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25 / 04 / 2017 | 2 vues
Norbert Deme / Membre
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Comment seront appréciés les salariés à la Poste à partir de 2018 ?

Dans un monde du travail qui a radicalement changé depuis dix ans, qu’est devenu le rôle de l’entretien d’appréciation dans sa configuration actuelle : dernier point de repère ou pratique obsolète ? Certaines entreprises sont en train de se poser la question.

Pour sa part, la Poste veut déjà s’affranchir d’un cadre réglementaire jugé désormais contraignant, en décidant unilatéralement de simplifier l’arrêté du 9 juillet 2001 qui impose l’évaluation de cinq familles de compétences identifiées.

Au lieu de cela, charge aux managers d’évaluer dès 2018 la seule bonne mise en œuvre des « compétences nécessaires à l’exercice de la fonction ». Vaste (et vague) programme, qui nécessite, selon nous, de redonner du sens à l’exercice, de rappeler quelques principes de bienveillance tant vis-à-vis des évaluateurs que des évalués et de les accompagner dans cette évolution.

Sinon le risque sera grand de transformer l’EA en un exercice (de plus ?) centré sur le « combien », qui ignore le « comment » et là, pour le coup, autant le supprimer, non ?

Comment apprécier le N-1 quand son lieu de travail est à plusieurs dizaines de kilomètres de votre bureau, dans lequel vous-même n'êtes d’ailleurs pas souvent ? Comment apprécier sa contribution au titre de membre d’un groupe projet auquel vous ne contribuez pas ? Les transformations du monde du travail (numérisation, généralisation du mode projet, réorganisations permanentes…) ont parmi leurs multiples conséquences celle de requestionner le rôle et les modalités de l’entretien d’appréciation. L’enjeu n’est pas tant l’évaluation des résultats : ce ne sont pas les reportings et entretiens en face à face et téléphonés qui manquent…

Non, l’enjeu est sur le « comment », sur les compétences mises en œuvre ou à acquérir et leur bonne articulation avec la stratégie de l'entreprise d'une part et les aspirations individuelles d'autre part.

Dès le début des années 2000, la Poste s'est souciée de l'adaptation des compétences et de leur renouvellement à moyen terme. Engagée dans une politique de professionnalisation, elle a pu s'apercevoir des dégâts d'une professionnalisation non maîtrisée : les usines à gaz de cette époque prêchant quasiment qu'un comptable exerçant dans un métier n’avait pas les compétences idoines pour l'exercer dans un autre…

Toutefois, loin d'ouvrir un chantier global sur les enjeux et modalités de l'appréciation, la Poste semble vouloir parier sur la seule centralisation des compétences et la mise en place de passerelles intra et inter-branches, ceci afin de développer mobilités et évolutions professionnelles.

On est alors en droit de se poser quelques questions. En quoi l’évolution envisagée est-elle pour l'évalué et pour l'évaluateur un gage d'amélioration, de simplification, de meilleure prévention du risque de discrimination ou des RPS, de meilleure transparence ou d'équité ?

En quoi le risque de subjectivité inhérent à toute évaluation sera mieux maîtrisé avec l'introduction de nouveaux référentiels de compétences comportementales ou techniques ?

Quelles nouvelles articulations avec les processus de rémunération, de mobilité fonctionnelle ou promotionnelle ou encore les revues de personnel dont le manque de transparence est régulièrement souligné ?

Quelle conséquence de la numérisation du processus, notamment sur la réalité de la tenue de l'EA ?

Enfin, quels outils et quel accompagnement des gens ?

Personne ne peut contester l'intérêt de l'adaptation et du développement des compétences dans une perspective d'amélioration des performances, de sécurisation des parcours professionnels ou encore comme outil concurrentiel dans la « guerre » des talents ».

Il nous faut cependant des garanties que la « retouche » proposée, dont les effets réels sont difficiles à mesurer, notamment en ce qui concerne les attentes envers les managers, sera à même d'engendrer l'efficacité et la simplification attendues. Nous pensons également que les questions relatives à l'organisation et à la charge de travail ainsi qu'à la rémunération sont à prendre en compte.

Nous demandons donc à être étroitement associés aux évolutions envisagées afin qu’elles se traduisent effectivement dans l’EA par un dialogue de qualité, sans contrôle et évaluation en continu des salariés. Rappelons ici que la multiplication des entretiens et des évaluations, associée à un contrôle « tatillon » constitue une source de risque psycho-social (RPS). 

Vintage, l'entretien annuel ?

D'Accenture à General Electrics en passant par Gap ou Microsoft, de plus en plus d'employeurs seraient prêts à troquer ce face-à-face théâtralisé, dans « un espace calme, isolé et discret », par exemple le bureau du manager, contre un système plus souple et « désacralisé » : des retours plus réguliers, en général après chaque projet ou plusieurs fois par an (par ex. 4 face-à-face chez Microsoft soit un par trimestre), sans nécessairement de grille spécifique mais avec des discussions et échanges pour analyser les points positifs et les problèmes éventuels.

On cherche du régulier, du direct, du constructif et du qualitatif. Exit également le manager hiérar(chi)que, prié maintenant de se reconvertir dans la proximité et la reconnaissance des collaborateurs.

Dans ce monde merveilleux, chaque projet démarre (check-in) puis se clôture (check-out) par des entretiens, à chaud, avec le manager direct, dans une perspective de développement des « talents ».

L'idée est également que les performances collectives ne sont pas la simple addition des performances individuelles et que la bonne gestion des complémentarités augmente les performances.

Outre la temporalité et la forme, le résultat et la méthode ne sont pas en reste : la traditionnelle notation « sanctionnant » le bilan de l'année écoulée (échelle de 1 à 5 ou à 10) serait en voie d'abandon, en raison du caractère arbitraire de la notation utilisée.

Les objectifs individuels évalués se révèlent inadaptés dans le sens où ils ignorent le travail en équipe et la nouvelle logique collaborative, la coopération ou la transmission des connaissances ; or, l'EA focalise l'attention sur les résultats plutôt que sur la contribution... 

Nos revendications :

  • une communication renforcée sur les enjeux et finalités du projet « évolution de l’EA »,
  • une vraie négociation avec les organisations syndicales et non une information par « obligation » (un comité technique est nécessaire pour modifier l’arrêté),
  • un accompagnement auprès des managers,
  • l’arrêt de la pression sur le « quota » de E, même si bien entendu il est censé ne pas exister,
  • une remise à plat du processus de recours redéfinissant le rôle de la médiation et en faisant la voie de recours principale.
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