’évaluation à 360° qui permettrait de croiser les perceptions des salariés, de la DRH et de la fédération syndicale. Nous tenons à ce que le mode d’évaluation de l’activité syndicale soit indiscutable pour ne pas être taxés de favoritisme », explique Bruno Largilière.

« Il est illusoire de demander à un syndicat de transmettre à un DRH les évaluations de ses délégués »

« Il est illusoire de demander à un syndicat de transmettre à un DRH les évaluations de ses délégués », prévient Bernard Devy. Rien n’empêche en revanche une direction de donner des éléments d’évaluation à ses syndicats. L’évaluation passe en effet d’abord par un suivi de la fin de l’activité de chaque représentant des salariés. C’est ce que fait la direction de Manpower depuis un an. « Nous avons adressé une première revue de personnel aux fédérations syndicales ou syndicats auxquels sont rattachés nos élus. Celles-ci détaillent la présence ou non de chacun aux réunions auxquelles ils sont censés participer, les formations qui leur ont été proposées, celles qu’ils ont acceptées et celles qu’ils ont refusées », explique Gérard Taponat, directeur des relations sociales à l’initiative d’un nouvel accord de droit syndical à l’été 2012 et qui vise à diminuer le nombre de permanents syndicaux et à mettre les délégués centraux en position de véritables managers de leur équipe.

Quelles formations pour quelles promotions ?


L’évaluation ne sera pas en tout cas un critère pour accéder au prochain diplôme universitaire « Europe sociale », concocté sur mesure par la CFE-CGC en partenariat avec l’Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines. « C’est d’abord le critère électif qui sert à sélectionner les candidats sur la base de leur mandat et non en fonction, par exemple, de leur capacité à faire du développement », explique Marc-Antoine Marcantoni délégué syndical central de Thales Communication, à l’initiative de ce diplôme. Un syndicaliste très familier de l’Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines puisqu’il y intervient une centaine d’heures par an dans le cadre d’un master en droit européen.

Reste à voir comment les directions seront susceptibles de prendre en compte les connaissances acquises par un syndicaliste dans le cadre d’un DU Europe sociale, suivi pendant un an. « La formation suivie à Sciences Po a été très intéressante mais je suis très lucide sur la valeur de cette certification à l’extérieur de Danone. Même en interne, ce n’est en aucun cas l’assurance d’une promotion », confie Bruno Largilière qui a suivi le parcours certifiant pour les syndicalistes concocté par l’association Dialogues avec Sciences Po. « Sur les 400 syndicalistes qui ont suivi cette certification, je suis le seul à avoir obtenu une augmentation salariale et surtout promotionnelle importante qui reflète une réelle prise en compte du parcours syndical », témoigne François Clerc, délégué syndicat CGT chez PSA et spécialiste des discriminations. Pour lui, « la valorisation de l’expérience syndicale ne doit pas seulement concerner les porteurs de mandats lourds et s’appliquer à la fin des mandats afin de ne pas constituer une incitation à mettre fin aux parcours syndicaux. C'est bien au moment où le syndicaliste met en œuvre ses expériences dans le quotidien de son activité syndicale que la valorisation doit s'appliquer ».

« C’est la valeur de la formation qui sous-tend l’obtention d’un diplôme qui importe plus que le parchemin qui peut se révéler n’être qu’une illusion. »

La voie de la promotion passe-t-elle nécessairement par la capacité à décrocher des diplômes d’État ? « C’est la valeur de la formation qui sous-tend l’obtention d’un diplôme qui importe plus que le parchemin qui peut se révéler n’être qu’une illusion. Notre approche ne privilégie pas la VAE, même si celle-ci demande beaucoup de persévérance et d’accompagnement, mais s’oriente plutôt vers la création de diplômes passerelles adaptés aux profils syndicaux afin de leur permettre d’accéder plus facilement à des diplômes d’État », estime Jérôme Gautié, directeur de l’Institut des Sciences Sociales du Travail de Paris (Paris I). Une approche partagée avec l’Institut du Travail de Saint-Étienne (Université Jean Monnet), tandis que l’Institut du Travail de Toulouse mise quant à lui sur la VAE militante, syndicale et associative. Dans les deux cas, voici des approches qui requièrent un soutien des syndicats à l’égard de militants qui vont être moins présents sur le terrain. « Il appartient aux syndicats de laisser le temps à leurs militants de se former », rebondit Jérôme Gautié qui note une augmentation des demandes d’accompagnement individuel au sein de tous les instituts du travail.

« Ce n’est pas parce que l’on est délégué syndical central et que l’on tient un mégaphone que l’on est nécessairement compétent. »

En 5 promotions, près d’une centaine de cadres syndicaux et RH a suivi le master 2 de négociation relations sociales de l’Université Paris Dauphine. « Nous avons une grande exigence dans la sélection des profils, avec un jury où les représentants des confédérations CFDT, CFE-CGC et UNSA ainsi que de l’ANDRH sont présents. Ce n’est pas parce que l’on est délégué syndical central et que l’on tient un mégaphone que l’on est nécessairement compétent », estime Gérard Taponat, créateur de ce master qui peaufine le programme d’un MBA en relations sociales internationales.

La formation, quelle que soit sa forme, apparaît comme un véritable plus dans la valorisation de l’engagement syndical. Elle pourrait même parfois devenir un passage obligé. « Pour conforter la bonne gouvernance des organismes de protection sociale, l’autorité de contrôle prudentiel, l’ACP, projette d’évaluer la capacité des administrateurs proposés par les syndicats et les employeurs qui siègent au sein des groupes de protection sociale. Cela avant même qu’ils n’exercent leur mandat », conclut Bernard Devy, président d’un groupe qui compte pas moins de 250 administrateurs.

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